Quatrième de couverture :
Le rouge est en Occident la première couleur que l’homme a maîtrisée : ainsi elle est longtemps restée la couleur » par excellence « , la plus riche du point de vue matériel, social, artistique, onirique et symbolique. Admiré des Grecs et des Romains dans l’Antiquité, le rouge prend une forte dimension religieuse au Moyen Age. Mais il est aussi, dans le monde profane, la couleur de l’amour, de la gloire et de la beauté, comme celle de l’orgueil, de la violence et de la luxure.
Au XVIe siècle, les morales protestantes partent en guerre contre le rouge, couleur indécente et immorale, liée aux vanités du monde. Dès lors, partout en Europe, rouge est en recul. Toutefois, à partir de la Révolution française et ce jusqu’à nos jours, le rouge devient politique : c’est la couleur des forces progressistes ou subversives.
Editeur : Points Histoire
Nombre de pages : 251
Prix : 8,30€
Date de publication : 6 Juin 2019
Mon Avis :
Je termine mes lectures des ouvrages sur l’Histoire de la couleur de Michel Pastoureau avec celui consacré au rouge. Parmi tous ceux publiés par l’auteur, il me reste encore à découvrir celui sur le jaune mais je vais attendre sa sortie poche pour l’acquérir. Et pour ma part, je souhaiterais faire une petite pause également car si ces ouvrages sont absolument passionnants, ils sont également redondants lorsqu’on les lit les uns à la suite de l’autre.
Rouge, Histoire d’une couleur est construit de la même manière que les autres ouvrages avec une introduction présentant les difficultés inhérentes à cette étude monographique (qui n’en est pas vraiment une finalement car les digressions vers les autres couleurs sont obligatoires) et un plan chronologique en quatre parties cette fois (et non en cinq). L’ouvrage est également plus court car étant le quatrième publié, l’auteur essaye de ne pas faire trop de redites (juste un court résumé) et renvoye systématiquement aux autres livres. Le style d’écriture est toujours aussi fluide et Michel Pastoureau a l’art de rendre intelligible son discours scientifique au plus grand nombre. Bref, un vrai plaisir de lecture encore une fois!
La couleur première : Des origines à la fin de l’Antiquité
Le Rouge avec le blanc et le noir fait partie des couleurs les plus importantes pendant cette période.
– Au Paléolithique, le rouge est la couleur la plus utilisée dans la peinture pariétale et celle qui a été maîtrisée en premier. Les premiers pigments utilisés sont à base d’hématite, un minerai de fer très répandu ou d’ocre jaune cuite. Le rouge est également très présent dans les tombes que ce soit par la présence de pierres, pâte de verre, récipients, bijoux ou pétales de fleur, : il aurait alors une fonction protecteur vis à vis du défunt.
– En Egypte antique, c’est le cinabre (sulfure naturel de mercure) qui est utilisé dans la peinture : il coûte cher et peut s’avérer dangereux. Pour la teinture des vêtements, ils emploient des pigments d’origine végétale (garance) ou animale (kermès, pourpre). Le rouge est plus souvent négatif car associé au dieu Seth qui incarne les forces du mal.
– En Grèce ou à Rome, le rouge est partout sur les monuments, la statuaire ou les objets du quotidien (céramique de cuisine, tuiles et briques des bâtiments, certains vêtements, etc…). Il est l’incarnation de la couleur par excellence. Il symbolise également la force, la vigueur ou la puissance, rien d’étonnant à ce qu’il devienne la couleur du pouvoir impérial avec la fameuse pourpre romaine.
La couleur préférée : VIème-XIVème siècle
Cette prédominance du rouge se poursuit dans les siècles suivants jusqu’à ce qu’il se fasse concurrencer par une autre couleur, le bleu.
– Dans la Bible, la couleur rouge est antinomique : elle peut à la fois incarner les flammes de l’Enfer et le Diable mais aussi le sang du Christ versé en sacrifice pour sauver les Hommes (ce sang sera d’ailleurs symbolisé plus tard par du vin rouge lors de la transsubstantiation pendant l’office religieux).
– Héritier de la pourpre impériale romaine, le rouge incarne toujours le pouvoir pendant cette période : le pape et les cardinaux le portent (du moins, avant que le chef de l’Eglise ne choisisse définitivement le blanc à partir de la fin du Moyen Age) mais aussi les souverains d’Europe comme les Rois d’Angleterre ou les empereurs du Saint Empire Germanique. Seul les Rois de France feront exception à partir du XIIème siècle et puisqu’à partir de Philippe Auguste, ils adopteront le fameux manteau bleu à fleur de lys.
– Enfin, il s’agit de la couleur préférée des nobles : elle est utilisée majoritairement dans leurs blasons (60%) mais aussi dans leurs vêtements. Or la teinture par l’emploi du kermès est onéreuse et fera l’objet de règlementation à la fin du Moyen Age en Italie par la promulgation des lois somptuaires. Ces dernières consistent à interdire le port de cette couleur aux milieux bourgeois afin de leur éviter des dépenses trop dispendieuses et leur ruine. En réaction, ces derniers vont alors se tourner vers le noir.
Une couleur contestée : XIVème-XVIIème siècle
À partir de la fin du Moyen Age, le rouge amorce son déclin car il est concurrencé par deux autres couleurs le bleu et le noir.
– Avec le développement de nouveaux courants religieux notamment le protestantisme, la couleur rouge est décriée : elle est la couleur de la papauté mais aussi de la luxure ou de l’orgueil. On lui préfère alors le bleu ou le noir qui incarnent davantage les concepts de modestie, simplicité, autorité et ordre morale. A partir du XVIIème siècle, ces couleurs seront en vogue en Europe que ce soit dans le port de vêtements ou dans le milieu artistique.
– Enfin, les travaux de Newton au XVIIème siècle sur la dispersion de la lumière blanche et le spectre apportent une nouvelle classification des couleurs. Si le rouge était central auparavant et bien qu’il reste une couleur primaire, il se retrouve à la marge du spectre (violet, bleu, vert, jaune, orange et rouge).
Une couleur dangereuse? XVIIIème-XXIème siècle
Au XVIIIème siècle, le rouge est non seulement concurrencé par le bleu mais aussi par une nouvelle couleur qui devient à la mode, le rose. Il ne refera son retour en scène qu’à partir de la fin du siècle et au début du XIXème siècle de manière plus violente :
– A partir des Révolutions de la fin du XVIIIème siècle, le rouge devient politique et incarne la révolte du peuple que ce soit par l’intermédiaire du bonnet rouge des révolutionnaires (le bonnet phrygien) ou le drapeau français. Ce symbole des luttes sociales va même devenir la norme aux XIXème-XXème siècle puisque d’autres courants politiques de gauche (extrême-gauche, communisme et socialisme) vont l’utiliser au point qu’à une certaine période, dire préférer cette couleur est presque considéré comme un engagement politique (un peu comme le vert aujourd’hui avec le mouvement écologiste).
– Avec le développement du réseau routier, le rouge devient également la couleur du danger, de l’obligation et de l’interdiction que ce soit par l’emploi des feux hérités de la signalisation maritime puis ferroviaire ou des panneaux du code de la route.
En conclusion, j’ai adoré lire les trois ouvrages de Michel Pastoureau consacrés au noir, vert et rouge. Cela m’a permis de me remettre en selle après six semaines d’abstinence en lecture mais aussi d’acquérir des connaissances. Comme je l’ai dit en introduction, je vais laisser de côté l’histoire des couleurs pour le moment mais je pense revenir très vite vers cet auteur notamment en lisant Les secrets de la licorne.
Autres ouvrages de l’auteur :
Histoire symbolique de l’Occident (Avis à venir)
Bestiaire du Moyen Age (Avis à venir)
Très intéressant résumé, Aelinel. Merci
Quand tu dis que les Grecs de l’Antiquité l’employait dans la statuaire et sur les monuments, il faut comprendre que notre vision « marbre blanc » véhiculée de nos jours est trompée par l’érosion du temps?
Je trouve aussi amusant le paradoxe entre le rouge, couleur populairement chaude, associée à des émotions fortes, et le rouge du point de vue de la physique du rayonnement qui est la plus froide de l’arc en ciel (un corps noir qui émet un max de rouge est plus froid qu’un corps noir qui émet dans les autres couleurs)
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Et oui, le marbre blanc est un mirage! Les monuments ainsi que la statuaire étaient très colorées. Je te conseille un article très intéressant sur le sujet : https://www.franceculture.fr/histoire/non-les-statues-grecques-netaient-pas-blanches
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