Triste Amérique, le vrai visage des Etats-Unis de Michel Floquet

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Quatrième de couverture : 

Il y a deux Amérique. Celle du mythe, de la liberté, de la musique, de la chance offerte à chacun. De la Silicon Valley, de Manhattan, de Google, de Facebook, de Wall Street et d’Hollywood. Et l’autre Amérique… Un pays qui consacre la moitié de son budget à l’armée, en perdant toutes ses guerres. Où un enfant sur quatre mange à la soupe populaire. Où l’on compte, proportionnellement, plus de prisonniers qu’en Chine ou en Corée du Nord.
Où des vieillards paralytiques purgent des peines de 150 ans. Où, chaque jour, plus de 30 personnes sont abattues par arme à feu. Où les études coûtent 40 000 dollars par an, induisant une reproduction sociale sans égale. Où l’impôt taxe les plus riches de 15 % et les plus modestes de 25 ou 30 %. Une démocratie dominée par deux partis qui dépenseront 7 milliards de dollars lors de l’élection de 2016 pour continuer à se partager le pouvoir.
C’est cette triste Amérique que dépeint Michel Floquet. Un pays qu’il a parcouru pendant cinq ans, saisi par son éloignement de l’Europe, son continent d’origine. Et l’on réalise qu’au XXIe siècle, les Etats-Unis ont dévoré l’Amérique tant admirée.

Editeur : Les Arènes

Nombre de pages : 235

Prix : 19,80€

Mon Avis :

Un de mes collègues, après avoir été effaré par sa lecture, m’avait confié ce livre-document pour les vacances, en vue de le commenter, dès la rentrée. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y aura matière à discussion.

L’auteur, Michel Floquet, est un journaliste qui a été correspondant pour les chaînes TF1 et LCI, aux Etats-Unis, de 2011 à 2016. Dans son ouvrage, il nous livre une vision profondément pessimiste du pays, à l’aune de l’image donnée dans les médias comme le cinéma ou les séries télévisées. Pour lui, l’American dream est un modèle dépassé, voire même enterré. La société apparaît aujourd’hui sclérosée à cause de :

– du manque de connaissance et d’intérêt pour l’histoire de la nation : non seulement cela ne constitue pas un terreau commun entre toutes les communautés mais certains évènements sont passés sous silence voire instrumentalisés (massacre des Indiens de Wounded Knee par des soldats américains, en 1890). Certaines communautés étaient mêmes considérées comme des citoyens de seconde zone.

« La citoyenneté américaine ne sera accordée aux Indiens qu’en 1924. Et il faudra attendre 1953 pour qu’ils cessent d’être considérés comme des pupilles et qu’ils accèdent enfin aux mêmes droits que les autres Américains. » (P. 57)

– son système étudiant défaillant et réservé exclusivement aux riches. Il ne joue donc plus son rôle d’ascenseur social.

« Les frais de scolarité ont explosé aux Etats-Unis. Plus 440% en vingt-cinq ans. L’année en université publique frôle désormais les 10000 dollars. Dans les grands établissements privés, on est fréquemment autour de 50000. » (P.25)

– le racisme latent enferme chaque communauté dans sa sphère sociale et géographique (la mixité sociale n’existe quasiment pas aux Etats-Unis) tandis qu’elle dirige certains vers la délinquance et la violence.

« A partir du recensement de 2010, le New York Times publie début 2015 une enquête sidérante. Elle s’intitule « 1,5 Million missing Black Men », il manque 1,5 million d’hommes noirs. On y découvre que pour 100 femmes noires non emprisonnées, il n’a que 83 hommes noirs en liberté. Dans la population blanche, la proportion est de 99 hommes pour 100 femmes. En extrapolant ce chiffre, le journal en conclut qu’il « manque » chaque jour dans la vie quotidienne, 1,5 millions d’hommes noirs. Où sont-ils? En prison, ou morts prématurément, par homicide la plupart du temps. » (P. 126-127)

– un État qui possède comme principale ligne de conduite une politique sécuritaire et répressive, au détriment de d’autres domaines (éducation, développement et/ou réparation des infrastructures, etc…) : l’essentiel du budget va à la constitution d’une armée et des guerres (Irak, Afghanistan, etc…), la toute puissance d’une police intérieure  parfois violente et raciste, une justice à deux vitesses, le développement d’immenses centres pénitentiaires, le lobby des armes, etc…

« Les récits de délation sont légion. Parfois dramatiques, souvent, et c’est le plus sidérant, pour des broutilles. Les plus banals, les plus systématiques concernent l’entretien des jardins. Celui qui ne tond pas sa pelouse verra rapidement arriver la police. » (P. 76)

« L’Amérique (est) la plus grande prison du monde. Un adulte sur cent y est incarcéré. Un prisonnier sur quatre dans le monde est américain. » (P. 139)

– le développement de l’individualisme et de la domination de l’argent, au travers de la surconsommation, le déni des évolutions écologique et environnemental dus au mode de vie trop dispendieux des pays industrialisés, la nourriture de mauvaise qualité, etc…

« Dans un récent sondage, il était demandé à un panel de jeunes adultes ce qui, sans l’ombre d’un doute, peut mettre un terme à une relation dès le premier date, le premier dîner en tête à tête. L’incident le plus grave, à une large majorité, c’est que la carte de crédit de l’autre soit refusée… L’Amérique est une société décomplexée vis-à-vis de l’argent. Dans ce pays, on est fier de son salaire, s’il est bon bien sûr. On le divulgue, on en parle aux voisins, aux amis, à la famille. On compare. On donne le prix de tout, de sa voiture, de ses vacances, de sa maison ou de son divorce. C’est à qui alignera les plus gros chiffres. » (P.20)

– et enfin, l’alternance et la domination de deux uniques partis républicain et démocrate qui s’alternent mais qui sont bien éloignés des préoccupations de l’américain moyen et des couches sociales les plus basses.

Les Etats-Unis apparaissent donc comme un pays qui n’évolue plus : le fossé entre les plus riches et les plus pauvres se creusent, l’ascenseur social est arrêté, la communication entre les communautés inexistantes (ce qui entraînent une incompréhension et une montée des violences et du racisme), un repli sur soi, la montée de l’individualisme, etc…

Le discours de Michel Floquet est fluide et toujours agrémenté d’exemples, ce qui montre qu’il possède une vision accrue de son sujet. En revanche, j’aurais quelques reproches à lui faire. Certes, aucun pays n’est parfait mais son discours se veut profondément pessimiste et alarmiste. Je pense qu’il aurait été nécessaire qu’il nuance un peu plus son propos et qu’il développe aussi quelques points positifs. Pourtant, il l’a fait dans une Interview de Geopolis et dans laquelle il admet que les Etats-Unis sont aussi une terre d’optimisme, (surtout après des catastrophes naturelles, les gens vont prendre par eux-mêmes des initiatives) et une terre de créativité et d’audace (il existe aussi des opportunités pour ceux qui possèdent des idées nouvelles).

En conclusion, Triste Amérique est un ouvrage très intéressant et bien documenté qui m’a, tout comme mon collègue, beaucoup effaré. En revanche, je pense qu’il aurait mérité d’être aussi plus nuancé afin d’en faire ressortir quelques aspects plus positifs.

Note 4/5

13 commentaires

  1. J’allais dire que pas mal d’ouvrages qui contiennent « vrai » dans le titre tombent m’est avis souvent dans l’autre extrême. Sans vouloir convaincre personne que nous vivons dans un monde tout beau et tout rose (j’y crois pas non plus) ^^.

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