Les nouvelles heures de Pompéi de Massimo Osanna

Quatrième de couverture : 

Le 25 octobre 79 pourrait être la nouvelle date officielle de l’éruption du Vésuve – et non le 24 août comme on le supposa fort longtemps – à l’automne plutôt qu’à l’été, quand la lumière décline et que les récoltes sont terminées. C’est l’une des nombreuses découvertes des fouilles entreprises depuis 2018 par Massimo Osanna, le directeur du site archéologique de Pompéi. Car on pensait tout savoir ou presque sur Pompéi, dont la visite offre littéralement un voyage dans le temps, sans imaginer qu’on pouvait encore y découvrir des trésors.
Les premiers résultats furent au-delà des espérances, comme en témoignent les demeures magnifiques aux fresques soignées – la maison d’Orion avec ses énigmatiques mosaïques, les inscriptions de la maison du Jardin, ou l’oeuvre évocatrice de Léda et le cygne. Grâce aux récentes technologies, on en sait beaucoup plus sur la vie quotidienne, les rituels et les fêtes. C’est cette nouvelle histoire de Pompéi que Massimo Osanna a entrepris de raconter dans un récit qui montre à la fois le travail opéré sur un chantier de fouilles et ses riches enseignements à qui sait les décrypter.
Dans les pas du chercheur, le lecteur se faufile partout : dans les maisons aux alcôves équivoques, dans les tavernes des gladiateurs, dans les rues abandonnées brutalement sous le déluge de cendres ardentes, tuant sur le coup les Pompéiens, désormais figés pour l’éternité dans leur course.

Editeur : Flammarion

Nombre de pages : 391

Prix : 23.90€

Date de publication : 11 Mars 2020

Mon Avis : 

Si je dois être sincère, mes connaissances sur Pompéi datent un peu et il était plus que nécessaire de les remettre à jour depuis mon voyage en Campanie, en octobre 2012. La sortie récente de l’ouvrage du directeur du site archéologique de Pompéi depuis 2016, Massimo Osanna, était donc l’occasion de le faire puisqu’il revient sur la dernière campagne de fouilles et de sécurisation du site dans le cadre du Grand Projet Pompéi de 2012 à 2019. Surtout, la publication de son ouvrage coïncide également avec l’exposition sur Pompéi au Grand Palais à Paris et qui avait été repoussée en raison du confinement. Si vous avez envie de la voir, vous pouvez le faire encore jusqu’au 2 Novembre 2020.

L’effondrement de la Schola Armaturarum, la caserne des Gladiateurs en 2010 sur le site de Pompéi avait été très médiatisé et avait mis en avant la supposée incapacité de l’Italie à protéger son patrimoine. Le site de Pompéi déjà fragilisé par l’épreuve du temps, les intempéries, les tremblements de terre et les 4 millions de visiteurs chaque année avait été pointé du doigt en raison de sa mauvaise gestion, de la corruption, du manque de moyens financiers et des choix discutables à propos de sa mise en valeur. Le monde entier s’était ému car Pompéi, site inestimable pour l’Humanité, était en voie de disparition. Consciente de cette perte, l’Italie a alors répondu à un appel à projet européen et a obtenu 105 Millions d’euros dans le cadre du GPP (Grand Projet Pompéi).

Le Grand Projet Pompéi (2012-2019)

Pour avoir géré les dépenses et justifier des contrats européens lorsque je travaillais dans un laboratoire scientifique, je peux vous assurer que nous étions à des années-lumières du montant alloué au site de Pompéi! 105 Millions d’euros sur 7 ans, c’est énorme! Cela montre aussi à quel point l’Europe était déterminée à sauver le site en ne lésinant pas sur les moyens! Lorsque je me suis rendue à Pompéi en 2012, le GPP n’avait pas encore commencé et le constat était là : plusieurs maisons fermées (et plusieurs salles également au Musée archéologique de Naples) car il n’y avait pas assez de gardiens pour assurer la surveillance du site et la sécurité des touristes, des rues fermées en raison de murs effondrés, etc… Pourtant, le charme avait opéré car c’était la première fois que je m’y rendais. Et j’avais vu des fresques, des mosaïques, des objets de la vie quotidienne, des bâtiments que je n’avais jamais vus par ailleurs. J’étais sous le charme même si j’étais consciente déjà à l’époque que Pompéi était en danger.

Le Grand Projet Pompéi a donc offert un répit au site archéologique. Son but, sécuriser, restaurer et valoriser. Mais, c’est Massimo Osanna qui en parle le mieux :

« (…) le « grand projet » prévoyait, outre la sécurisation totale de la zone archéologique, la restauration d’ensemble de trente demeures et édifices (avec leur architecture, leurs mosaïques, leurs fresques, leurs stucs), choisis parmi les plus pertinents et les plus dégradés ; mais aussi la gestion du système hydrogéologique du site et la stabilisation des pentes de la zone non fouillée. Et une attention toute particulière était accordée aux questions d’archéologie publique, notamment à la satisfaction des usagers via l’élaboration de nouveaux parcours de visites (dont un pour les personnes handicapées) et la mise au point de systèmes de communication et de vulgarisation. » (p. 314)

Les nouvelles découvertes

De 2012 à 2019, le GPP a ainsi été l’occasion de nouvelles découvertes archéologiques non seulement car il a permis de recruter davantage de personnels (archéologues et architectes) mais aussi d’effectuer de nouvelles fouilles.

  • Depuis sa re-découverte au XVIIIème siècle, plusieurs zones de Pompéi restent encore non fouillées aujourd’hui notamment toute la partie nord-est¹ (Régions V, IV, IX et III). Or, la Région V menaçait de s’effondrer : c’est pourquoi, les archéologues et architectes ont envisagé de dégager plusieurs îlots pour ensuite construire un mur de soutènement. A cette occasion, ils ont découvert de nouvelles rues et des bâtiments (la rue aux Balcons, des villas comme la Maison d’Orion, la Maison au Jardin, la Maison de Léda ou des Thermopolia, sorte de petits commerces où l’on pouvait manger sur le pouce). Le nom donné aux villas provient des découvertes faites sur place : dans la maison de Léda par exemple, les archéologues ont découvert une magnifique fresque représentant Léda et le Cygne² ou dans la maison d’Orion, une mosaïque représentant la transformation du chasseur Orion en comète³.
1- Plan de Pompéi (Source)
2- Fresque de Léda et le Cygne (Source)
3- Mosaïque d’Orion (Source)
  • Déjà, en 2012, lors de ma visite à Pompéi, il existait une théorie selon laquelle la date d’éruption du 24 Août 79 après J.-C. donnée dans les écrits de Pline Le Jeune aurait été mal retranscrite au fil des siècles. En réalité, la présence de braseros, le fait que les victimes portaient des vêtements chauds ou la présence de certains arbres ou fruits laissaient à penser que la vie à Pompéi s’était arrêtée plutôt en automne. La date du 24 Octobre 79 avait donc été avancée mais aucune preuve tangible ne venait l’étayer. L’inscription au charbon découverte récemment sur un des murs de la Maison du Jardin vient appuyer cette théorie :

« XVI K NOV IN OLEARIA / PROMA SUMSERUNT »
« Seize jours avant les calendes de novembre, ils ont prélevé dans le cellier à huile… » (p. 105)

Bien que l’année ne soit pas mentionnée, cette inscription révèle la date du 17 octobre 79. Et le fait qu’elle ait été inscrite au charbon sur le mur indique également qu’elle était censée être éphémère et ne pouvait dater de l’année 78.

  • Enfin, les nouvelles découvertes archéologiques ont également appuyer le fait que la ville était en pleine restructuration. En 62 après J.-C., Pompéi a subi beaucoup de dégâts à cause d’un violent tremblement de terre. Beaucoup de bâtiments ont été endommagés et cela a provoqué une crise immobilière. Certaines villas ont changé de main entre 62 et 79 et ont été rachetées à bas coût. De nouveaux riches ont alors effectué des travaux de rénovation dans leur maison. Par exemple, dans la Maison d’Orion, si certaines décorations datant du Ier siècle avant J.-C. ont été gardées par le propriétaire pour montrer au visiteur que la maison était ancienne, d’autres travaux ont remis certaines pièces au goût du jour. Ainsi, la mosaïque d’Orion a recouvert un ancien pavement dont la jonction était cachée par une latte de plancher disparue dans l’éruption. Aujourd’hui, on peut donc encore apercevoir à cet endroit l’ancien pavement.

Les nouvelles heures de Pompéi, un ouvrage qui peut s’avérer ardu pour certains

Si l’ouvrage de Massimo Osanna est absolument passionnant et a permis de combler mes lacunes, je ne le recommanderais pas à un lecteur néophyte. En effet, bien que Les nouvelles heures de Pompéi soit un ouvrage de vulgarisation sur les résultats du GPP, il s’adresse avant tout à un public initié qui soit a reçu une formation en Histoire/Histoire de l’Art ou Archéologie, soit à un autodidacte qui possède un bagage certain en Histoire Romaine. Si vous ne possédez pas les bases, vous risquez d’être perdu. Dans ce cas, je vous conseille le visionnage d’un documentaire éponyme diffusé sur France 5.

De plus, l’ouvrage de Massimo Osanna peut dérouter aussi par sa logique. Je pense qu’il aurait été nécessaire de parler par exemple du GPP en introduction et non le mettre en Annexes comme cela a été fait.

En conclusion, Les nouvelles heures de Pompéi est un ouvrage passionnant qui permet de faire le point sur les fouilles et les travaux effectués depuis 2012 dans le cadre du Grand Projet Pompéi. A la longueur de mon article, vous aurez probablement compris que j’ai trouvé beaucoup d’intérêt à cette lecture et encore, il y avait tant de choses à dire que j’ai dû faire des choix. Si vous êtes familier de la période et de la civilisation romaine, je vous en conseille bien évidemment la lecture. En revanche, si vous êtes un débutant, vous risquez peut-être d’être perdu voire dérouté par la logique des articles de l’auteur. Préférez donc le visionnage du documentaire éponyme diffusé sur France 5 ou si vous en avez l’occasion, allez visiter l’exposition au Grand Palais à Paris, ouverte jusqu’au 2 novembre 2020.

3 réflexions sur “Les nouvelles heures de Pompéi de Massimo Osanna

  1. Merci pour ta chronique très instructive. Je reste également très marquée par ma visite là-bas et suis heureuse de voir que la préservation de ce magnifique patrimoine est désormais mieux assurée 🙂

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