La servante écarlate de Margaret Atwood

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Quatrième de couverture : 

Devant la chute drastique de la fécondité, la république de Gilead, récemment fondée par des fanatiques religieux, a réduit au rang d’esclaves sexuelles les quelques femmes encore fertiles. Vêtue de rouge, Defred, « servante écarlate » parmi d’autres, à qui l’on a ôté jusqu’à son nom, met donc son corps au service de son Commandant et de son épouse. Le soir, en regagnant sa chambre à l’austérité monacale, elle songe au temps où les femmes avaient le droit de lire, de travailler… En rejoignant un réseau secret, elle va tout tenter pour recouvrer sa liberté.

Editeur : Robert Laffont

Nombre de pages : 521

Prix : 11,50€

Date de sortie : 1987 en France pour la première édition et le 8 juin 2017 pour la présente.

Mon Avis : 

Après le coup de coeur que j’ai eu cet été pour l’adaptation en Série télévisée de la Servante écarlate, la lecture du roman est devenue évidente. J’ai donc profité d’une LC avec Dixie39 de Page 39 et du Club de lecture de Babélio pour me lancer. Il est rare que je débute dans cet ordre : le livre après la série. Il est vrai que si je n’ai pas vraiment eu de surprise en ce qui concerne l’intrigue ou à fournir d’effort pour créer un univers par mon propre imaginaire (je visualisais Defred sous les traits de l’actrice Elizabeth Moss ou les décors de la série pour la maison de Serena Joy et du Commandant), ma lecture s’est révélée être un véritable coup de coeur.

Dans les années 80, l’Humanité connaît un terrible coup du sort : le taux de natalité s’effondre brutalement. Plusieurs éléments sont mis en cause dans le récit : un dérèglement climatique lié aux activités humaines intenses ou une catastrophe écologique dans l’est américain. Quant aux partisans de Gilead, ils voient là un signe de la punition divine. Dès lors, ils fomentent un coup d’état, renversent le gouvernement en cours et impose une « République » dans laquelle les femmes seront protégées pour la survie de l’Humanité. Ces dernières sont alors réparties en castes : les Épouses habillées de bleu seront les compagnes des Hauts dignitaires du régime, les Martha en gris seront affectées aux tâches ménagères, les Econofemmes seront une faveur accordés aux soldats les plus dévoués de la République et enfin les Servantes Écarlates, en rouge. Réduites au rang d’esclaves sexuels, les Servantes qui ont déjà donné la vie, sont précieuses : au service des Hauts dignitaires, elles doivent concevoir un enfant, lors d’une Cérémonie régulée par des préceptes bibliques. Defred est l’une d’entre elles et raconte son histoire…

Dès les premières pages, le lecteur tisse un lien des plus intimes avec Defred : il devient rapidement son confident et a le sentiment d’être le dépositaire d’un témoignage important et unique. Le style oral de Defred et le point de vue interne renforcent cette impression. Et Defred s’avère est une jeune femme attachante : forte mais prudente et intelligente, c’est à travers ses yeux que le lecteur pénètre dans le milieu verrouillé de la République de Gilead.

Le récit de Defred est glaçant : sous couvert de vouloir sauver la race humaine, la République se base sur la Bible pour imposer sa dictature théologique. Les femmes deviennent alors les premiers boucs émissaires. Elle ne peuvent plus enfanter? C’est de leur faute car leur mode de vie les a dévoyé de leur mission première. Elles ont désormais l’interdiction de suivre des études, de travailler, même lire ou écrire est passible d’une amputation de la main. Les femmes ne sont pas les seuls cibles de la République de Gilead : les homosexuels sont poursuivis impitoyablement, les médecins responsables des avortements sont exécutés, les vendeurs de vêtements dits indécents sont humiliés en place publique et doivent faire pénitence, les croyants des autres religions doivent se convertir ou s’exiler, etc… L’ordre absolu se place sous la censure, l’étroite surveillance des individus, la purge systématique des opposants, la dénonciation, l’imposition d’une morale puritaine, etc…

Je pense aux laveries automatiques. A ce que je portais pour m’y rendre : shorts, jeans, survêtements. A ce que j’y mettais : mes propres vêtements, mon propre savon, mon propre argent, l’argent que j’avais gagné moi-même. Je songe à ce que représentait cette indépendance.
A présent, nous parcourons la même rue, par paires rouges, et aucun homme ne nous crie d’obscénités, ne nous parle ni ne nous touche. Personne ne siffle.
Il y a plus d’une sorte de liberté, disait Tante Lydia. La liberté de, et la liberté par rapport à. Au temps de l’anarchie, c’était la liberté de. Maintenant on vous donne la liberté par rapport à. Ne la sous estimez pas. (P. 49)

Et le pire dans tout cela? Le récit de Defred sonne comme une mise en garde : si vous Lecteur, n’y prenez pas garde, cela risque aussi de vous arriver. Vous seriez comme une grenouille dans un récipient d’eau chaude qui au fur et à mesure que la température augmente, mourra ébouillantée! Dans le contexte d’aujourd’hui, difficile de ne pas y penser : les violences faites aux femmes au sein de l’Etat Islamique, le droit à l’avortement remis en cause dans plusieurs pays comme en Espagne ou aux Etats-Unis, l’opposition véhémente à l’institution du mariage homosexuel en France par certains milieux religieux ultra conservateurs ou la restriction de nos libertés individuelles sous prétexte de lutte antiterroriste…

Pour les générations qui viendront plus tard, disait Tante Lydia, ce sera tellement mieux. Les femmes vivront ensemble en harmonie, elles formeront une seule famille : vous serez comme leurs filles, et quand le niveau de la population sera rééquilibré, nous n’aurons plus à vous transférer d’une maison à l’autre parce que tout le monde pourra être servi. (…) Pourquoi s’attendre à ce qu’une seule femme remplisse tous les rôles néssaires au fonctionnement serein d’une maison? Ce n’est ni raisonnable ni humain. Vos filles jouiront d’une plus grande liberté. Nous œuvrons pour que chacune d’entre vous possède son petit jardin (…) et ce n’est qu’un exemple. (…) Mais nous ne pouvons tout de même pas être des porcs avides et trop exiger avant l’heure, n’est-ce pas? (P. 272)

Ce livre est sorti dans les années 80 et je suis surprise de ne l’avoir découvert que maintenant. Il est devenu populaire seulement depuis la sortie de la série télévisée, cette année, aux Etats-Unis. L’édition du roman est somme toute très récente par les éditions Robert Laffont. Et pourtant, un livre aussi bien écrit et avec un impact aussi glaçant mériterait de se placer au même titre que les grandes dystopies comme 1984 d’Orwell.

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35 commentaires

  1. J’avais moi aussi adoré ma lecture.
    C’est glaçant, d’autant plus que l’histoire nous paraît réaliste. J’avais aussi utilisé la métaphore de la grenouille, ce livre y colle parfaitement 🙂
    Il faut que je visionne la série maintenant 🙂

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  2. Que dire de plus ? Que j’ai adoré ce livre, adoré que nous soyons au diapason, jour après jour, avançant au même rythme dans notre lecture, que j’en ai encore les nerfs à fleur de peau car, comme toi, je pense qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire… Nous devons rester éveillées et prêtes à (je n’aime pas ce mot de combat, de lutte, mais pourtant…) ne pas laisser se perdre nos droits (ceux pour lesquels hommes et femmes ont combattus, ceux qui ne sont encore que sur le papier, ceux qui sont encore bafoués). Quand je parle de droits, je parle des droits de l’Homme. Pour moi, il n’y a pas deux « sortes » de droit (celui des femmes et celui des hommes), il y a les droits reconnus à cette humanité que nous formons (homme, femme, enfant et tous ceux également pour qui le genre défini est un problème…). Je ne sais si on arrivera un jour à cette équité ! Mais je l’espère et j’essaie d’y être attentive. De rester vigilante…
    C’est une belle critique ! Et un beau « coup de gueule » ! 😉
    Oui ! J’ai fait aussi cette comparaison avec 1984 ! 😉

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  3. Un excellent roman où je n’ai relevé qu’un seul défaut, ce bandeau rouge en couverture avec cette référence à l’Amérique de Trump…. je cherche encore l’intérêt et le rapport avec le sujet.
    Les éditeurs sont parfois étranges…

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    • En fait, je sais qu’Outre-Atlantique, des femmes sont allées manifester contre une loi allant à l’encontre de l’IVG (et issue par le gouvernement Trump) avec la tenue des Servantes Ecarlates. Je pense que ce bandeau doit y faire référence.

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  4. J’avais envie de le lire avant le battage médiatique qui agit comme un repoussoir.
    La série m’avait assez ennuyé, des épisodes forts parmi des longueurs. Le style ne m’avait pas non plus convaincu.
    Pour le livre, le sujet est certes juste, mais je me demande si il apporte des éléments au débat. En 1980 nul doute, mais aujourd’hui ?
    Bref, je pense le lire dans 40 ans quand le sort des femmes sera comme elle le décrit. Ce sera mon acte de résistance !

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  5. Oho! Carrément dans la catégorie de 1984! Cela doit être du lourd.
    Je serai un peu comme notre ami canin. On le voit tellement, il y a tant de pub autour de celui-ci que cela agit aussi comme repoussoir pour moi également. Rien de définitif, surtout après ta superbe chronique. Mais, je vais laisser un peu de temps alors que je l’avais programmé il y a quelques semaines. Mais trop vu.

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