Retour sur la Soirée spéciale H. P. Lovecraft à la Librairie Décitre du 9 Mai 2019

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Coucou tout le monde,

Prise par le temps, j’ai oublié de vous annoncer que je participais jeudi soir à une nouvelle soirée de l’Imaginaire à la Librairie Décitre Grenoble, consacrée à H. P. Lovecraft. Je m’y suis rendue pour trois raisons :
– les soirées préparées par les libraires Mathieu et Myriam sont toujours conviviales en plus d’être intéressantes.
– c’était là l’occasion de revoir un peu de monde qui partage les mêmes intérêts que moi et avoir des news sur les prochains évènements dédiés à l’Imaginaire notamment grâce aux bénévoles d’Elbakin ou des Grésimaginaires. Mais, la soirée a été aussi l’occasion de rencontrer pour la première fois en « vrai » l’équipe d’ActuSF avec laquelle mon blog est partenaire.
– et surtout, je ne connaissais pas grand chose à l’univers lovecraftien, en fait! Heureusement, le blog Au Pays des Caves Troll par ses excellents articles m’avait au préalable permis de combler quelques lacunes. Si vous ne le connaissez pas encore, je vous le conseille.

Allez, c’est parti pour le compte-rendu!

La soirée était organisée en trois parties :
– l’interview de Christophe Thill, auteur de la biographie Le guide Lovecraft et traducteur par Jérôme Vincent, directeur des éditions ActuSF.
– les questions du public.
– un moment convivial autour d’un cocktail.

En Mars 2019, les éditions ActuSF ont sorti la biographie de Lovecraft, je suis Providence de S. T. Joshi en deux tomes et traduit par Christophe Thill.

[Source Wikipédia : S. T. Joshi est un essayiste et critique littéraire américain, spécialisé en Littérature de l’Imaginaire, mais plus spécifiquement de H. P. Lovecraft]

L’interview

Jérôme Vincent : La biographie de Howard Phillips Lovecraft par Sunand Tryambak Joshi sort pour la première fois en France. Peux-tu nous présenter cet auteur?

Christophe Thill : Joshi a découvert très tôt l’univers d’H. P. Lovecraft et en a même fait le sujet de son mémoire de Master. Dans cette biographie, il a l’idée de faire un nouveau portrait de Lovecraft et de l’éclairer en incorporant un contexte social, économique, culturel et politique.

Jérôme Vincent : Il s’agit aussi d’une biographie thématique et chronologique. Peux-tu nous présenter l’enfance de Lovecraft?

Christophe Thill : La biographie débute sur le grand-père de H. P. Lovecraft, Phillips Whipple. Il était un personnage autodidacte, cultivé et avait été témoin de l’Angleterre de la vieille Europe. Il était comme un père de substitution pour H. P. Lovecraft, notamment après la mort de son gendre Winfield Scott Lovecraft, en 1898. Il avait appris au jeune Howard le latin et l’avait initié aux Littératures de l’Imaginaire, notamment en lui faisant connaître Les milles et une nuits.
H. P. Lovecraft était un enfant assez renfermé en raison d’un climat familial lourd : il avait perdu son grand-père en 1904, la famille avait connu de nombreux revers financiers et la maison familiale à Providence avait même dû être vendue. Quand il devint adolescent, il fit une dépression de 1908 à 1914 ce qui l’empêcha d’aller à l’école. Il fut surnommé le « reclus de Providence » pour cette raison.

Jérôme Vincent : Il naît en 1890, dans un milieu social privilégié. Il avait aussi un fort appétence pour l’astronomie, peux-tu nous en dire plus?

Christophe Thill : H. P. Lovecraft était passionné de sciences, notamment de chimie (il avait son propre petit laboratoire dans lequel il s’adonnait à ses expériences) et d’astronomie (il avait son propre télescope). C’était ces passions qui l’avaient poussé à développer une activité journalistique car il s’était mis à écrire des articles et les avait « publiés ». Ses principaux lecteurs étaient principalement sa famille et ses amis. Il composait des poèmes également.

Jérôme Vincent : Parle-nous de ce journalisme amateur.

Christophe Thill : A partir de 1914, les choses changèrent pour lui. Il se mit à lire de nombreux pulp magazines dont Argosy et eut un débat houleux avec l’un des auteurs de ces lectures sentimentales. H. P. Lovecraft fut immédiatement repéré par le Directeur du United Amateur Press Association (UAPA), Edward F. Daas qui lui proposa de faire partie de l’Association. Cette collaboration le sortit de sa réclusion : H. P. Lovecraft en devint président en 1917. Il écrivit à cette époque de nombreux poèmes, des essais politiques (très conservateurs) et des fictions.

Jérôme Vincent : H. P. Lovecraft avait une vingtaine d’années au début de la Première Guerre Mondiale, quel genre de personne était-il à ce moment-là?

Christophe Thill : Il venait de sortir de l’enfermement et tout ce qu’il connaissait du monde provenait des livres. Ses opinions étaient plutôt anglomane, conservateur et raciste. Il ne souhaitait pas l’entrée des Etats-Unis dans la Guerre et encore moins que l’Angleterre ne se battît contre l’Allemagne. Il écrivait aussi des poèmes sur la Guerre.

Jérôme Vincent : Après la mort de son grand-père, il vécut seul avec sa mère et ses deux tantes. Quel est l’influence de ces dernières sur H. P. Lovecraft?

Christophe Thill : Sa mère le surcouvait et avait une très grande influence sur lui. Elle était très spéciale et mourut à l’asile, folle, en 1921. Quant à ses tantes, les tensions étaient très vives avec Sonia Greene avec qui il se maria en 1924.

Jérôme Vincent : Justement sa femme était Juive et journaliste. Tu peux nous en dire plus?

Christophe Thill : Elle rencontra H. P. Lovecraft à un congrès de journalistes amateurs, à Boston et tomba sous son charme, le trouvant drôle et cultivé. Elle avait lancé sa propre revue The Rainbow et recevait ses nombreux collègues amateurs.

Jérôme Vincent : Ils partirent tous les deux s’installer à New York.

Christophe Thill : H. P. Lovecraft dira plus tard que « sa venue à New York était une erreur ». Au début, Sonia travaillait dans la mode et les grands magasins. Mais, sa santé déclina rapidement et le couple, à court d’argent, durent déménager dans un quartier populaire Red Hook beaucoup moins chic. Ce déclin social exacerba ses tendances racistes.

Jérôme Vincent : H. P. Lovecraft ne travaillait pas ou peu…

Christophe Thill : Il écrivit quelques textes pour le magazine Weird tales, notamment Prisonnier des Pharaons (1924) en tant que nègre littéraire pour le magicien Harry Houdini. Il était mal payé et cumulait les boulots en écrivant des textes publicitaires avec plus ou moins de succès. Il commença à tomber dans la dépression. New York lui pesait.

Jérôme Vincent : Quel genre de fictions écrivait-il?

Christophe Thill : Dans sa jeunesse, il avait essentiellement été influencé par Edgar Allan Poe et Lord Dunsany. Il découvrit aussi les symbolistes français comme le Comte de Lautréamont qui lui inspira Le Molosse (1922). Puis, il se mit à développer  quelque chose de plus personnel, en rapport avec la Science Fiction et l’Horreur. Il écrivit ainsi Les montagnes hallucinées (1931).

Jérôme Vincent : En 1926, son mariage battait de l’aile et il décida de rentrer à Providence. 

Christophe Thill : Il revint à Providence et retrouva ses tantes. Mais sa vie sociale était désormais beaucoup plus épanouie qu’elle ne l’était avant son départ. Il trouva une nouvelle force et une créativité à l’origine de l’univers lovecraftien tel qu’on le connaît aujourd’hui.

Jérôme Vincent : Il existe de lui des centaines de milliers de lettres. Quel rôle sa correspondance a-t’elle joué dans sa vie et son oeuvre?

Christophe Thill : Pour H. P. Lovecraft, la correspondance allait de pair avec l’idée qu’il se faisait d’un gentleman. Il écrivait à tout le monde (à sa tante, à sa mère, à ses amis auteurs comme Robert E. Howard, etc…) et sur tous les sujets (politique, économique, actualité, éditorial, etc…). Dans ses lettres, il se faisait aussi le théoricien de l’écriture fantastique.

Jérôme Vincent : Quels sont les thèmes post-new yorkais?

Christophe Thill : Dans les années 20, il écrivait essentiellement de courtes nouvelles. Puis, ces dernières se rallongèrent à la faveur des années 30, comme Le Tertre (1930).

Jérôme Vincent : Il voyageait beaucoup à cette époque…

Christophe Thill : Il fit beaucoup de déplacements au Canada (Québec) et aux Etats-Unis (Floride, Nouvelle Orléans, New York). Il utilisait le train ce qui l’avait profondément affaibli et amaigri.

Jérôme Vincent : Ces voyages avaient-ils eu une influence sur son oeuvre?

Christophe Thill : Je citerais un exemple : la nouvelle de Science Fiction Celui qui chuchotait dans les ténèbres (1931) raconte l’histoire d’un paysan qui rencontre un extraterrestre. Il avait pour habitude de faire intervenir dans son récit des personnages réels ou des évènements étant vraiment survenus comme des inondations.

Jérôme Vincent : Quid de la question du racisme? Ses idées avaient-elles évolué?

Christophe Thill : H. P. Lovecraft était antisémite mais ses idées à l’égard des Juifs avaient changé (son épouse était Juive). En revanche, il partageait l’opinion générale de la société américaine de cette époque sur les Noirs. Toutefois, on peut constater une évolution : si au début de sa vie, son racisme était naïf et viscéral, il s’atténua à la fin de sa vie en devenant moins conservateur. Mais, il ne disparut pas totalement.

Jérôme Vincent : Quel regard particulier H. P. Lovecraft avait-il sur son oeuvre?

Christophe Thill :  Il possédait plusieurs projets d’édition dont beaucoup avaient échoué ce qui avait provoqué en lui amertume et doute. Cela l’avait beaucoup affecté.

Jérôme Vincent : De quoi mourut-il, en 1937?

Christophe Thill : Il décéda d’un cancer de l’intestin, probablement à cause de son alimentation très déséquilibré.

Le petit moment convivial

Ce petit moment convivial autour d’un plateau de fromage et de charcuterie a été l’occasion de beaucoup parler des Imaginales car plusieurs d’entre nous participeront cette année. D’ailleurs, je pense vous faire un petit article sur le sujet, la semaine prochaine.

Mais surtout, j’ai eu le temps de discuter avec l’équipe des éditions ActuSF et de leur projet Ulule auquel j’ai participé et qui permettrait aussi de financer le lancement de la nouvelle collection ActuSF Graphic :

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– La guerre des trois rois écrit par Jean-Laurent Del Socorro et illustré par Marc Simonetti.
–  L’hypothèse du lézard écrit par Alan Moore et illustré par Cindy Canévet.

Enfin, cette soirée a été aussi l’occasion de rencontrer l’illustratrice Cindy Canévet que je ne connaissais pas du tout. Et il se trouve qu’elle avait aussi illustré la couverture du livre que j’étais en train de lire : BIOS de Robert Charles Wilson! Elle a eu la gentillesse de bien vouloir me dédicacer mon exemplaire avec un magnifique dessin : encore un grand merci à elle!

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PS : c’est mon 500ème article publié sur le blog!

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12 commentaires

  1. J’aurais beaucoup aimé être à cette soirée. Merci beaucoup pour cet article 🙂
    Et je suis ravie si j’ai pu combler tes lacunes comme tu le dis. Merci beaucoup pour la mention.
    Moins de 2 semaines pour les Imaginales 🙂 🙂

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  2. J’aurais bien aimé y être également, ça a l’air d’avoir été une très belle soirée !
    Quelle jolie coïncidence pour l’illustratrice ; elle t’a vraiment fait une superbe dédicace^^
    Et félicitations pour ce 500ème article 😉

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  3. Sympa de faire ce retour pour les camarades non présents. Tu enregistres ou tu fais une prise de note rapide ? En tout cas, merci pour tous ces récaps passés, présents et à venir.
    Pour le dessin de dédicace, c’est une vision de Zoé Fisher de la dessinatrice ou ton portarit en astronaute ?

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