Vers les étoiles (Tome 1) de Mary Robinette Kowal

Quatrième de couverture : 

1952. Une météorite s’écrase au large de Washington, dévastant une grande partie de la côte Est des Etats-Unis et tuant la plupart des habitants dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres. Par chance, Elma York et son mari, Nathaniel, en congé dans les Poconos, échappent au cataclysme et parviennent à rejoindre une base militaire. Elma, génie mathématique et pilote pendant la Seconde Guerre mondiale, et Nathaniel, ingénieur spatial, tentent de convaincre les militaires que la météorite n’a pu être dirigée par les Russes.
Mais, ce faisant, ils découvrent que la catastrophe va dérégler le climat de manière irréversible et entraîner, à terme, l’extinction de l’humanité. Seule issue : l’espace. Une coalition internationale lance un programme spatial de grande envergure… inaccessible aux femmes. Elma compte pourtant bien y prendre part et devenir la première Lady Astronaute.

Editeur : Denoël

Nombre de pages : 546

Prix : 24,00€

Date de publication : 7 Octobre 2020

Mon Avis : 

Il y a quelques temps, Apophis et le Lutin m’avaient convaincue de lire en anglais la nouvelle The Lady Astronaute of Mars et disponible gratuitement sur la plateforme Tor.com. J’avais beaucoup aimé car l’autrice en très peu de pages (une vingtaine) avait réussi à instaurer un véritable univers et un personnage très fort, celui d’Elma York. Aussi, quand Babélio et les éditions Denoël que je remercie au passage, ont proposé le roman Vers les étoiles dans le cadre de la Masse Critique, je n’ai pas hésité à le sélectionner. Et je suis plutôt contente de l’avoir remporté car cela a été une excellente lecture!

En 1952, Elma York et son mari Nathaniel roucoulent dans leur chalet perdu dans les Monts Poconos, en Pennsylvanie. C’est alors qu’une intense lumière les surprend et le jeune couple de scientifiques pense tout d’abord à une explosion nucléaire provoquée par les Russes. Mais, le tremblement de terre qui s’ensuit puis le souffle de l’explosion ne leur laisse aucun doute sur l’origine de la catastrophe : une météorite. Cette dernière s’est en effet abattue dans la mer, près de la côte Est des Etats-Unis. La catastrophe est sans précédent : Washington est complètement détruite ainsi que toutes les terres sur un rayon de plusieurs centaines de kilomètres. Le couple parvient à s’enfuir et rejoint une base militaire dans le centre du Pays. Leurs compétences (lui est ingénieur spatial et elle mathématicienne et pilote pendant la Seconde Guerre Mondiale) vont s’avérer précieuses car la météorite est en train de provoquer sur le long terme une véritable catastrophe : le réchauffement climatique généralisé provoquera la fin de l’Humanité. Seule solution : s’enfuir dans l’espace.

Une uchronie…

A vrai dire, le point de divergence ne débute pas exactement en 1952 mais un peu avant, en 1948. En effet, ce sera Thomas Dewey qui sera élu Président des Etats-Unis et non Harry S. Truman. Mais, cet évènement aura finalement peu d’impact dans le récit car Dewey va mourir lors de la chute de la météorite alors qu’il résidait à Washington. Il sera remplacé par Brannan.

En revanche, la météorite va avoir beaucoup plus d’impacts sur le cours de notre Histoire :

  • La côte Est des Etats-Unis est entièrement détruite sur plusieurs centaines de kilomètres et avec elle l’ensemble des villes côtières comme Washington ou New York. La nouvelle capitale sera donc établie à Kansas City plus au centre du pays.
  • L’impact de la météorite dans l’océan a eu plusieurs conséquences : des poussières et de la vapeur d’eau ont été rejetés en grande quantité dans l’atmosphère. Outre le fait que les étoiles ne sont plus visibles depuis la Terre, cela a provoqué à court terme une petite ère glaciaire puis le réchauffement de la planète qui rendra inhabitable la planète d’ici la fin du XXème siècle. Seule solution : l’espace. Le premier projet de l’Humanité sera d’établir une première colonie sur la Lune avant de viser Mars.
  • La Guerre Froide qui a opposé les Etats-Unis à l’URSS entre 1949 et 1991 sera finalement écourtée et la Guerre des Étoiles n’aura pas lieu. Le programme spatial ne sera plus le seul fait des Américains et des Russes mais sera le fruit d’une coopération internationale grâce à la création de l’IAC (Coalition Aérospatiale Internationale). Cette dernière ne s’établira pas en Floride puisqu’elle a été détruite mais dans l’Etat du Kansas et cela aura pour conséquence de faire accélérer le programme spatial. Le premier Homme dans l’espace ne sera donc pas Youri Gagarine en 1961 mais Parker en 1956. Et le premier voyage vers la lune n’aura pas lieu en 1969 mais en 1958.

… inclusive…

Dans ce nouveau contexte, les mentalités vont également évoluer plus rapidement : 

  • Le paternalisme et le sexisme : Elma York va subir beaucoup de discriminations liées à son sexe. La trentenaire juive titulaire de deux Doctorats en Physique et en Mathématiques et pilote pendant la Seconde Guerre Mondiale se verra attribuer un simple poste de calculatrice tandis que son mari Nathaniel a été promu Ingénieur en Chef de l’IAC. Sa parole sera également discréditée lorsqu’il sera question de sa théorie sur le réchauffement climatique et sans le soutien de son mari, elle n’aurait pas été entendue. Enfin, elle se verra refuser pendant de nombreuses années son entrée dans le corps des Astronautes : le motif invoqué est que les femmes sont beaucoup plus émotives que les hommes et ne seraient pas capables de se maîtriser lors d’un vol spatial… Attention SPOILERS : Lorsqu’enfin, les candidatures pour participer au programme spatial sont ouvertes aux femmes, leur beauté et leur aspect physique sont mis en avant et non leur compétence… Toutefois, ce programme spatial fera avancer la cause des femmes car Elma York ira dans l’espace en 1958 (alors que dans notre Histoire, c’est Valentina Terechkova, en 1963).

Lors d’une interview opposant les journalistes et les femmes participantes au programme spatial : 

« Pourquoi voulez-vous battre les hommes dans la course à la Lune? »
Nicole s’est penchée vers le microphone. 
« Je ne veux pas battre les hommes pour la Lune. Je veux y aller pour les mêmes raisons qu’eux. Les femmes peuvent être utiles, dans l’espace. Nous ne sommes pas en compétition pour battre qui que ce soit, dans quel contexte que ce soit. »
(…)
 « Qu’allez-vous cuisiner dans l’espace?
– De la Science. » Le mot est sorti de ma bouche avant que j’y pense, et la salle m’a récompensée d’un éclat de rire. « Accompagnée d’un menu très sain, à base de kérosène et d’oxygène liquide. »
Betty s’est penchée au-dessus du micro. 
 « Et sans gravité. J’ai hâte de faire des soufflés qui ne se dégonfleront pas. »
(…)
« Et votre régime beauté, dans l’espace? Aurez-vous le droit d’utiliser votre bombe de laque? »
Sabiha a secoué la tête. 
« Nous serons dans un environnement d’oxygène pur. Non, un spray, ce serait idiot. » (p. 437-438).

  • Le racisme : la société américaine des années 50 décrite dans le roman reste raciste. Je citerai deux exemples : après la chute de la météorite, la population noire survivante n’est pas évacuée de la zone touchée, seule la population blanche l’a été en priorité. Et les femmes noires ont toutes été écartées du programme spatial ce qui est dénoncé par le Pasteur Martin Luther King, en 1958. Toutefois, la Ségrégation ne va pas prendre autant d’ampleur que dans notre Histoire puisque par exemple la troisième vague du mouvement du Ku Klux Klan ne verra pas le jour. Et l’IAC intègre à son programme différentes nationalités, notamment des femmes d’origine turque, mexicaine ou brésilienne.

… Et de qualité.

Si j’avais un seul reproche à faire à ce roman serait la présence de quelques longueurs. En effet, il possède plus de 500 pages et je pense que certains passages auraient pu être écourtés. J’avoue avoir eu un petit passage à vide au milieu du roman.
Toutefois, il faut reconnaître que l’écriture est de qualité et surtout, le récit est extrêmement bien documenté.

  • En effet, dans les remerciements, l’autrice dit avoir consulté de nombreux spécialistes pour rendre les parties plus techniques crédibles que ce soit en mathématiques, en histoire de l’aviation, au niveau du jargon des pilotes ou de la NASA, en médecine, en Histoire et en langue.
  • Elle s’est également inspirée de véritables personnages historiques ou de situations s’étant réellement produites. Dans sa postface « Note historique », elle indique ainsi qu’elle a fait référence à Jackie Cohran qui a crée les WASP (Women Airforce Service Pilots) pendant la Seconde Guerre Mondiale et fondé l’aéroclub 99s présents dans le roman ou aux fameuses calculatrices sans qui le programme spatial n’aurait pas vu le jour. Et à ce titre, je vous recommande l’excellent film Les figures de l’ombre, adaptation éponyme du roman de Margot Lee Shetterly.

En conclusion, Vers les étoiles a remporté de nombreux prix littéraires (Prix Locus, Prix Sidewise, Prix Nebula et Prix Hugo) et pour ma part, je trouve cela entièrement mérité. Cette uchronie, premier tome d’une série intitulée Lady Astronaut, brille par son univers très développé, par son parti pris (il dénonce le sexisme et le racisme de la société américaine) et sa qualité d’écriture qui se veut fluide et bien documentée. Sans nul doute, je lirai le recueil de nouvelles, Lady Astronaut dans laquelle se trouve The Lady Astronaut of Mars traduite en français et je poursuivrai ma découverte de la série avec le second tome, The Fated Sky qui j’espère sera bientôt publié.

Autres avis : 

Albédo

Apophis (en VO)

Célinedanae

Chut Maman lit

Le Dragon Galactique

L’épaule d’Orion (en VO)

Ombrebones

Xapur

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