Les Centaures d’André Lichtenberger

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Quatrième de couverture : 

Aux centaures la plaine luxuriante, aux faunes la forêt centenaire et aux tritons l’océan infini. Protecteur des Trois Tribus et gardien des animaux, Klévorak, le roi du peuple aux six membres, maintient la paix entre tous, imposant sa loi. Mais celle-ci vient d’être violée, et voilà que les eaux se déversent du ciel crevé et que la race impie des hommes, frères du froid et de la mort, menacent l’équilibre de la nature… Pris entre la mer salée, immense et terrible, et les glaives de bronze des écorchés, les centaures et leurs frères vont devoir faire un choix.

Editeur : Callidor

Nombre de pages : 288

Prix : 20,00€

Date de publication : 1904 pour la 1ère édition et le 1er Décembre 2017 pour la présente.

Mon Avis : 

Mathieu de ma librairie préférée m’a fait découvrir cette toute nouvelle collection « Age d’or de la Fantasy » des éditions Callidor. L’idée est ainsi d’exhumer des textes anciens et peu connus mais qui ont pourtant marqué le genre des Littératures de l’Imaginaire en leur temps, en France. Le terme de « fantasy » n’existant pas encore au début du XXème siècle, (il ne le sera qu’en 1949 aux Etats-Unis et 1981 en France), c’est donc sous le terme de « roman fantastique » que Les Centaures d’André Lichtenberger sera publié, en 1904, chez Calmann-Lévy. Puis, vingt ans plus tard, il sera de nouveau édité par Bergès et Crès et illustré par Victor Prouvé dont la présente édition de 2017 reprend le travail de l’artiste.

A une époque lointaine, la paix règne entre les trois peuples des Animaux-Rois : les fils de la terre, les Faunes s’ébattent gaiement dans les forêts, les fils de la mer, les Tritons, ne craignent ni le froid ni la faim dans l’eau tandis que les fils du Soleil, les puissants Centaures sont craints et respectés par tous. Leur souverain Klévorak a en effet imposé sa Loi, celle que tous les animaux doivent honorer : il leur est interdit de verser le sang. Si l’un d’entre eux est carnivore, il devra attendre que sa proie meurt de maladie ou de vieillesse pour la dévorer. Gare à celui qui l’enfreindrait car la colère des Centaures est terrible! Et la sentence appliquée à l’assassin sera la mort! Mais, voilà que la race des Hommes surnommée les Écorchés, ne l’entendent pas de cette oreille…

Les Centaures d’André Lichtenberger est un roman qui m’a enchanté par bien des manières. Le livre objet en lui-même est de très belle facture grâce à sa couverture semi-rigide qui le protège et ses pages épaisses au papier de bonne qualité. Le tout est agrémenté des magnifiques illustrations de Victor Prouvé que tous les Amoureux de l’Art Nouveau connaissent. Je vous laisse donc admirer son travail au fil de cette chronique.

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Quant au style d’écriture, il possède un charme, certes désuet, mais ni désagréable, ni lourd pour la lecture. Au contraire, le riche vocabulaire employé donne au roman de belles envolées lyrique et poétique.

L’univers s’inscrit à la croisée de deux époques dans notre Histoire : la Préhistoire et le début de l’Antiquité telle que cette période pouvait être représentée avec les connaissances du début du XXème siècle. En effet, au début du roman, les Hommes vivent encore dans des cavernes, ils enterrent leur mort, maîtrisent le feu, taillent des flèches ou des lances dans du silex et développent l’artisanat, notamment au travers de la fabrication de bijoux ou de statues. Bref, ils se distinguent déjà des autres espèces par son intelligence et son habileté à pallier son physique fébrile par l’essor de leur technologie. Puis, à la fin du roman débute l’aire des Grandes Civilisations avec l’érection de villes aux habitats en pierre et le début de l’expansion humaine grâce à la maîtrise de leur milieu naturel. Évidemment, l’évolution de l’espèce humaine est décrite un peu trop rapidement dans le récit et est un peu stéréotypé. Mais, n’oublions pas qu’il s’agit d’un récit imaginaire et non historique. L’auteur a simplement voulu démontrer que ce développement humain s’était fait au détriment des autres Animaux-Rois.

Et justement, ce roman se caractérise par un certain point de vue misanthrope : s’il existe une véritable solidarité entre les trois espèces Animaux-rois que sont les Centaures, les Tritons et les Faunes, l’espèce humaine en est quant à elle complètement exclue. Cette éviction est justifiée par le fait que les Hommes, indépendants, refusent de respecter la Loi de Klévorak : ils tuent les autres animaux pour manger et se vêtir, refusent que leurs membres ne soient laissés en pâture aux autres animaux, après leur mort et asservissent les autres espèces comme le cheval.
Toutefois, il convient de souligner que les Animaux-Rois possèdent une certaine condescendance à l’égard de l’être humain. En effet, combien de fois ce dernier a-t-il été raillé et sous-estimé à cause de son frêle aspect? Il ne possède pas de fourrure pour se réchauffer et a été obligé de développer des outils pour à la fois chasser et se protéger contre les autres animaux. N’est-ce pas un peu facile pour les Centaures par exemple d’interdire le meurtre des autres animaux pour se nourrir alors que leur régime alimentaire est basé uniquement sur la consommation de plantes et de fruits? De plus, n’oublions pas que certes, Klévorak a imposé sa Loi mais il ne parle pas la même langue que les Humains : les deux espèces ne se comprennent donc pas. Pour terminer, le déclin des Centaures n’est pas uniquement provoqué par l’expansion humaine : le taux de natalité s’est effondré par la baisse de la fécondité chez les Centauresses et la Nature a détruit leur habitat naturel provoquant ainsi leur exil et une forte chute démographique.

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Vous l’avez peut-être remarqué mais j’ai beaucoup parlé des Humains alors même que les personnages centraux du roman sont tout de même les Centaures et leurs acolytes! Recentrons donc le sujet : si les Centaures ne sont pas très sympathiques de prime abord, ils ne sont pourtant pas dénués de valeurs comme la force et la noblesse. Les Faunes sont caractérisés par leur lubricité mais aussi par leur nature optimiste et joyeuse. Et les Tritons brillent par leur générosité et leur dévouement. Parmi les personnages, ma préférence va à Kadilda, la fille de Klévorak qui regarde au-delà de la répulsion de son espèce à l’égard des Hommes. Au contraire de son clan, elle se montre très curieuse, tolérante et ouverte. J’ai apprécié son indépendance : elle n’a pas souhaité suivre son destin en devenant mère pour perpétuer sa race et a donc dû s’opposer violemment à son père. Au contraire, elle a suivi son instinct et ses sentiments.

En conclusion, Les Centaures est un roman bien plus profond qu’il n’y paraît. Doté d’un style d’écriture envoûtant bien qu’un peu vieilli, il possède des axes de réflexion intéressants et toujours d’actualité : de l’incompréhension et du manque d’ouverture, l’intolérance n’est-elle pas engendrée? Les Centaures et les Faunes, victimes de catastrophes naturelles, ne sont-ils pas des réfugiés climatiques ? Bref, je ne peux que vous inciter à découvrir ce roman.

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