#PLIB2020 : Rivages (Tome 1) de Gauthier Guillemin

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Quatrième de couverture : 

On l’appelle le Voyageur.

Il a quitté une cité de canalisations et de barbelés, un cauchemar de bruit permanent et de pollution qui n’a de cesse de dévorer la forêt.

Sous la canopée, il s’est découvert un pouvoir, celui de se téléporter d’arbre en arbre.

Épuisé, il finit par atteindre un village peuplé par les descendants de la déesse Dana, une communauté menacée par les Fomoires, anciennement appelés “géants de la mer”. Là, il rencontre Sylve, une étrange jeune femme au regard masqué par d’impénétrables lunettes de glacier.

Pour rester avec elle, dans ce village interdit aux Humains, le Voyageur devra mériter sa place.

Le seigneur des anneaux est assurément le livre préféré des Ents, mais Rivages pourrait sans doute les séduire.

Editeur : Albin Michel Imaginaire

Nombre de pages : 256

Prix : 18,90€

Date de publication : 30 Octobre 2019

#ISBN9782226443762

Mon Avis :

C’est Gilles Dumay qui m’a contactée directement pour me proposer Rivages en Service Presse et à cette occasion, je le remercie ainsi que les éditions Albin Michel Imaginaire pour l’envoi du roman. Dans l’interview d’Au pays des caves troll, l’éditeur explique comment il a choisi les blogueurs pour ce roman : au début, je pensais que c’était pour mon appétence pour l’univers de Tolkien mais en réalité, c’était surtout parce que j’avais lu et apprécié les ouvrages de Lionel Davoust. Et il est vrai que j’ai retrouvé un peu de cet auteur dans ma lecture mais pas seulement…

Le monde a changé : les Humains s’entassent désormais dans des grandes villes dans lesquelles ils ont trouvé refuge. Car en dehors, la Nature a complètement repris ses droits et le Dômaine sylvain s’étend à l’infini. Pourtant, un homme surnommé le Voyageur décide volontairement de s’exiler de la Cité et tenter de vivre au sein de la forêt. Si les débuts sont difficiles, il réussit néanmoins à survivre. Et au bout d’un an de pérégrination, il finit par tomber sur un village peuplé de créatures légendaires : les Ondins, descendants de la déesse Tuatha dé Dana. Si l’accueil qui lui est réservé est un peu froid de prime abord, le Voyageur arrive progressivement à s’intégrer car il semblerait que son don peu commun de voyager à travers les arbres soit utile à la petite communauté…

Un roman qui s’inscrit dans la Fantasy Post-Apocalyptique…

Si je me réfère à l’ouvrage d’Apophis, le Guide des genres et sous-genre de l’imaginaire, le début de Rivages m’a tout d’abord fait penser à de la Fantasy Post-Apocalyptique. Il s’agit d’une Fantasy inspirée de la Science Fiction et qui reprend les codes du genre Post-Apocalyptique, à savoir un monde qui a radicalement changé après une évènement soudain et destructeur et dans lequel les humains essayent tant bien que mal de survivre. Dans Rivages, il semblerait que ce soit la surexploitation des ressources naturelles de la Terre qui soit la cause du déclin de l’Humanité. La Nature a alors décidé de reprendre ses droits et les forêts du Dômaine ont enfermé les Hommes dans leurs Cités.

Et les forêts reprirent leurs droits, insensiblement, mais férocement. Elles ne restèrent pas longtemps enfermées dans les réserves dont les humains étaient si fiers. Elles se répandirent et imposèrent une loi d’airain aux cités de verre et d’acier. (…).
Les forêts les enfermèrent.
Le Dômaine les oublia.
Du plus loin de l’étiage où l’humanité l’avait cantonnée, la nature avait entamé une reconquête brutale. Rapide et violente, la crue sylvestre avait avalé les bitumes comme la pyrale dévore les buis. Les humains avaient reculé dans un désordre indescriptible, pour finir par résister en citadelles tremblantes, isolées, souvent éphémères. (P. 74)

En inscrivant le début de son roman dans le genre du Post Apocalyptique, Gauthier Guillemin invite donc son lecteur à réfléchir sur son mode de vie. Il le met en garde sur la surexploitation des ressources naturelles et lui montre que si rien n’est fait pour préserver l’environnement, cela pourrait aboutir à la fin de notre civilisation telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Après réflexion, je comprends mieux le critère de sélection de Gilles Dumay. Lionel Davoust a également inscrit sa saga des Dieux sauvages dans le  genre de la Fantasy post-apocalyptique. Si je ne l’ai d’ailleurs pas encore lu, je sais pour avoir rencontré l’auteur lors d’une Soirée littéraire qu’il existe des similitudes avec Rivages notamment la destruction du monde ancien et la survie du personnage principal dans la forêt.

… pour rejoindre ensuite une Fantasy plus classique…

Si le roman débute dans le genre original de la Fantasy Post-Apocalyptique, le récit bascule complètement par la suite dans une Fantasy plus traditionnelle. Ainsi, Gauthier Guillemin fait référence à la mythologie irlandaise selon laquelle les premiers habitants de l’Irlande étaient des dieux et des déesses appartenant à la Tribu de Dana [Tuatha dé Dana]. Ils se seraient alors effacer devant les Humains rejoignant le monde du Sidh (sorte de refuge sous terre ou sous mer par lequel on accédait grâce à l’eau).

Les Ondins durent se cacher car les hommes torturèrent celles que l’on nomma sorcières et magiciennes, ils brûlèrent les manuscrits, traquèrent les érudits. Les gens de la déesse [Dana] disparurent, son culte se raréfia, mais son enseignement avait pris d’autres formes : son nom n’était plus prononcé et fut même oublié, mais d’autres se réapproprièrent son savoir et continuèrent à le diffuser à travers les âges, alors que plus personne ne se souvenait des Tuatha dé Dana. (P. 71)

Dans Rivages, Gauthier Guillemin inverse les codes car les Ondins sont les descendants de ces dieux et profitent alors du repliement des êtres humains dans leur cités pour réinvestir de nouveau le Dômaine. Il est d’ailleurs intéressant de voir que l’auteur compare régulièrement les forêts à une étendue d’eau (« étiage », « crue sylvestre » ou comparé à une « mer ») quand on sait que l’un des moyens d’accéder au Sidh de la Tribu des Dana se fait par l’intermédiaire de… l’eau!

Lorsque nous sommes ici [sur la Roche-Licorne], la forêt qui nous entoure, lieu de notre exil, devient la mer, lieu de nos origines, poursuivit Sente. (p. 166)

Gauthier Guillemin fait également référence aux cultures scandinave et germanique chères à Tolkien et il n’est donc pas surprenant de voir apparaître des créatures issues de la Terre du Milieu. Le Voyageur compare ainsi les Ondins aux Elfes et rencontre plus tard deux Nains, Krull et Sente dont la principale activité de leur peuple est l’exploitation des mines!

A propos des Ondins :

A première vue, on aurait dit des hommes, mais leurs gestes très fluides, leur regard perçant, éclairé, et la rapidité de leurs déplacements lui laissèrent penser que ce peuple s’apparentait aux elfes des récits fantastiques qu’il avait pu lire. (P. 35)

Enfin, la magie est présente dans le roman car certains des personnages possèdent des dons : par exemple, le Voyageur peut se déplacer très vite dans la forêt en voyageant d’arbre en arbre (il peut ainsi atteindre les 200 kilomètres par jour).

… afin de proposer au lecteur une société alternative.

Dans Rivages, Gauthier Guillemin oppose farouchement les Cités dans lesquelles se sont réfugiés les êtres humains aux forêts occupées par les peuples légendaires.
La Cité est présentée de manière négative : grise, bétonnée, bruyante, polluée, dominée par la Science et la Technique, les Humains sont entassés et souffrent. L’auteur la compare à l’Enfer en faisant soit référence au mythe de Sisyphe (un homme condamné à monter une pierre indéfiniment en haut d’une colline selon la mythologie gréco-romaine) ou à l’oeuvre de Dante, l’Enfer (« Vous qui entrez, abandonnez toute espérance » p. 16).

Étant donné que la moitié de la population mondiale actuelle vit dans une zone urbanisée et risque d’évoluer vers les 65% en 2050, l’auteur propose au lecteur une société alternative par l’intermédiaire du village des Ondins. Cette société utopique m’a d’ailleurs fait penser à un autre roman lu il y a peu, Dans l’ombre de Paris de Morgan of Glencoe et dans lequel la société des égoûts était basée sur le même modèle : les Ondins vivent alors proches de la Nature tout en faisant attention à la préserver, ils utilisent les plantes pour la médecine, leurs habitations sont constituées de matériaux naturels (bois, pierre, chaume, etc…), la société est égalitaire entre hommes et femmes et démocratique mais aussi chaque individu doit à tour de rôle effectuer des tâches pour le bien de la communauté (chasse, garde, etc…).

Enfin, je terminerai par le style d’écriture de l’auteur qui m’a beaucoup fait penser à celui très introspectif et contemplatif de Stéfan Platteau, notamment dans Dévoreur. Si je n’ai pas encore lu Le sentier des astres, je sais par une rencontre à une soirée littéraire que la forêt prend également beaucoup de place dans son récit.

En conclusion, Rivages s’inscrit dans la mouvance actuelle de la Littérature de l’Imaginaire : inspirée de la SF, la Fantasy Post Apocalyptique a pour but de faire réfléchir son lecteur sur le monde dans lequel il vit. À l’heure où les préoccupations environnementales prennent de plus en plus de place dans notre actualité, Gauthier Guillemin met en garde son lecteur sur les conséquences d’une surexploitation des ressources naturelles qui pourrait aboutir à la chute de notre civilisation. Toutefois, il utilise aussi les codes et les personnages de la Fantasy traditionnelle afin de montrer qu’il existe d’autres alternatives comme la société utopique des Ondins. Si le récit possède parfois quelques longueurs, pour ma part, j’aurais beaucoup apprécié ce roman qui se caractérise surtout par son ambiance.

Autre Avis : 

Albédo

Célindanae

Elhyandra

L’épaule d’Orion

L’ours inculte

Xapur

30 commentaires

  1. Toi aussi, la base irlandaise, t’a frappée immédiatement. J’ai beaucoup aimé le peuple ondin, et ce cheminemt tout autant une recherche de racine qu’une quête personelle. Le traitement de la forêt comme une entité vivante m’a touchée, dans l’apiculture, nous considérons non pas les abeilles de manière individuelle, mais comme un organisme vivant unique en tant que ruche. Les ponts avec l’apiculture étaient sans doute pas volontaire, mais intéressants.

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  2. Merci pour cette savoureuse chronique qui confirme ma furieuse envie de le découvrir ! 2ème billet lu avec celui d’Elhyandra dans la même journée, c’est un signe 😉

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