Les Indes fourbes d’Alain Ayroles et de Juanjo Guarnido

E411BC1C-4E2E-42C0-9D69-5AF54466CCD1

Quatrième de couverture : 

Fripouille sympathique, don Pablos de Ségovie fait le récit de ses aventures picaresques dans cette Amérique qu’on appelait encore les Indes au siècle d’or. Tour à tour misérable et richissime, adoré et conspué, ses tribulations le mèneront des bas-fonds aux palais, des pics de la Cordillère aux méandres de l’Amazone, jusqu’à ce lieu mythique du Nouveau Monde : l’Eldorado !

Editeur : Delcourt

Nombre de pages : 160

Prix : 34,90€

Date de publication : 28 Août 2019

Mon Avis : 

Cela faisait un petit moment que je guettais la sortie de ce magnifique ouvrage dessiné par Juanjo Guarnido, illustrateur de Blacksad et scénarisé par Alain Ayroles qui a également écrit De capes et de crocs ou le truculent Garulfo. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que je n’ai absolument pas été déçue, tenant là probablement mon plus gros coup de coeur 2019 dans la catégorie des Bandes Dessinées.

Au siècle d’or espagnol, Pablos de Ségovie est un vaurien qui suit à la lettre les préceptes de son père : « tu ne travailleras point ». Menteur, voleur, tricheur, il ne recule devant rien pour arriver à ses fins. Lorsqu’il s’embarque pour le Nouveau Monde encore appelé les Indes, il a bien l’intention de devenir riche et de gravir l’échelle sociale.
Quelques années plus tard dans la ville de Cuzco, le seigneur Alguazil interroge un Pablos moribond : il semblerait que l’homme ait réussi à se rendre dans l’Eldorado, la mythique cité indienne aux rues pavées d’or. Tour à tour le menaçant ou le suppliant, le Seigneur Alguazil essaye de lui arracher son secret mais Pablos tient à lui narrer toute sa vie…

Un magnifique livre objet

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les éditions Delcourt n’ont pas lésiné pour offrir un luxueux livre-objet à leur lecteur : la bande dessinée est grande par ses dimensions (25×34 cm), son poids (1,2 kg) et le nombre de ses planches (145). La reliure n’est certes pas cousue mais dispose d’un marque-page en tissu écarlate. Quant à la couverture, elle est cartonnée, sertie d’un titre en dorure et figure un portrait de Pablos de Ségovie à la peinture à l’huile, dans le pur style du peintre Diego Velázquez, célèbre pour ses Ménines.

La bande dessinée se veut la suite de l’oeuvre de Francisco de Quevedo, El Buscon parue en 1626. Dans cet ouvrage original, l’auteur espagnol avait dépeint en trois parties les aventures rocambolesques de son personnage Pablos de Segovie à travers l’Espagne du Siècle d’Or. Il avait l’intention d’écrire une suite mais il ne l’a jamais fait. C’est pourquoi Alain Ayroles et Juanjo Guarnido ont donc décidé de s’inspirer de l’œuvre originale pour cette suite dans le Nouveau Monde. Ils reprennent d’ailleurs le style graphique des publications du XVIIème siècle pour leur page d’accueil :

CEAC60D1-8C81-46FE-BBEC-05FDE9003595.jpeg

Un récit picaresque

Les Indes Fourbes reprennent complètement les codes du roman picaresque :
– Pablos de Ségovie est un personnage de basse extraction : son père était barbier, sa mère une sorcière et une faiseuse d’anges, son frère un voleur et son oncle, un bourreau. La devise familiale est « Tu ne travailleras point » et Pablos met un point d’honneur à la respecter. Il n’hésite pas à mentir, tricher, voler, dénoncer et perdre son honneur pour s’enrichir. S’il est une engeance de la pire espèce, le lecteur ne peut s’empêcher d’éprouver pour lui de la sympathie.
– Le récit se veut autobiographique : ainsi dans la première partie, Pablos de Ségovie au lieu de dire immédiatement au Seigneur Alguazil où se trouve la cité mythique de l’Eldorado, lui narre sa vie de son enfance en Espagne à son arrivée dans le Nouveau Monde.
– Il s’agit également d’une satire réaliste de la société espagnole au XVIIème siècle. Pablos rencontre toutes les strates sociales afin de mieux dénoncer les injustices et se moquer des puissants : lors de son récit, il a ainsi faire la connaissance d’esclaves noirs emmenés de force par les colons européens aux Amériques, d’Indiens asservis dans les mines d’argents du Potosi, des colons européens désillusionnés qui tentent tant bien que mal de survivre, des gentilshommes qui détiennent l’autorité du pouvoir espagnole comme le Seigneur Alguazil ou le Seigneur Corrégidor ou du Roi d’Espagne, Philippe IV.
– Enfin, le ton privilégié est l’humour : pour avoir adoré le style haut en couleur de Garulfo, je pense qu’Alain Ayroles était le meilleur choix pour le scénario des Indes Fourbes. De plus, les mimiques des visages des personnages croqués par Juanjo Guarnido sont assez drôles et expressives :

69FF3416-CED3-4407-8D4A-2062B71CA071
Pablos de Segovie apprend à utiliser un fusil aux esclaves fugitifs
EC12C74E-6563-4357-80F8-30978F042C37
Le Corrégidor en train de passer un savon au Seigneur Alguazil

Une Bande Dessinée remarquable

Les dessins à l’aquarelle de Juanjo Guarnido sont d’une qualité artistique indéniable : non seulement, ils sont bien documentés que ce soit au niveau des costumes, des accessoires ou de l’architecture mais ils rendent vivants les personnages de l’intrigue. Le point d’orgue se situe au moment de l’expédition de Don Diego dans la forêt amazonienne pour retrouver la mythique cité Eldorado. Des pages 66 à 77, aucun texte n’intervient, au contraire, toute la place est laissée aux dessins d’une expressivité impressionnante!

78184949-CF8E-428C-AA80-3AF996DB304B.jpeg

Enfin, le scénario est intelligent et remarquablement bien construit. Tout comme l’œuvre originale de Francisco de Quevedo, il possède trois parties qui livrent chacune des pièces d’un puzzle sans perdre son lecteur. Et le résultat en est plutôt surprenant car il est bien difficile de ne pas se laisser berner par ce coquin de Pablos de Ségovie! Un petit conseil, n’hésitez pas à regarder tous les détails!

En conclusion, Noël approche à grand pas et je suis certaine que vous arriverez à caser cette sublime bande dessinée dans votre liste. Moi, je dis ça, je dis rien! Mais, l’objet en lui-même est magnifique, c’est un one-shot et vous serez ébloui par les magnifiques dessins à l’aquarelle de Juanjo Guarnido ainsi que par le scénario intelligent d’Alain Ayroles. Toujours pas convaincu? Allez! Il doit bien y avoir quelqu’un dans votre entourage qui serait intéressé, non? On a toujours un passionné de BD dans sa famille ou parmi ses amis! Tentatrice? Moi? Meuh nooon! 😉

16 réflexions sur “Les Indes fourbes d’Alain Ayroles et de Juanjo Guarnido

  1. Oooh oui je l’avais déjà repéré et noté les références en vue de l’offrir à mon chéri (amateur de BD et de dessin)… Je n’ai pas attendu Noël, il a adoré l’histoire et admiré les aquarelles, et il faudra que je lui pique pour le lire aussi ^^.

    Aimé par 1 personne

  2. Cette BD qui trône sur les devantures des libraires m’attire comme un escadron de sirènes. Mais j’avoue que son prix m’a fait reculer jusqu’à là.
    Seulement, tu viens de filer un coup de main à l’escadron. Merci

    Aimé par 1 personne

    1. Oui effectivement, j’ai lu sur plusieurs sites que le prix pouvait être un problème. Après pour être sincère, l’objet en lui-même est très beau et c’est comme s’il contenait trois BD en une.

      J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s