Les lions d’Al-Rassan de Guy Gavriel Kay

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Quatrième de couverture : 

Depuis l’assassinat, quinze ans auparavant, du dernier khalife, l’Empire d’Al-Rassan est éclaté en cités-états rivales. Dans ce climat troublé, la discorde règne, et inlassablement se querellent Asharites, Adorateurs des étoiles d’Ashar, Kindaths et Jaddith, les fils du Dieu-soleil Jad.
Il est cependant une menace plus grande encore qui pèse sur le Royaume : au nord, les anciens monarques d’Espéragne semblent s’organiser pour lancer une guerre sainte de reconquête.
C’est dans ce contexte instable que trois destinées d’exception vont se croiser. Trois êtres que tout oppose : Rodrigo Belmonte, le prestigieux chef de guerre jaddite, Jehane, brillant médecin Kindath, et Ammar Ibn Khairan, le poète Asharite, celui-là même qui jadis assassina le Khalife…

Editeur : J’ai Lu

Nombre de pages : 730

Prix : 10,00€

Date de publication : 28 Juin 2005

Mon Avis :

Vous connaissez mon amour pour la Fantasy historique et lire Guy Gavriel Kay était l’un des objectifs de cette année. Pour m’aider dans cette tâche, rien de mieux qu’une Lecture Commune pour se motiver avec les blogopotes. Tout a commencé avec Tigane qui ne m’a pas du tout emballée et s’est poursuivi avec Les lions d’Al-Rassan. Et là, je dois dire que j’ai eu un énorme coup de coeur pour ce roman!

L’Empire d’Al-Rassan s’est affaibli depuis l’assassinat quinze ans auparavant du dernier Khalife, à Silvènes. En effet, le territoire est menacé non seulement par des dissensions internes (il s’est morcelé en petits états indépendants autour des villes principales comme Cartada ou Ragosa) mais aussi par les velléités de reconquête des trois royaumes de l’Espéragne, situés au nord : le Ruende, le Vallédo et la Jalogne. Dans ce contexte géopolitique instable, trois personnalités vont être amenés à se rencontrer et mettre de côté leur différence : l’Asharite Ammar ibn Khairan, poète, conseiller du roi de Cartada et assassin du dernier Khalife, le Jaddite et officier militaire Rodrigo Belmonte exilé par le Roi du Vallédo et enfin, la Kindath Jehane bet Ishak, médecin de grand renom.

Un roman de Fantasy historique …

Dans ma précédente lecture de Guy Gavriel Kay, je n’étais pas vraiment d’accord pour qualifier Tigane de Fantasy historique bien que celui-ci soit très inspiré par l’Italie de la Renaissance. En revanche, en ce qui concerne Les lions d’Al-Rassan, je n’ai aucun doute puisque c’est bien la Reconquista de l’Espagne au XIème siècle qui est au coeur de l’intrigue. D’ailleurs, hormis la présence de deux éléments de Fantasy (les lunes blanche et bleue ainsi que le don de divination du fils de Rodrigo Belmonte), le lecteur pourrait presque croire à quelques exceptions près à un roman historique.

Si on compare la carte de Guy Gavriel Kay avec celle de l’Espagne au XIème siècle, on peut noter de fortes similitudes dans leur morphologie topographique et toponymique :

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Carte géographique des Lions d’Al-Rassan (p. 14)
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Carte de l’Espagne au XIème siècle (Source)

De plus, deux évènements majeurs rythment l’intrigue et font directement référence au contexte géopolitique du XIème siècle. Cela permet de rendre le background du roman construit, précis et crédible.

– La Reconquista au premier plan est la reconquête des territoires de l’Al-Rassan (l’Al-Andalus) morcelés en petites royautés indépendantes (comme Fezana pour Tolède, Ragosa pour Saragosse ou Silvènes pour Cordoue) par les royaumes de l’Espéragne (l’Espagne) situés au nord de la péninsule (notamment la Ruende pour le Léon, le Vallédo pour la Castille et la Jalogne pour la Catalogne).

– La Croisade en toile de fond : les Rois d’Espéragne sont conviés par les prêtres jaddites (chrétiens) à s’unir aux Royaumes de Ferrière (France), Batiare (Italie) et Waleske (St Empire Germanique) pour partir en Soriyie (Jérusalem) et participer à une guerre sainte. Bien évidemment, cet épisode fait référence à la première Croisade qui a eu lieu de 1096 à 1099.

… qui met en scène des personnages d’exception et…

Un autre point fort de ce roman est assurément les personnages qui sont remarquablement bien écrits et construits. Ils sont dépeints de manière très humaine avec leur force et leur faiblesse ce qui non seulement les rend touchants mais attire aussi la sympathie du lecteur. Il est également à noter que Guy Gavriel Kay a représenté à travers ses trois personnages principaux, les trois peuples qui cohabitent sur la péninsule : les Jaddites (Chrétiens) majoritaires en Espéragne et adorateurs du dieu Soleil Jad, les Asharites (Musulmans) majoritaires en Al-Rassan et adorateurs des étoiles ainsi que les Kindath (Juifs) minoritaires et appelés également les Errants (en référence à la Diaspora Juive). Si ces trois religions créent des conflits au sein de la péninsule, Rodrigo Belmonte, Ammar Ibn Khairan et Jehane bet Ishak parviennent à surmonter leur différence pour afficher leur solide amitié.

Rodrigo Belmonte est Jaddite. Il a été exilé par le Roi du Vallédo pendant deux ans. Fine lame, militaire compétent et charismatique, il a choisi de se mettre au service du Roi de Ragosa. Ce personnage fait référence au Cid de son vrai nom Rodrigo Diaz qui avait été également exilé par le Roi de Castille et était rentré au service de l’émir de Saragosse pour combattre aux côtés des Musulmans (d’où le nom de « Sidi », c’est à dire Seigneur).

Ammar ibn Khairan est Asharite. C’est lui qui a provoqué l’instabilité d’Al-Rassan en tuant quinze ans avant le début de l’intrigue le dernier Khalife de Silvènes. Également fine lame, fin stratège, séducteur et poète, il rencontre Rodrigo Belmonte à la cour de Ragosa après avoir été également exilé par le Roi de Cartada.

Jehane bet Ishak est Kindath. Fille de médecin, elle exerce à son tour cette activité avec compétence. Jehane est vraiment mon personnage préféré : elle est forte, courageuse sans être badass et sait s’affirmer auprès des hommes avec qui elle doit faire équipe au sein de la compagnie de Rodrigo Belmonte. La présence de Jehane permet aussi d’aborder le peuple Kindath qui est minoritaire autant en Espéragne qu’en Al-Rassan mais soumis à des discriminations : impôts supplémentaires, confinement dans un quartier délimité (ghetto), racisme (Mazur Ben Avren est le chancelier du Roi de Ragosa et essuye la critique), ce qui peut engendrer des violences à leur encontre en temps de crise (pogroms).

– Les personnages secondaires ne sont pas en reste et sont également bien croqués. Ainsi, j’ai beaucoup apprécié le serviteur et assistant de Jehane, Velaz qui lui est fidèle mais aussi Alvar de Pellino jeune soldat dans la compagnie de Rodrigo Belmonte, Miranda, l’épouse de ce dernier (qui elle pour le coup est badass!) et Mazur Ben Avren pour sa sagesse et son courage.

… mais quelques longueurs.

L’un des plus gros points faibles de Tigane était ses longueurs au point que j’avais parcouru certains passages en lecture rapide. Dans Les lions d’Al-Rassan, le phénomène n’est pas aussi marqué heureusement mais tout de même, j’ai eu quelques petits passages à vide pendant ma lecture. Il faut dire que le style de Guy Gavriel Kay est très exhaustif, tellement qu’il se perd parfois dans des détails. Si cela peut aussi apporter de la consistance à son récit, cela peut également perdre le lecteur d’autant plus que le roman n’est pas mince et fait plus de sept cent pages!

En conclusion, Guy Gavriel Kay a su parfaitement saisir les enjeux historique, géopolitique et social de l’Espagne du XIème siècle pour les retranscrire de manière spectaculaire et crédible dans son roman de Fantasy Historique. Le résultat est remarquable : bien écrit, très immersif et exotique par son petit côté arabisant, des personnages attachants ainsi qu’un background solide. Dommage toutefois que quelques longueurs aient parfois perturbé ma lecture mais cela ne m’a pas du tout empêché d’avoir eu un coup de coeur pour ce roman au point de le situer dans la même lignée de Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski!

Autres Avis : 

Albédo

Apophis

Blackwolf

Célindanae

Elhyandra

L’ours inculte

12 réflexions sur “Les lions d’Al-Rassan de Guy Gavriel Kay

  1. (merci pour le lien)

    Excellente critique, et content que tu aies aimé ! Du coup, enchaîner sur Fionavar (si j’ai bien tout saisi) dans votre projet de lecture commune risque de vous faire bizarre, puisque c’est d’une (Crossworlds) fantasy beaucoup plus classique dont il s’agit, quasi-Tolkienienne.

    Aimé par 1 personne

    1. C’était l’idée de départ mais on est revenu dessus, on va attendre plus loin dans l’année pour morceler la trilogie sur 3 mois, s’enfiler la trilogie en décembre était finalement pas très enthousiasmant ni Pal-compatible ^^

      Aimé par 2 personnes

  2. Je n’ai lu que la première partie mais je suis d’accord avec ce que tu en dis. Et tu m’en apprends plus ne connaissant pas beaucoup l’histoire de l’Espagne. (je suis nulle en histoire en même temps). Par contre, j’ai tenté « gagner la guerre » et j’ai abandonné.

    Aimé par 1 personne

    1. Tu sais même si j’ai eu une formation en Histoire, j’ai dû me documenter pour écrire cet article. Après, je pense que personne n’est nul en Histoire, il faut juste choisir les bons ouvrages de vulgarisation plus abordables. Pour Gagner la guerre, je comprends car il n’est pas non plus facile d’accès.

      J’aime

  3. Bravo pour ton excellente chronique, bien documentée comme toujours 😉
    J’ai adoré ce roman ! Il est construit de manière tellement habile que j’ai été scotchée du début à la fin, sans temps morts.
    Tu as raison, les personnages sont superbement travaillés, et cette LC fût la révélation d’un auteur de grand talent pour moi.

    Aimé par 1 personne

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