Reconquérants de Johan Héliot

Quatrième de couverture : 

Et si des colons romains avaient découvert les Amériques ? Et si, ayant perdu tout contact avec l’Europe, leurs descendants avaient bâti un nouvel empire appelé Libertas ? Et si, quinze siècles plus tard, sous les ordres d’un consul ambitieux, le jeune Geron était enrôlé dans les troupes destinées à reconquérir leur terre originelle ? Entre aventures palpitantes et carnet de voyage, l’auteur nous plonge au coeur d’une expédition de guerre et d’explorations d’un vieux continent métamorphosé.
Geron découvrira des innombrables secrets et croisera des hydres géantes, des sylphes des canopées, ainsi que des créatures légendaires peuplant les ruines d’une Rome antédiluvienne.

Editeur : Mnémos – Collection Hélios

Nombre de pages : 315

Prix : 9,90€

Date de publication : 15 Février 2018

Mon Avis : 

C’était à l’occasion des Imaginales 2019 que j’avais fait la connaissance de Johan Héliot lors d’une petite conférence consacrée à la relation entre l’Histoire romaine et la Fantasy. Il avait alors parlé de Reconquérants et le résumé qu’il en avait fait m’avait tout de suite plu. Pensez donc un roman uchronique qui mélangerait Histoire Romaine et Histoire de la Renaissance Italienne, il y avait de quoi me séduire! Surtout, j’avais eu un immense coup de coeur pour sa précédente trilogie qui se déroulait au XVIIème siècle, j’étais donc plutôt  motivée pour débuter Reconquérants. Malheureusement, ma lecture a été décevante. 

En 44 avant J.-C., quelques familles de rang sénatorial fomentent un complot pour assassiner Jules César et ainsi sauver la République romaine moribonde. Ils lui tendent un piège à la curie de Pompée et l’assassinent de plusieurs coups de couteaux. Mais ce qu’ils pensaient être un geste héroïque va vite se retourner contre eux et ils doivent quitter précipitamment la ville de Rome. Conduits par Lucius Nilghy, ils s’embarquent avec toute leur famille pour se réfugier en Afrique. Mais leur destination ne sera pas celle prévue. En effet, les bateaux se perdent et ils se retrouvent après des semaines d’errance sur une terre inconnue.
Mille cinq cent ans plus tard, les descendants des sénateurs et de Lucius Nilghy ont construit une grande civilisation sur le continent Terra publica connu chez nous comme l’Amérique du Sud. Ils ont maintenu la République Romaine et ont asservi les indigènes. Surtout, le Sénat a un grand projet, celui de la Reconquête. Il enrôle alors des jeunes gens citoyens romains pour servir dans les Légions commandées par le Tribun Cneus Salveris. Leur mission : retourner sur le vieux continent et reconquérir les terres de leurs ancêtres.

Une uchronie intéressante à l’univers très développé…

L’idée de départ dans les deux premières parties est vraiment excellente : les Sénateurs qui ont participé à l’assassinat de Jules César craignent la vengeance de Marc Antoine et d’Octavien. Ils décident alors de fuir avec leur famille mais au lieu de se retrouver en Afrique, ils se retrouvent… en Amérique du Sud (qui ne sera « découvert » qu’à la Renaissance, au XVème siècle dans notre Histoire). Ce nouveau continent est « rebaptisé» (pardon pour l’anachronisme!) Terra publica et le mode de vie romain ainsi que les institutions sont retransposés à l’identique dans ce nouveau contexte :

  • La République Romaine est dirigée par un Sénat qui se trouve dans la province de Libertas, l’équivalente de la Nouvelle Rome. Elle se situe au bord de l’océan et a été la première terre colonisée et pacifiée de la nouvelle civilisation.
  • Le territoire de Terra Publica est divisée en provinces au sein du continent : certaine, plus au centre des Terres, ne sont pas encore pacifiées et connaissent encore des épisodes de rébellion de la part des indigènes. C’est le cas par exemple de la Synésie qui est dirigée par un proconsul au pouvoir militaire.
  • Les Romains ont gardé leur langue (le latin) et leur us et coutume (le clientélisme, le goût des auteurs classique et ancien, l’architecture, etc…).

Mille cinq cent ans plus tard, Terra publica connaît une certaine stabilité malgré quelques failles :

  • Les rebellions des indigènes : contrairement à ce qui se passait sur le vieux continent, les indigènes n’ont pas été « romanisés », c’est à dire assimilés et intégrés pleinement au mode de vie romain. 
  • L’Histoire a été instrumentalisée dans le but d’exacerber un sentiment patriotique. Ainsi, Lucius Nilghy devient le héros fondateur de Terra Publica. Et les mémoires des premiers colons ont été réécrits (seuls les Sénateurs ont accès au récit original). 

De plus, cet équilibre et cette stabilité de la République romaine a eu pour principal effet la Paix toute relative dans les provinces et le développement de la technologie. En effet, les Romains ont ainsi maîtrisé les éléments comme l’air ou l’eau ce qui permet à leur armée de se déplacer plus vite au moyen de ballons alimentés en gaz ou de navires de métal. Ces deux dispositifs vont donc leur permettre de traverser l’océan Atlantique pour se rendre dans l’ancien monde.

… qui vrille en roman de Science Fantasy…

La troisième partie raconte le voyage proprement dit des Romains et leur arrivée dans l’ancien monde. Et là, je ne m’attendais pas du tout au virage à 180° que le roman allait prendre!

  • Autant je savais que Johan Héliot pouvait faire preuve de récits très audacieux comme dans Grand Siècle en imaginant la chute d’une entité extraterrestre qui aurait eu des conséquences sur le développement technologique au XVIIème siècle! Et sincèrement, cela avait bien fonctionné pour cette trilogie.
  • Au contraire, dans Reconquérants, je m’attendais à un récit dans le genre de Civilizations de Laurent Binet (qu’il faut absolument que je lise d’ailleurs!) dans lequel les Romains se seraient effectivement confrontés aux Italiens de la Renaissance. Et bien, il n’en est rien et je vous avoue que j’ai eu beaucoup plus de mal à suivre ce revirement de situation et je n’ai pas du tout aimé la suite du roman.

Le bassin méditerranéen a lui aussi subi des modifications et n’a pas permis le développement normal du cours de son Histoire.

  • Une île située dans l’Océan Atlantique abrite un vortex géant créant des courants contraires et bloquent ainsi le passage vers d’autres continents. On imagine aisément que les grandes explorations futures comme celles de Christophe Colomb à la fin du XVème siècle ou de Vasco de Gama seront au XVIème siècle seront bloquées.
  • Les Humains ne survivent que dans des cités littorales au bord de la Méditerranée (Al Djaza’ir pour Alger au nord de l’Afrique, Massalia pour Marseille ou Genova pour Gènes, etc…). Le reste des territoires a été colonisé par les forêts dans lesquels cohabitent les Sylphes (sortes d’Elfes) et les Wari (des hommes-loups). Quant à la Mer Méditerranée, elle est peuplée de sorte de dragons qui cultivent une épice devenue vitale pour les Humains : elle leur permet de rester en bonne santé et de vivre plus longtemps.

… et possède un certain nombre de défauts

Malheureusement, le reste du récit dans les quatrième et cinquième parties m’est vraiment apparu comme farfelu, décousu, confus et surréaliste.

  • Bien que l’univers soit développé et que le récit soit également très dense, il possède un certain nombre de longueurs qui pour ma part, a nuit au rythme de ma lecture.
  • Certains personnages ont un traitement assez particulier : par exemple, l’un d’entre eux disparaît de l’intrigue sans que l’on sache ce qu’il est advenu de lui par la suite (Parmi les quatre jeunes légionnaires fraîchement enrôlés dans l’armée de la Reconquête dont on suit le récit, Omnis disparaît complètement avant le départ pour la Reconquête). Johan Héliot s’est également fait plaisir en faisant des petits clins d’œil à des personnages historiques (Erick le Rouge, Christophe Colomb, Léonard de Vinci ou Vasco de Gama) mais malheureusement, il n’explique pas vraiment pour quelles raisons ils cohabitent au milieu du XVème siècle alors que certains d’entre eux ont vécu plus tôt ou plus tard. 
  • Le récit possède quelques facilités scénaristiques : par exemple, les légionnaires Nileus et Uman restés à Al Djaza’ir, au nord de l’Afrique finissent par retrouver leur compagnon relativement facilement à Rome, en Italie. 

En conclusion, l’idée de départ était vraiment excellente! Johan Héliot a en effet transposé de manière ingénieuse et imaginative le mode de vie romain dans une nouvelle civilisation sur le continent sud-américain et a développé un univers dense et solide dans ses deux premières parties. Malheureusement, à partir de la troisième, j’avoue avoir été plutôt désarçonnée par le virage pris par le cours du récit. Je ne m’attendais pas du tout à une évolution de Reconquérants vers de la Science Fantasy et j’ai trouvé cela dommage, mais c’est juste une question de goût. Si le côté audacieux m’avait plutôt séduite dans Grand Siècle, pour ma part, il s’agit plutôt d’un défaut dans Reconquérants. J’avais le sentiment de lire un roman trop farfelu, surréaliste et confus. Cela ne m’empêchera pas toutefois de découvrir sa Trilogie de la Lune.

Autres avis : 

Le Bibliocosme (Boudicca)

Ombrebones

14 commentaires

  1. Comme toi ça a été une lecture mitigée alors que j’ai adoré Grand siècle de cet auteur ainsi que la trilogie de la lune et même un de ses jeunesses. On ne peut pas faire toujours mouche hélas 😦 merci pour le lien en tout cas ☺️

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  2. Hé bien ce livre ne passera pas par moi. J’aurais aimé un roman uchronique mais si on remplacé ça par des loup garou et des elfes, très peu pour moi.
    Une suggestion pour toi, sur une réécriture de l’Histoire de la conquête des Amériques: « La Rédemption de Christophe Colomb » d’Orson Scott Card

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