L’enfance attribuée de David Marusek

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Quatrième de couverture : 

En cette fin de siècle surpeuplée, quand les traitements anti-vieillissement rendent chaque individu virtuellement immortel, avoir un enfant relève du luxe le plus indécent. Sam Harger, artiste spécialisé en design d’intérieur, ne s’attendait pas à un tel bonheur lorsqu’il rencontra l’ambitieuse Eleanor Starke. Couler le parfait amour, et maintenant l’autorisation d’avoir un bébé… une chance inouïe pour le couple, qui ne boude pas son plaisir.
Mais dans ce monde surveillé à l’extrême, dominé par l’informatique et les intelligences artificielles, est-on jamais à l’abri des bugs ?

Editeur : Le Bélial, collection Heure-Lumière

Nombre de pages : 119

Prix : 9,90€

Date de publication : 29 Août 2019

Mon Avis :

Je fais une pause sur le gros pavé des Lions d’Al-Rassan de Guy Gavriel Kay pour lire cette petite nouveauté de la collection Heure-Lumière du Bélial : L’enfance attribuée de David Marusek. A cette occasion, j’ai profité de l’opération de l’éditeur pour obtenir le Hors-Série dont la lecture est également bientôt prévue. Je ne connaissais pas du tout l’auteur David Marusek : un seul de ses quatre romans, Un paradis d’enfer a été publié en 2008 aux Presses de la cité tandis qu’une autre de ses novellas, The wedding album ne devrait pas tarder à paraître dans la collection Heure-Lumière.

A la fin du XXIème siècle, l’artiste américain Sam Harger « rencontre » lors d’une soirée chez un ami, l’intrigante Eleanor Starke. Tous les deux tombent alors amoureux : lui vit aux Etats-Unis tandis qu’elle, menant une carrière politique, voyage à travers le monde. Mais, cela n’empêche pas les amoureux de se retrouver via hologramme interposé. Leur couple évolue de manière traditionnelle jusqu’au mariage et au bébé. Oui car Sam et Eléonore est un couple privilégié. Dans un monde où les adultes ne vieillissent plus grâce au développement poussée de la médecine, les « naissances » sont strictement contrôlées au point que seuls un millier d’enfants « voie le jour » aux Etats-Unis…

Une société qui repose entièrement sur les technologies…

Les technologies développées dans la novella semblent au premier regard apporter un véritable confort aux individus tout en leur donnant l’illusion d’un contrôle sur leur environnement :

  •  Ils s’affranchissent ainsi de la géographie : si les avions existent toujours pour se rendre d’un point à un autre de la planète, c’est bien le système holographique qui permet aux individus de se rencontrer sans être là physiquement. Lors de la fête de son ami, Sam Harger était le seul invité à être réellement présent puisque les autres individus étaient des hologrammes.
  • Ils se libèrent du vieillissement du corps : la médecine est tellement développée que les individus qui la pratiquent deviennent immortels dans le sens où il est possible non seulement d’éliminer les maladies dû au vieillissement mais de choisir son âge d’apparence.
  • Ils s’octroyent du temps libre en laissant leur IA gérer toute la logistique : celui de Sam Harger se prénomme Henry et il a fusionné physiquement avec lui, c’est à dire que l’IA connaît ses pensées mais anticipe également tous ses besoins. Henry s’occupe de toutes les formalités administratives, répond aux appels, etc… Si l’être humain s’affranchit ainsi de cette charge mentale, il demeure en revanche dépendant vis à vis de son IA et perd son autonomie.

… et qui finalement se veut dystopique

Les êtres humains sont tellement devenus dépendants de ces technologies qu’en vérité, ils ne se rendent pas compte qu’ils sont dans un société hyper-contrôlée. Sam Harger est conditionné et ne remet pas en question son fonctionnement, du moins pas immédiatement.

  • Le contrôle des naissances : dans une société où tous les êtres humains ont accès à l’immortalité, les naissances sont inévitablement contrôlées pour éviter une surpopulation. La procréation à l’ancienne est devenue has been : l’ADN est prélevé sur les deux parents et injecté sur une matrice pour laquelle, (eugénisme oblige!), on peut choisir ses caractéristiques futurs et son sexe! Alors, avec un titre comme « l’enfance attribuée », le lecteur était en droit de s’attendre à ce que la naissance de l’enfant de Sam et d’Eléanor soit au centre de l’intrigue. En réalité, il n’en est rien car il faut attendre plus de la moitié de la novella pour savoir ce qu’il en est.
  • Le contrôle des individus sous prétexte de l’existence d’une peste : si les êtres humains sont devenus pour la plupart immortels, ils sont toutefois menacés par l’existence de maladies comme une forme de peste. Ils doivent alors se soumettre à de fréquents contrôles de leur ADN pour vérifier qu’ils n’ont pas été affectés. Gare à ceux qui ont été contaminés, ceux que l’on surnomme les « altérés », puisqu’aucune compassion ne leur sera offerte : ils seront au mieux exilés, au pire tout simplement éliminés soit physiquement, soit socialement. 

En conclusion, David Marusek embarque son lecteur sans ambages ni introduction au coeur de l’univers de sa novella. L’immersion est totale et l’on découvre au fur et à mesure de sa lecture cette société glaçante du XXIème siècle. Le lecteur éprouve ainsi un sentiment ambivalent à l’égard de cette société dépeinte : admiratif dans un premier temps du développement technologique car après tout, les désirs inhérents à l’être humain comme l’immortalité sont comblés mais aussi glacé par le revers de la médaille et l’hyper-contrôle des individus. Ne serait-ce d’ailleurs pas là un avertissement pour notre propre société? En effet, nos téléphones portables qui nous apportent tant de confort moderne pour retrouver notre chemin grâce au GPS ou trouver le meilleur restaurant dans une ville inconnue ne pourraient-ils pas à l’avenir être des moyens détournés pour les États ou les multinationales de nous surveiller en écoutant nos conversations, lisant nos messages, suivant nos déplacements ou nos modes de consommation? Mais, peut-être est-ce déjà le cas…

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