Terreur de Dan Simmons

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Quatrième de couverture : 

Le 19 mai 1845, le HMS Erebus et le HMS Terror quittent l’Angleterre sous les vivats de la foule. Avec ces navires, le vénérable sir John Franklin entend enfin percer le mythique passage du Nord-Ouest. Mais à l’enthousiasme succèdent bientôt la désillusion, puis le drame. Mal préparée, équipée et dirigée, l’expédition se retrouve prisonnière des glaces et de la nuit polaire. La mort frappe. La maladie se répand. La faim, la mutinerie et la folie couvent. Et rôde une mystérieuse et terrifiante créature, incarnation des peurs ancestrales de l’homme face aux éléments. Le 19 mai 1845, cent vingt-neuf hommes partaient pour un voyage au bout de l’enfer blanc. Combien en reviendront vivants?

Editeur : Pocket

Nombre de pages : 1049

Prix : 11,50€

Date de publication : 7 Octobre 2010

Mon Avis : 

Je me suis fixée comme objectif cette année de découvrir deux plumes en SFFF réputées pour leur talent : celles de Dan Simmons (dont Hypérion m’a été chaudement recommandé par Apo et Terreur par Boudicca et Célindanaé) ainsi que Guy Gavriel Kay (Les lions d’Al-Rassan et Tiganecoups de cœur du Lutin). Ma part du contrat est remplie pour moitié car mon choix s’est porté sur Dan Simmons et sur son roman Terreur en raison de son contexte historique. S’il m’a fallu deux semaines pour venir à bout de ce mastodonte de 1000 pages, j’ai beaucoup apprécié ma lecture même si je n’ai pas eu le coup de cœur tant espéré.

En 1845, le commandant John Franklin est choisi par la Royal Navy afin de découvrir un nouveau passage entre l’Europe et l’Asie en passant par l’Arctique. Rien n’est laissé au hasard : ni le choix de John Franklin qui connaît très bien la zone pour avoir déjà mené plusieurs expéditions dans la première moitié du XIXème siècle, ni celui des bateaux très modernes, le HMS Erebus et le HMS Terror, qui ont déjà subi l’épreuve du froid en Antarctique. De plus, la Royal Navy a prévu d’éventuels risques d’immobilisation des navires dans la banquise puisqu’elle a pourvu chacun de cinq ans de vivres et de charbon. Les 129 hommes de cette expédition devraient donc pouvoir mener à bien leur mission sans accroc. Malheureusement pour eux, une fois arrivés sur place, rien ne se passe comme prévu et au bout de trois ans, la Royal Navy n’a plus aucune nouvelle de l’expédition Franklin…

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Trajet suivi par l’Expédition Franklin en 1845-48 (source)

Un roman tiré de faits réels…

En effet, Dan Simmons est parti d’un des plus grands mystères de l’Histoire maritime pour écrire son roman : la disparition des 129 hommes de l’expédition Franklin, en 1845-50. Si le sort de ces marins est resté inconnu pendant de nombreuses années, les archéologues ont permis de faire la lumière sur cette disparition en croisant les témoignages oraux des Inuits aux campagnes de fouilles menées depuis les années 80. Il ne subsiste plus dès lors aucun doute sur le sort des membres des deux équipages : le froid, l’isolement, la faim, la maladie et l’épuisement auront eu raison d’eux. Au vue de la bibliographie présente à la fin de son roman, il est indéniable que Dan Simmons s’est beaucoup documenté. Il s’est donc servi de ces résultats historique et archéologique pour construire le squelette de son récit puis a comblé les blancs de la chronologie par son imagination. Et cela fonctionne parfaitement bien car même si son roman s’inscrit dans le genre fantastique, le contexte et l’univers sont précis, complexes et fouillés : cela donne une grande « crédibilité » au récit. La seule chose à signaler est que Terreur a été publié en 2008. Or, il se trouve que les deux navires, le HMS Erebus et le HMS Terror ont été respectivement retrouvés en 2014 et en 2016 au large de l’île du Roi Guillaume.

Un récit dans lequel la tension monte crescendo

Un des autres points forts de Terreur est la constante montée de la tension ce qui l’inscrit indéniablement dans le genre horrifique. Les hommes de l’expédition sont soumis à des conditions extrême et stressante :
– un environnement hostile par le grand froid qui y règne, le vent, les tempêtes de neige, l’humidité, les crevasses, la banquise qui immobilise les deux bateaux et qui exerce une pression sur eux (le HMS Erebus sera d’ailleurs broyé par les glaces et coulera tandis que la coque du HMS Terror sera déformée), la réverbération du soleil sur la neige qui aveugle les hommes, le manque de faune et de flore donc de nourriture, etc…
– les défaillances humaines : une majorité des boites de conserve s’est trouvée défectueuses (non seulement, la nourriture était avariée mais aussi contaminée à cause des soudures au plomb, ce qui a eu pour conséquence le saturnisme), le manque de produits frais (viande fraîche, fruits et légumes. Le jus de citron emporté avec eux a malheureusement perdu ses propriétés au cours des trois ans) ce qui a entrainé le scorbut. Enfin, il semblerait que les membres de l’expédition aient eu recours au cannibalisme, c’est en tout cas ce que les traces retrouvées sur les os humains laissent à penser.
– la menace constante du Tuunbaq issu du folklore inuit qui massacre un à un les membres de l’équipage. Le titre du roman ne fait d’ailleurs pas référence au navire HMS Terror mais désigne bien cette créature surnommée « Terreur » par les membres de l’équipage, ce qui laisse deviner quel sentiment elle leur laisse.

Cette tension crescendo permet non seulement de ressentir de l’empathie pour les personnages mais aussi de beaucoup s’attacher à aux. D’ailleurs, le genre du roman choral renforce aussi cette impression. Mes deux personnages préférés étaient  :
– le chirurgien Goodsir d’abord dédaigné par sa hiérarchie, il se révèlera d’une aide précieuse au fur et à mesure des épreuves imposées aux membres de l’équipage.
– le valet Bridgens au service du commandant du HMS Terror, Crozier. Il est très cultivé et sera d’un grand secours à son supérieur hiérarchique, notamment lorsque ce dernier doit résister à une cure de désintoxication forcée.

Un roman non exempt de défauts

Toutefois, malgré toutes les qualités exposées plus haut, Terreur n’est pas exempt de défauts puisque cela m’a fait manqué de peu le coup de coeur :

– Avec ses mille pages, il me paraît difficile de conserver un rythme soutenu et dynamique tout au long du récit et ce dernier possède quelques longueurs. J’avoue avoir eu un petit passage à vide autour des huit-cent pages. Au final, le récit est plutôt lent et les péripéties peu nombreuses.

– Je ne sais pas pour quelle raison mais au début du roman, Dan Simmons n’a pas mis dans l’ordre chronologique ses premiers chapitres. Du coup, cela a été un peu fastidieux de suivre les évènements de 1845-1847. De plus, l’auteur annonçait à l’avance la mort de certains personnages, ce que j’ai trouvé également dommage car cela coupe l’effet de surprise. Après, étant donné que le lecteur connaît à l’avance le sort réservé aux membres de l’expédition, il est possible que l’auteur ait couru ce risque dans un souci d’originalité.

– Enfin, la créature du Tunnbaq censée donner un aspect fantastique au roman est finalement très peu présente. Heureusement, un chapitre à la fin permet de faire un peu la lumière sur sa présence sur l’île du Roi Guillaume.

En conclusion, Terreur de Dan Simmons a été une excellente lecture, l’une de celle dont on se souvient longtemps : en cause, un récit fouillé, documenté, qui ne manque pas d’épaisseur au sens propre comme au sens figuré, des personnages attachants, une tension montant crescendo, tout est réuni pour une lecture réussie. Toutefois, je ne suis pas passée loin d’un coup de coeur car il est dommage que les longueurs et un début un peu brouillon m’aient freinée dans mon élan. Bref, un roman à conseiller et sans nul doute, je lirai Hypérion!

Autres Avis : 

Albédo
Au Pays des Caves troll
Le Bibliocosme

26 commentaires

  1. Je garde un très bon souvenir de ce roman. La créature est peu présente, c’est vrai mais pour moi elle sert à montrer l’horreur humaine qui est souvent plus terrible que celle d’une créature inconnue.
    Ravie que tu aies apprécié.

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  2. Oui, il faut lire Kay, les romans sont également longs, lents, mais les personnages sont extraordinairement vivants et l’érudition / les recherches historiques sont admirables. Et oui, il faut lire Hypérion, c’est un monument de la SF (merci pour lien, d’ailleurs).

    Merci pour cette critique très détaillée et nuancée 🙂

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  3. Superbe critique!!!
    Je suis si heureuse que tu aies autant aimé.
    Il est vraiment chouette et l’ambiance rednue est vraiment TERRIBLE….. l’aspect historique montre combien Simmons s’est documenté pour nous offrir ce petit joyau.

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  4. Comme l’évoque Elhyandra dans son commentaire, j’ai adoré ce roman ! J’attends un peu avant de regarder la série, j’ai peur de la comparaison. Je suis souvent déçue par les adaptations ^_^
    Contente que tu aies aimé cet autre Simmons 😉

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