L’empire du léopard d’Emmanuel Chastellière

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Quatrième de couverture :

1870. Après une épuisante campagne militaire, le royaume du Coronado a conquis l’essentiel de la péninsule de la Lune-d’Or. Seul l’empire du Léopard, perdu dans les montagnes, lui résiste encore. Dans l’attente des renforts promis par sa hiérarchie, le colonel Cérès Orkatz – surnommée la Salamandre – peine à assurer l’ordre sur place, la faute à un vice-roi bien intentionné mais trop faible. Dans ce monde de jungles et de brume, les colons venus faire fortune s’épuisent et meurent à petit feu, même si certains au sein du régiment espèrent toujours découvrir la mythique cité de Tichgu, qui abriterait selon les légendes locales la fontaine de Jouvence.
Alors qu’une éclipse lunaire sans pareille approche, Cérès va devoir tenter d’assurer la survie de ses hommes, au mépris peut-être de ses allégeances…

Editeur : Critic

Nombre de pages : 624

Prix : 25,00€

Date de publication : 19 Avril 2018

#PLIB2019

#ISBN9782375790456

Mon Avis :

Le 30 juin dernier, j’avais rencontré Emmanuel Chastellière lors de sa dédicace organisée par la Librairie Omerveilles à Grenoble. Après avoir eu un coup de coeur pour le recueil de nouvelles Célestopol mais beaucoup moins aimé le roman YA de Poussière Fantôme, je finis l’année avec un troisième opus de l’auteur : L’empire du léopard. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’année se termine en beauté car ce roman s’est révélé être un second coup de coeur!

En 1870, le Royaume de Coronado a colonisé une grande partie de la Lune d’Or, un territoire qui se trouve au-delà de la Grande Mer et qui promettait de grandes sources de richesse aux nouveaux venus. Malheureusement, déception et  désillusion commencent rapidement à se faire sentir : en effet, les terres du littoral autour de la ville neuve Carthagène ne sont pas vraiment exploitables ; quant aux petits territoires récemment soumis, un mouvement de rébellion, le Condor crée un sentiment d’insécurité et d’instabilité parmi les colons. Et comme si cela ne suffisait pas, le pouvoir central au Royaume du Coronado se désintéresse peu à peu du sort de la nouvelle colonie.
Un seul royaume au-delà des montagnes, l’Empire du léopard, reste encore hors de portée et cristallise les rêves de gloire et de grandeur. Lorsque le vice-roi de la Lune d’Or, Philomé, reçoit une proposition de mariage de la part de l’Empire du léopard, il y voit là l’occasion non seulement de pacifier les relations entre colons et peuples de la Lune d’Or mais aussi d’asseoir l’autorité du Coronado. Avec le 22ème régiment dirigé par le colonel Orkatz surnommée la Salamandre et un groupe de mercenaires mené par le cousin du Roi du Coronado, Cortellan, il décide de traverser la jungle en train pour se rendre vers le mystérieux Empire du léopard.

Le moins que l’on puisse dire avec ce oneshot de plus de 600 pages, c’est que je suis sortie de mes sentiers battus et sa plus grande force réside dans un univers très développé, bien construit et original. En effet, selon les arguments de notre Dieu égyptien, le roman appartient au genre de la Gunpowder Fantasy, ce qui est une grande première pour moi. Imaginez donc un univers inspiré de la colonisation espagnole de l’Amérique du Sud au XVIème siècle avec lequel cohabiterait le développement technologique et sociétal du XIXème siècle de l’Amérique du Nord. Et ce qui est très drôle et surprenant, c’est la façon dont l’auteur a joué sur mes certitudes et mon imaginaire : au début du roman, je me figurais donc un contexte proche du XVIème siècle avec des Conquistadors, leurs armes, leur caravelle et leur caraque, etc… et ces certitudes ont été rapidement chamboulées par l’apparition d’éléments du XIXème siècle comme la présence de lignes de chemin de fer, d’appareils photographiques ou de bâteaux à vapeur comme on pourrait se l’imaginer en Amérique du Nord.

J’ai également pu lire à de nombreuses reprises dans la blogosphère que les deux premières parties étaient un peu trop émaillées de longueurs au goût de certains lecteurs. Pour ma part, cela n’a pas du tout été le cas : peut-être, est-ce le fait que je m’y attendais, mais surtout, j’ai apprécié que l’auteur pose son récit en l’agrémentant de tous ces petits détails. Cela participe au développement de l’univers et la scène de la coiffure souvent citée en exemple m’a permis de m’immerger dans le récit de manière vivante.

Quant à l’Empire du léopard, Emmanuel Chastellière sait créer l’attente : comme les soldats du 22ème régiment, il me tardait de découvrir la mystérieuse capitale de Tichgu et d’arpenter ses rues, à la découverte de ses richesses architecturale et artistique. Là encore, l’auteur a fait preuve d’inventivité en ce qui concerne cette civilisation en mélangeant des éléments connus de notre monde. Ainsi, l’Empire du léopard a emprunté à la civilisation mésopotamienne grâce à la présence de ziggourat (bâtiment religieux constitué de plusieurs terrasses surplombées par un temple), la civilisation égyptienne (l’imposition du culte du soleil par l’empereur qui fait référence au Pharaon Akhénaton ou les relations incestueuses entre frères et sœurs pour maintenir la « pureté » du sang) et la civilisation tibétaine avec une ville entourée de montagnes.

J’ai également beaucoup apprécié les personnages : si j’ai pu lire par ailleurs que les autres blogueurs ont eu un peu de mal à s’attacher immédiatement à Cérès Orkatz, cela n’a pas été le cas pour moi. Au contraire, elle est un personnage fort, compétent, sur qui on peut compter et qui sait ce qu’elle veut. Mes deux autres personnages préférés sont également le vice-roi Philomé (un idéaliste qui accepte la proposition de mariage par devoir mais surtout en vue d’améliorer la situation sur la Lune d’Or) et le petit-fils de l’alchimiste, Alario (curieux de nature, il m’a fait penser aux naturalistes du XIXème siècle qui s’embarquaient vers de lointaines contrées pour étudier comme Charles Darwin).

Enfin, je terminerai sur la composition du récit : si Emmanuel Chastellière prend le temps de poser ce dernier dans les deux premières parties en l’agrémentant de détails qui ont facilité l’immersion dans la lecture, la troisième reste ma préférée grâce à la présence d’un rythme plus soutenu, de rebondissements et de cliffhangers. En revanche, j’ai été déçue par la dernière partie. En effet, elle verse peu à peu dans la Dark Fantasy ce qui m’a décontenancé. Les détails crus et violents de scènes de torture ou de combat n’étaient pas vraiment pour moi. Quant à la scène finale au sommet de la ziggourat pour laquelle je ne peux développer sans spoiler était un peu trop stéréotypée à mon goût, notamment par la présence de dialogues de style « Je suis ta mort »  (p. 598) ou « Retourne dans les ténèbres d’où tu viens » (p. 599). Cela ressemblait un peu trop au combat final de blockbusters américains. Dommage.

En conclusion, bien que j’ai été déçue par la fin de la quatrième partie, cela n’enlève rien au fait que j’ai eu un énorme coup de coeur pour L’empire du léopard. Son univers construit et original, la psychologie travaillée des personnages, son écriture fluide et immersive et un récit haletant m’ont complètement convaincu. L’Empire du léopard est donc l’une de mes lectures les plus marquantes de 2018. C’est donc avec une certaine impatience qu’il me tarde de découvrir la suite du recueil de nouvelles, Célestopol à paraître en 2019.

Autres Avis : Albédo, ApophisAu pays des Caves trollLe BibliocosmeElhyandraXapur

Retrouvez aussi l’interview d’Emmanuel Chastellière sur le blog d’Au Pays des Caves Troll

29 commentaires

  1. Comme toi, j’avais beaucoup aimé le fait que l’auteur prenne son temps pour installer son ambiance et ses personnages, c’est quelque chose qu’on ne voit pas forcément beaucoup dans les romans actuels, je trouve (je suis du genre à trouver les films du Seigneur des Anneaux trop courts^^). Mais du coup malgré une fin qui envoie du pâté question action, certains lecteurs pourraient ne pas avoir la patience de lire jusque là, j’imagine^^

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  2. (merci pour le lien)

    Concernant les longueurs / l’utilité de certaines scènes, personnellement j’ai trouvé que pour un one-shot, certaines parties étaient inutilement développées. Maintenant, si cela avait été le premier tome d’un cycle, mon jugement aurait sans doute été moins sévère. Et si finalement un tome 2 devait voir le jour, ces développements trouveraient soudain une utilité inédite (sauf pour les personnages morts, évidemment).

    Concernant Cérès, outre le fait que je l’ai trouvée peu sympathique et ai préféré d’autres personnages, je pense que le fait qu’elle corresponde à un archétype récurrent en Flintlock / Gunpowder Fantasy a probablement joué contre elle dans mon esprit, même inconsciemment. On retrouve en effet le même genre de femme-officier chez McClellan, Wexler, Tchaikovsky ou d’autres, bref chez les grands noms de la Fantasy à poudre anglo-saxonne.

    Quoi qu’il en soit, j’ai globalement sincèrement apprécié ce roman, et espère lire d’autres histoires se déroulant dans le même contexte. Merci pour cette critique détaillée 😉

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    • En fait, tu n’es pas le seul blogueur à avoir fait référence aux longueurs au début et au personnage de Cérès. Et comme je l’avais lu plusieurs fois par ailleurs, j’ai intégré mentalement cette idée pendant ma lecture. Fort heureusement pour moi, ce n’est pas le sentiment que j’ai eu. Mais, c’est vrai que les ressentis des autres peuvent avoir une influence sur notre lecture.

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    • Réserve-moi quelques jours en février 2020 si tu veux… 😉

      Pour ce qui est du personnage de Cérès, je sais qu’on retrouve des personnages de ce genre chez les auteurs que tu cites, en effet, et je ne sais pas dans quelle mesure ça a pu m’influencer moi-même, mais en tout cas, c’est le perso que je voulais comme héroïne pour ce roman et je n’en voyais pas d’autre.
      Et puis, faut croire que ce genre de femmes me plaît, tout simplement, mais ça, c’est une autre histoire… ^^

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  3. Je comprends le point de vue de maître Apo sur le personnage de Cerès. Je l’ai bien aimé. Pour ce qui est des quelques longueurs et de quelques développement, c’est pareil, mais j’ai bon espoir de voir un autre roman dans cet univers.
    Beau retour en tout cas.

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  4. Comme mes camarades j’ai trouvé qu’il y avait quelques longueurs et j’ai eu un peu de mal avec la fin et certains personnages. Même si on passe malgré tout un bon moment, j’ai davantage été séduite par l’univers de Célestopol et je suis pressée de le retrouver pour de nouvelles aventures. Belle chronique en tout cas 🙂

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