La piste des cendres d’Emmanuel Chastellière

Impression

Quatrième de couverture :

1896, Nouveau-Coronado. Fils illégitime d’un influent propriétaire terrien, Azel fuit son destin, balloté entre des origines qu’il renie et une famille qui ne l’accepte pas. Il a préféré rejoindre les montagnes, où il se contente de conduire du bétail et de jouer les chasseurs de primes. Pourtant, loin des hauts plateaux, la menace d’une guerre se profile dans la péninsule : le Nord, véritable grenier à blé, estime être exploité par le Sud, plus industriel, et qui dispose du seul accès à l’océan grâce au port de Carthagène.
Lorsqu’Azel accepte à contrecoeur d’accompagner un cortège d’indigènes décidés à quitter leurs anciennes terres – accomplissant ainsi ce qu’ils appellent le Grand Exil -, le jeune homme est loin d’imaginer qu’il va lui-même prendre part à la guerre civile. La guerre… et tout ce qu’elle risque fort de réveiller.

Editeur : Critic

Nombre de pages : 480

Prix : 24,00€

Date de publication : 20 février 2020

Mon Avis : 

En 2018, L’empire du léopard avait été l’un de mes plus gros coups de coeur de l’année au point de rejoindre en bonne place le top 3. Aussi, quand Emmanuel Chastellière a fait appel à des blogueurs sur les réseaux sociaux pour lire et chroniquer son nouveau roman, La piste des cendres, je n’ai pas attendu longtemps pour me porter volontaire! Je remercie donc les éditions Critic et l’auteur pour ce Service Presse et leur confiance. Et bien m’en a pris, car j’ai eu beaucoup de plaisir à lire ce roman!

Dans le nord de la péninsule de la Lune d’Or, Azel Alboràn est le fils illégitime d’un grand propriétaire terrien, noble du Coronado et d’une indigène. Mais, son métissage fait qu’il n’a jamais vraiment été accepté par sa famille, en particulier par ses deux demi-frères. Ces derniers n’ont d’ailleurs pas été tendres avec lui durant son enfance et Azel, dès qu’il est devenu adulte, a décidé de partir et de gagner sa vie en tant que chasseur de prime. Il vivait tranquillement avec son demi-loup Apisi jusqu’au jour où sa belle-mère Ombeline décide de lui confier une mission : escorter des indigènes en fuite pour qu’ils puissent rejoindre le Grand Exil. Mais, les choses ne vont pas se passer exactement comme prévues…
Dans le sud de la péninsule, à Carthagène, le Vice-Roi de la colonie vient d’être assassiné. La Reine Constance du Coronado décide alors de rappeler son cousin d’exil, Artemis Cortellan et de lui confier les rênes du pouvoir. Or, celui-ci n’aura pas la tâche facile car une insurrection vient d’éclater sur les terres du nord…

Retour au Nouveau-Coronado

La piste des cendres n’est pas à proprement parler la suite de L’empire du léopard mais plutôt un spin off se déroulant dans le même univers. Il peut donc se lire indépendamment du premier.

Quel plaisir de retourner sur les terres du Nouveau-Coronado! Pourtant, j’ai bien vite été détrompée par ce faux sentiment de familiarité car si l’on retrouve des noms géographiques connus comme la ville de Carthagène au sud, point de départ de la colonisation des terres de la Lune d’or ou Xemballa, la capitale de l’empire du léopard au nord, force est de constater que l’univers a bien évolué depuis notre départ!

En effet, vingt-cinq ans ont passé depuis les faits de L’empire du léopard : les colons du Coronado technologiquement plus avancés n’ont pas vraiment eu de mal à soumettre la population et à défaire le grand empire du léopard situé à l’abri des montagnes, plus au Nord.

  • La technologie a encore évolué : dans L’empire du léopard, les colons possédaient déjà la photographie, les trains et les bateaux à vapeur. Dans La piste des cendres, ils ont développé en plus le télégraphe et les technologies liées à l’énergie de l’exploitation du pétrole : Carthagène est désormais éclairée au gaz tandis que des véhicules roulent grâce à l’essence. D’un point de vue historique, on pourrait rapprocher cet univers de la fin de notre XIXème siècle et de la première moitié du XXème siècle.
  • Il existe de nombreuses dissensions :
    entre les colons et les indigènes : ces derniers commencent d’ailleurs à se rebeller au Nord mené par un chef surnommé le Loup gris.
    entre le Sud plus développé et industriel et le Nord plus agricole. Les propriétaires terriens comme le père d’Azel subissent d’ailleurs une pression foncière de plus en plus accrue car de grandes compagnies souhaiteraient racheter leur terre pour exploiter le pétrole présent dans le sous-sol.
    entre la colonie et le Coronado : les habitants de la Lune d’or ne supportent plus l’ingérence d’une Reine absente et régnant de l’autre côté de l’océan.
  • Le moral des colons est au plus bas : le Nouveau-Coronado n’est pas la terre promise à laquelle ils s’attendaient. La désillusion avait déjà débutée dans le premier roman mais le territoire de l’empire du léopard cristallisait leur rêve de gloire et de richesse. Malheureusement, ils ont été bien vite détrompés. Les terres récupérées après la chute de l’empire ne sont pas toutes exploitables à cause de l’activité du volcan à proximité qui crache des cendres en continu et de l’insécurité dûe aux révoltes indigènes. 

Des personnages étoffés

Le récit s’articule essentiellement autour de deux personnages principaux et j’ai beaucoup apprécié le fait que leur traitement ne soit pas du tout manichéen.

  • Azel Alboràn est un personnage touchant qui a beaucoup évolué au fil de l’intrigue : victime de la méchanceté et du mépris de ses frères à cause de ses origines indigènes quand il était enfant et adolescent, il décide de partir du domaine familial à la vingtaine pour gagner sa vie en tant que chasseur de prime. Taciturne et solitaire, il n’éprouve aucune difficulté à ramener les indigènes en fuite à ses propriétaires contre une bourse sonnante et trébuchante. Il se considère d’ailleurs comme citoyen du Coronado et renie ses origines indigènes. Aussi, lorsque sa belle-mère Ombeline vient lui demander de l’aide pour escorter des indiens en fuite, il accepte uniquement cette mission pour lui faire plaisir. Mais, un évènement tragique va tout remettre en question.
  • Artemis Cortellan était déjà présent dans L’empire du léopard et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’était pas très recommandable! Cousin de la Reine Constance, il avait lui aussi débarqué dans le Nouveau-Coronado par ambition. Il était un personnage ambivalent : fin bretteur et plutôt bon stratège, il avait également une haute opinion de lui-même. A la chute de l’Empire du léopard, il a été écarté du poste de vice-roi par sa cousine et a été exilé mis en retraite forcée sur une île pendant vingt-deux ans. Dans La piste des cendres, Artemis n’a rien perdu de sa superbe : bien qu’il ait vieilli et atteint la cinquantaine, lorsqu’il est de retour au pouvoir après la mort du vice-roi, il a toujours en tête de vouloir accomplir son destin. J’ai trouvé que ce personnage avait beaucoup plus de panache et de nuance dans ce roman, j’ai beaucoup apprécié son machiavélisme (de toute façon, vous savez que j’adore ce genre de personnage!) et je l’ai trouvé touchant dans sa relation avec la cantatrice Sabatha.

Enfin, les personnages secondaires ne sont pas en reste non plus, notamment les personnages féminins qui bénéficient elles aussi du même traitement qu’Azel ou Artemis :

  • Je citerais par exemple la belle-mère d’Azel, Ombeline : âgée d’une trentaine d’années, elle est beaucoup plus jeune que son époux. Originaire du Coronado et issue d’une famille noble, elle ne se plaît pas vraiment dans la péninsule de la Lune d’or. Elle trouve alors un sens à sa vie en aidant des indigènes à fuir les exploitations agricoles et d’élevage du nord.
  • Zuhaitza est également un personnage intéressant : d’origine indigène, elle est forte et indépendante. Lorsqu’elle a un objectif en vue, la jeune fille utilise tous les subterfuges en sa possession pour l’atteindre quitte à mentir ou à trahir.

Un roman qui possède des points forts

Bien que j’avais eu un coup de coeur pour L’empire du léopard, j’avais décelé quelques écueils, notamment des longueurs et une fin un peu trop sanglante avec des dialogues WTF.

  • La piste des cendres m’a semblée plus condensé que le précédent opus : il ne possède aucune longueur et l’intrigue est prenante, dynamique et possède son lot de surprise. J’ai particulièrement apprécié les retournements de situation et les révélations qui rythment la fin de chaque partie.
  • Les scènes de violence sont beaucoup plus mesurées : en réalité, il n’y en a que deux beaucoup moins longues et explicites que dans L’empire du léopard. 
  • Emmanuel Chastellière donne de l’épaisseur à son récit en dénonçant par exemple le colonialisme. Finalement, personne n’est vraiment heureux sur cette péninsule de la Lune d’or :
    – les indigènes ont perdu leur terre et leur identité. Ils sont pauvres, exploités par les colons et sont considérés comme des citoyens de seconde zone car ils ne bénéficient pas des mêmes droits que ceux du Coronado. Ils se retrouvent confronter à trois choix : subir le joug des envahisseurs, se révolter ou s’enfuir pour le Grand Exil et retrouver l’île légendaire d’Ophir.
    – les métis sont rejetés par les deux communautés comme Azel.
    – les colons sont méprisés par le pouvoir central du Coronado et leurs rêves de richesse n’ont pas vraiment été assouvis en raison du manque de terre exploitable et de l’insécurité provoquée par les révoltes.

En conclusion, vous vous doutez bien en lisant ma chronique que j’ai adoré cette lecture! J’ai beaucoup apprécié le fait que le récit se déroule vingt-cinq ans après les évènements du premier roman car la péninsule de la Lune d’Or n’est plus tout à fait la même et a évolué, les personnages sont extrêmement bien écrits et intéressants à suivre et finalement les écueils de L’empire du léopard ont été évités grâce à un récit plus condensé et un double niveau de lecture. J’aimerais bien un troisième tome sur cet univers! Savoir par exemple si la colonie va prendre son indépendance vis à vis du Coronado, à l’instar des Etats-Unis avec l’Angleterre ou si l’on retrouvera Cérès… Après je dis ça, je dis rien ! 😉 En attendant, La piste des cendres sort le 20 février!

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