Quatrième de couverture :
Aimez-vous le vert ? A cette question les réponses sont partagées. En Europe, une personne sur six environ a le vert pour couleur préférée ; mais il s’en trouve presque autant pour le détester. Couleur ambivalente, sinon ambiguë, il est symbole de vie, de sève, de chance et d’espérance d’un côté, associé au poison, au malheur, au Diable et à ses créatures de l’autre. Chimiquement instable, le vert a été apparenté à tout ce qui était changeant : l’enfance, l’amour, la chance, le jeu, le hasard, l’argent.
Ce n’est qu’à l’époque romantique qu’il est définitivement devenu la couleur de la nature, puis celle de la santé, de l’hygiène et enfin de l’écologie. Aujourd’hui, l’Occident lui confie l’impossible mission de sauver la planète. Dans ce livre, Michel Pastoureau retrace la longue histoire sociale, artistique et symbolique du vert dans les sociétés européennes, de la Grèce antique jusqu’à nos jours.
Editeur : Points, Collection Histoire
Nombre de pages : 267
Prix : 8,80€
Date de publication : 18 Mai 2017
Mon Avis :
Comme vous le savez, le confinement a provoqué en moi une gigantesque panne de lecture. Il m’a fallu six semaines avant de pouvoir la surmonter et apparemment, ce serait assez courant en temps de crise (je vous invite d’ailleurs à découvrir cet article très intéressant sur ce sujet).
Alors pour me remettre en selle, rien de mieux que de recourir au talent d’un de mes historiens préférés, spécialiste en Histoire culturelle et symbolique : Michel Pastoureau! Ce nom vous évoque peut-être quelque chose car il est connu pour avoir travailler sur les couleurs. J’avais déjà chroniqué celui sur le bleu, son ouvrage sur le vert est tout aussi excellent!
Ce qu’il y a de fascinant avec Michel Pastoureau, ce sont ses ouvrages qui s’adressent autant aux lecteurs néophytes en Histoire qu’à ceux déjà confirmés. Très bien écrits et rigoureux d’un point de vue scientifique, ils sont également très agréables à lire, faciles d’accès et sont de véritables outils de vulgarisation. C’est pourquoi, même si vous n’avez pas de connaissances spécifiques en Histoire, je vous invite à les découvrir. Dans cet ouvrage dédié au vert, il reprend peu ou prou la même structure que celui sur le bleu avec une introduction (expliquant sa démarche mais aussi les difficultés rencontrées) et un plan chronologique en cinq parties.
Il est impossible de projeter telles quelles dans le passé, sans précaution aucune, nos définitions, nos classifications, et nos conceptions actuelles de la couleur. Ce n’étaient pas celles des sociétés qui nous ont précédés (et ce ne seront pas celles des sociétés qui vont nous suivre). (…) nos connaissances, nos sensibilités, nos « vérités » d’aujourd’hui n’étaient pas celles d’hier et ne seront plus celles de demain. (P. 13)
Une couleur incertaine : des origines à l’an Mil
Jusqu’au Moyen Age, le vert (comme le bleu d’ailleurs) se fait très discret dans les sociétés anciennes européennes ; il est en effet supplanté par les couleurs noir, blanc et rouge.
– Les Grecs ont par exemple des difficultés à nommer le bleu ou le vert : le mot kyaneos (qui a donné cyan) est flou et désigne une couleur sombre allant du brun au noir en passant par le bleu foncé. Il en est de même pour le mot glaukos qui signifie délavé ou faible et peut désigner une couleur allant du jaune, au gris ou au vert.
– Les Romains quant à eux n’ont aucune difficulté à le nommer viridis et est à l’origine de tout un champ lexical qui désigne la vie et la vigueur (virere : être vert, être vigoureux ou vir : un homme). Toutefois, le vert est très peu présent dans la vie quotidienne car tout comme le bleu, il serait l’apanage des Germains donc des Barbares.
Une couleur courtoise : XIème-XIVème siècle
A partir du XIème siècle, le vert prend une nouvelle dimension :
– Il fait partie d’une des quatre couleurs des éléments fondamentaux : blanc pour l’air, noir pour la terre, rouge pour le feu et vert pour l’eau.
– Il est en étroite corrélation avec le verger (dont l’étymologie vient de viridis) : cette tradition de célébrer les vertus de la campagne n’est pas nouvelle et existait déjà à l’époque romaine (Virgile) mais connaît un regain d’intérêt aux tournants du XII-XIIIème siècle. Le verger est un lieu de plaisir et de détente (la couleur verte apaise), il est l’incarnation de l’Eden dont Adam et Ève ont été chassés après avoir mangé le fruit défendu de la connaissance.
– Fortement associé à la saison du printemps (ver en latin), il symbolise également la jeunesse et l’amour courtois mais aussi l’inconstance et la frivolité. Cette couleur se retrouve alors dans les romans de chevalerie du XIIème-XIIIème siècle et prend une nouvelle dimension. Elle désigne un chevalier jeune au comportement audacieux qui bouscule l’ordre établi comme Tristan.
Une couleur dangereuse : XIVème-XVIème siècle
A partir de la fin du Moyen Age, la couleur verte commence à se dévaluer, à cela deux raisons principales :
– en teinturerie comme en peinture, il s’agit d’une couleur très difficile à fixer : le vert sur les vêtements pouvait être obtenu grâce aux colorants végétaux (fougère, ortie, plantain, etc…) mais il se décolorait facilement. Quand au mélange du bleu et du jaune, s’il était connu, la règlementation interdisait à un teinturier d’avoir des cuves de ces deux couleurs dans son atelier. À cause de ses difficultés, le vert est alors associée à tout ce qui est changeant comme le destin, la fortune ou l’amour.
– pire encore, le vert est une couleur qui peut s’avérer dangereuse à cause de l’emploi du verdet (ou acétate de cuivre) dans la teinture, un véritable poison. Il est alors associé au Diable ou à un bestiaire malfaisant de sirènes, dragons, aspics souvent représentés en vert et/ou en jaune.
Une couleur secondaire : XVIème-XIXème siècle
La dévalorisation du vert se poursuit à l’époque moderne notamment à cause de :
– la rigueur protestante : les Réformés préfèrent les couleurs sobres telles que le noir, le blanc ou le gris et s’opposent aux couleurs vives comme le rouge associé aux Papistes et aux catholiques. Le vert est mis dans la même catégorie et devient inconvenant.
– les travaux de Newton au XVIIème siècle sur la dispersion de la lumière blanche et le spectre en font une couleur secondaire avec le violet et l’orange par opposition aux couleurs primaires comme le rouge, le bleu et le jaune.
Une couleur apaisante : XIXème-XXIème siècle
A partir du XIXème siècle, le vert revêt de nouveau une symbolique positive. L’Europe devenue industrielle et citadine étouffe et a besoin de verdure. Parallèlement au développement des parcs et des espaces verts en milieu urbain, on attribue désormais au vert les vertus de l’hygiène et de la santé.
– Cette couleur devient alors celle de la médecine et des pharmacies (d’où la présence de croix vertes sur les devantures).
– Mais également celle du sport : bon nombre de sol de gymnase sont de couleur verte.
– Enfin, le vert est aujourd’hui associé fortement à l’écologie que ce soit les associations comme Greenpeace ou les partis politiques comme les Verts en France ou I Verdi en Italie. Elle devient la couleur de l’agriculture biologique et des préoccupations environnementales. Certaines entreprises soucieuses de leur image n’hésitent plus désormais à l’utiliser comme argument marketing.
En conclusion, même si vous n’êtes pas férus d’Histoire, je vous invite à lire les Histoires des couleurs de Michel Pastoureau : bleu, noir, vert, rouge, jaune (et peut-être blanc pour le dernier?). Ces ouvrages facilement trouvables en livre de poche (excepté pour le jaune qui vient de sortir en grand format) sont des concentrés de connaissances abordables et de culture pour tous mais également passionnants. Après avoir lu le bleu puis le vert, un prochain article sur le noir vous attend bientôt!
Histoire symbolique de l’Occident (Avis à venir)
Bestiaire du Moyen Age (Avis à venir)
Content de lire ton avis. Je n’arriverai jamais à lire un tel livre. Mon intérêt pour l’Histoire s’appuie sur des récits, des gens. L’histoire symbolique ne m’attire pas vraiment.
Vraiment ? Le fait que Newton ait découvert le spectre de la lumière et que l’on qualifie le vert de secondaire (pure convention) a eu un tel impact sur la considération de cette couleur ? De nos jours on s’en fiche carrément je pense.
Je suis quand même déçu, Pastoureau ne parle ni de Green Lantern ni de Green Arrow :)))
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Dans ce cas, je te conseille la lecture du Marchand qui voulait gouverner Florence d’Alessandro Barbero. Tu seras servi par celui-ci. Justement, il prend des exemples de six personnages dans l’Histoire au Moyen Age et la Renaissance. Pour Green Lantern et Green Arrow, je pense que ce n’est pas trop la came de Michel Pastoureau comme tu as pu le voir dans la conclusion d’un de ses ouvrages!
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Âh je note. J’aime beaucoup Barbero dont j’ai lu avec plaisir « Le jour des barbares »
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Je vais peut-être le mettre dans ma WishList étant donné que le vert est ma couleur préférée.
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Super ! Tu verras, tu apprendras pleins de choses.
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C’est clair qu’entre les symboliques animalières et les couleurs, il nous fait voir le Moyen Âge (et l’Histoire en général) autrement.
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