La machine de Léandre d’Alex Evans

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Quatrième de couverture : 

Constance Agdal, excentrique professeur de sciences magiques, n’aspire qu’à une chose : se consacrer à ses recherches et oublier son passé. Malheureusement, son collègue disparaît alors qu’il travaillait sur une machine légendaire. La jeune femme le remplace au pied levé et fait la connaissance de Philidor Magnus, un inventeur aussi séduisant qu’énigmatique. Bientôt, une redoutable tueuse et un richissime industriel s’intéressent à ses travaux, sans oublier son assistant qui multiplie les maladresses et un incube un peu trop envahissant…

Editeur : ActuSF

Nombre de pages : 259

Prix : 18,90€

Date de publication : 6 Septembre 2019

Mon Avis : 

La Machine de Léandre fait partie de la Rentrée littéraire d’ActuSF et dans ce cadre, le roman a non seulement fait l’objet d’un concours sur mon blog mais aussi d’un Service Presse (j’en remercie d’ailleurs ActuSF pour me l’avoir envoyé). Si la magnifique couverture de Dogan Oztel a immédiatement attiré mon regard, l’univers inspiré de notre XIXème siècle a fait le reste.
Le livre est divisé en trois parties : La machine de Léandre est un court roman de 180 pages quant à La chasseuse de livre, elle s’apparente plutôt à une novella avec ses 70 pages et enfin, une interview de l’auteure clôt le tout. Les deux textes se déroulent dans le même univers que les autres romans d’Alex Evans parus chez ActuSF : ainsi, La machine de Léandre se déroule quelques années avant Sorcières associées et La chasseuse de livres quelques mois.

La machine de Léandre : Constance Agdal est originaire de la région pauvre de Grande Plaine et de sa capitale Tourmayeur. Elle a immigré avec son père dans la région de Déjoué alors qu’elle était encore une enfant. Devenue orpheline très tôt, elle travaille d’arrache-pied pour atteindre son but : faire des études et obtenir un poste de professeur agrégé en sciences magiques à l’Université de Grande Courbe. Mais un jour, un de ses collaborateurs, le Professeur Dowell disparaît mystérieusement. C’est alors que Constance fait la rencontre d’un mystérieux mécène et inventeur Philidor Magnus qui lui demande de reprendre les travaux de son collègue disparu…
La chasseuse de livres : Bien que les Rois ne règnent plus à Déjoué et dans la capitale Grande Courbe, Cassandra de Galata possède une ascendance royale. Son origine sociale privilégiée lui a donc permis de devenir Doctorante au Laboratoire de Paléographie thaumaturgique, chargé d’étudier les manuscrits anciens de magie. Un jour, la Fondation des Sciences Occultes lui demande de retrouver à Tourmayeur un grimoire de sorcellerie perdu : L’appel aux Anciens. Bien qu’elle doute de ses capacités, elle accepte toutefois le challenge…

Un univers estampillé Gaslamp Fantasy plutôt que Steampunk

La couverture de Dogan Oztel et la quatrième de couverture laissent présager un univers steampunk aux deux textes d’Alex Evans ; moi-même je les ai classé dans ce genre pour des questions pratiques sur mon blog. Toutefois, si je me réfère à la classification des Genres et sous-genres de l’Imaginaire d’Apophis, ce roman  appartiendrait davantage au style du Gaslamp Fantasy que du Steampunk.

Définition du Gaslamp Fantasy par Apophis :

Fantasy à cadre victorien ou d’inspiration victorienne, mais sans les éléments de science rétrofuturiste (ou disons beaucoup moins présents) ou l’aspect uchronique du steampunk, et avec éventuellement des éléments surnaturels en plus.

La machine de Léandre et La chasseuse de livres s’inscrivent d’emblée dans un univers d’inspiration victorienne de fin XIXème – début XXème siècle notamment par la présence de bâtiments de style néoclassique, des vêtements typiques de cette période (bien que Constance déteste cela, les corsets sont portés par les femmes) ou de la technologie afférente (présence d’usine, d’une société industrialisée ou de l’utilisation du chemin de fer. Mais il semblerait que des motocyclettes à pétrole ou des autotracteuses fassent une apparition récente).

Quant aux éléments surnaturels, il s’agit de la magie dénommée le Pouvoir. Mille quatre cent ans avant les évènements de la Machine de Léandre, la technologie de l’Empire Atlantis reposait entièrement sur elle puis suite à un accident, elle disparut complètement. La magie revint quelques siècles plus tard de manière furtive : le monde avait changé et elle devint source de suspicion pour les adeptes du culte de la Voie, une sorte d’Eglise qui a réussi à s’imposer. Les sorciers et les chamanes qui la pratiquaient sont alors mis au ban de la société. Quatre cent ans plus tard, au temps de Constance et de Cassandra, la société s’est émancipée du joug de la Voie. Si l’exercice de la magie n’est pas encore bien vue, elle devient toutefois un sujet d’étude et c’est ainsi que la Science s’intéresse à elle notamment en vue de faire progresser les technologies.

Le milieu de la Recherche au premier plan

Dans l’interview présent à la fin de l’ouvrage, Alex Evans rapporte qu’elle a toujours été passionnée par la Littérature de la fin du XIXème siècle et par le personnage du scientifique à l’instar des professeurs Challenger du Monde perdu d’Arthur Conan Doyle ou le Professeur Lidenbrock de Voyage au centre de la Terre de Jules Verne.

De plus, Alex Evans semble bien connaître le monde de la Recherche (elle explique en interview que son père était chercheur en Physique Nucléaire) et c’est un milieu que je connais également pour avoir travaillé dans un Laboratoire scientifique pendant neuf ans. En lisant les deux textes d’Alex Evans, je retrouve plutôt bien l’esprit même si on est évidemment dans un univers imaginaire.
– Ainsi, Constance fait de la recherche appliquée dans le Laboratoire grâce à du matériel technologique de pointe et coûteux (le prisme scaphoïde).
– Certains projets sont financés par des industriels comme celui du Professeur Dowell grâce à Philidor Magnus.
– Les Laboratoires accueillent en plus des enseignants-chercheurs (Constance) et des professeurs invités (Hamilcar Dian), des laborantins (Ferdinand), des stagiaires (Isidore), des assistants (Alcide) pour La Machine de Léandre et des Doctorants (Cassandra) dans La chasseuse de livres. Il manque quand même quelques administratifs à mon goût! (Ça, c’est pour mon petit côté chauvin!).
– Et surtout, il y a une citation qui m’a beaucoup fait rire dans La machine de Léandre car il s’agissait d’une private joke aussi dans notre Laboratoire! On plaisantait à propos des scientifiques/doctorants grenoblois qui en avaient marre de leur vie citadine et professionnelle et souhaitaient partir dans le Vercors pour élever des chèvres !

Constance : (…) J’en ai assez! Je ne veux plus jamais, JAMAIS, entendre parler de magie!
Léandre : Que voulez-vous dire?
Constance : Je démissionne! Je vais partir à la campagne et me recycler dans la fabrication de fromages! (P. 144)

En ce qui concerne le personnage de Cassandra, en revanche, ses méthodes scientifiques m’ont beaucoup moins convaincue. Si elle trouve une piste grâce aux archives familiales pour retrouver le fameux manuscrit L’Appel aux Anciens, sitôt arrivée à Tourmayeur, elle ne la suit pas. Au contraire, elle préfère se rendre sur un site archéologique où elle entreprend des fouilles seule et utilise une méthode peu orthodoxe à l’image de l’archéologie du XIXème siècle (pillage du site, dégradation, etc…). Bref…

Deux héroïnes au caractère bien trempé

Cela ne vous aura pas échappé mais les deux héroïnes sont des femmes fortes qui ont dû se battre au sein d’une société patriarcale pour se faire leur place. Cela a été d’autant plus difficile pour Constance car non seulement elle est d’origine immigrée mais également issue d’un milieu social pauvre. Elle a donc pu réussir ses études grâce à l’obtention d’une bourse au mérite. Quant à Cassandra, bien qu’elle ait été d’origine aristocratique, les femmes dans son milieu avaient pour seule fonction d’enfanter et non de suivre des études.

Cassandra : Je n’aurais voulu être une poule pondeuse d’héritiers pour rien au monde. (…) Les rois, c’est du passé. Moi, je veux vivre au présent et avoir un futur. (P. 181)

Ce sont donc deux femmes qui ont réussi par elles-mêmes sans l’aide des hommes. Et en cela, elles constituent un modèle trop peu présent dans la littérature : celui de la femme scientifique. Dans son interview, Alex Evans dit qu’elle s’est même inspirée de Marie Curie pour son personnage de Constance Agdal.

Dans l’univers des deux romans, Alex Evans explique cette misogynie ambiante par la présence du Culte de la Voie qui s’est imposé il y a quelques siècles et qui a limité le droit des femmes. Ces dernières se sont alors retrouvées subordonnées à leurs homologues masculins, cantonnées à un rôle de simple reproductrice et ont vu leur droit de disposer de leur propre corps limité.

Constance : Oui, le Culte de la Voie insiste beaucoup sur la chasteté. Surtout pour les femmes. « Des pensées pures dans un corps pur, pour des enfants purs. » (P. 60)

Il faut donc voir dans ce culte de la Voie une métaphore de notre société marquée par les Religions monothéistes qui ont amoindri le rôle des femmes et continuent de le faire comme en témoigne encore la suppression du droit à l’avortement dans certains pays.

En conclusion, les deux récits de La machine de Léandre et de La chasseuse de livres mélangent Science et Magie et s’inscrivent de ce fait davantage dans la Gaslamp Fantasy que dans le steampunk. J’ai préféré La machine de Léandre et son héroïne Constance car je l’ai trouvée plus convaincante en scientifique que Cassandra. Toutefois, les deux femmes possèdent toutes les deux assez de caractère pour donner à leur récit une dimension féministe. Bref, une lecture divertissante qui se lit bien et qui m’a bien donnée envie de découvrir Sorcières associées et L’échiquier de jade.

En aparté, j’aurais une question à vous poser, lecteur(trice)s à propos de ma nouvelle manière de rédiger les chroniques. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué mais depuis un mois, j’utilise un plan apparent et la même méthode d’argumentation apprise pendant mes années universitaires (c’est à dire, hiérarchisation des idées, argument et exemple).
Selon moi, le point positif est qu’il est plus facile de suivre le cheminement de ma pensée mais le point négatif, c’est que j’ai un peu trop tendance à développer. Du coup, qu’est-ce que vous en pensez? Pourriez-vous me le dire en commentaire?

26 commentaires

  1. Franchement tentant tout ça. J’avais décidé de l’ignorer pour des raisons de boursouflure de PAL, mais il revient dans la course du coup.
    Je ne me permettrais pas de juger de ta façon de faire tes chroniques. De ce que je vois (ton blog et d’autres), un blog semble réclamer plus de développement que Babelio (dont je suis plus adepte). Personnellement trop de longueur peuvent me faire hésiter à me lancer (comme les romans pavés d’ailleurs) mais ça semble adapté au format.
    Dommage que je te voies moins sur Babs ceci dit, snif!

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  2. Super chronique, si c’est de la Gaslamp ça risque fort de me plaire ! Sorcières Associées relève aussi de ce genre, non ? (je demande parce que je l’ai pas lu et qu’il peut m’être utile pour mes recherches de cette année).
    Sinon, je ne vais clairement pas critiquer négativement ta manière de rédiger tes articles, puisque je procède de la même manière. L’important est que cette méthode de rédaction te plaise, je pense ^^.

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  3. Pourquoi pas, je le mets de côté pour quand j’aurais écoulé le stock de nouveautés de cette rentrée ^^ Pour ce qui est de la forme de tes articles, ça ne me dérange pas qu’ils soient plus longs et j’aime bien comment ils sont structurés 🙂

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  4. Effectivement, d’après ce que tu décris, ce roman me paraît relever de la Gaslamp plus que du Steampunk. Content de voir que quelqu’un utilise « sur le terrain » ma taxonomie 😉

    Sinon, concernant la façon de rédiger ou structurer les chroniques, ce n’est pas moi qui vais te jeter la pierre. D’une part parce que je procède plus ou moins de la même manière, et d’autre part parce que même si je n’approuvais pas, je suis fermement convaincu que chacun(e) doit avoir le droit de faire comme il / elle le veut sur son blog, et que personne n’a rien à y redire (ce qui n’empêche pas certains de le faire…). Concernant la longueur, je suis la preuve vivante que des critiques très longues n’empêchent certainement pas les gens de venir les lire et les apprécier.

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  5. Je n’avais pas été totalement convaincue par Sorcières Associés car je trouvais que l’univers n’était pas assez creusé. Celui-ci me tente plus, le monde semble intéressant et l’autrice semble bien l’utiliser pour commenter notre propre monde 🙂
    Quant à ta technique de chronique, j’adhère totalement. J’aime les raisonnements logiques et je trouve ton texte très fluide et vraiment agréable à suivre!

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