
Quatrième de couverture :
En 1972, R. Silverberg imagine des voyages organisés pour assister à la fin du monde. Dans un avenir proche, des jeunes couples friands de divertissements en tous genres sont réunis à l’occasion d’une soirée entre ami·es. Au centre des discussions, une distraction inédite tout juste expérimentée par la plupart d’entre eux : les agences de voyages temporels proposent une nouvelle destination. Il est désormais possible d’aller assister, à bord d’un vaisseau, à la fin du monde.
Tandis que les invité·es comparent, à l’aune de leur caractère spectaculaire, les paysages mortifères contemplés, de l’extérieur arrivent des nouvelles alarmantes (catastrophes naturelles, épidémies…) mais qu’ils semblent totalement ignorer. A l’heure où la notion d’effondrement fait florès tant dans l’industrie culturelle que dans les grands médias, Silverberg nous enjoint à nous arracher de notre position indolente de spectacteur·ices d’un effondrement qui ne relève plus de la fiction.
Un cri d´alerte !
Editeur : Le passager clandestin – Collection Dyschronique
Nombre de pages : 48
Prix : 5,00€ en format papier
Date de publication : 9 Juin 2020
Mon Avis :
J’ai découvert la collection Dyschronique du Passager clandestin grâce à la Blogosphère et notamment le Bibliocosme (Dionysos) et des Chroniques du Chroniqueur. Suite à leur chronique enthousiaste, j’ai décidé de franchir le pas et lire ce mois-ci les deux titres que j’avais achetés à savoir Destination fin du monde de Robert Silverberg et L’examen de Richard Matheson. Du premier auteur, j’avais déjà lu Le dernier chant d’Orphée et j’ai dans ma PAL Roma Aeterna. En ce qui concerne la nouvelle Destination fin du monde, j’ai beaucoup apprécié ce texte dont les idées résonnent encore aujourd’hui.
Nick et Jane forment un jeune couple issu de la classe moyenne américaine « bien comme il faut ». Il y a quelques jours, ils ont eu le privilège de faire un voyage dans un futur très lointain et d’admirer les derniers instants de la planète Terre juste avant sa fin. Ils ne douteront pas que le récit de ce nouveau concept de voyage fera son petit effet lors des soirées organisées par leurs amis Mike et Ruby…
Un joli travail d’édition
Avant de débuter ma chronique, je souhaite attirer l’attention sur le travail éditorial du Passager clandestin car j’ai beaucoup apprécié la présence d’annexes qui contextualisent et explicitent la nouvelle.
La nouvelle Destination fin du monde qui fait grosso modo une vingtaine de pages représente moins de la moitié de l’ouvrage.
- En effet, ce dernier est agrémenté d’un petit texte introductif de Robert Silverberg datant de Mars 2020 et qui fait le parallèle avec la situation sanitaire actuelle.
- Suivent après la nouvelle, une biographie de l’auteur listant ses publications et une explication du contexte des années 70 au moment où Robert Silverberg a écrit son texte (publié en 1972 aux Etats-Unis et en 1975 pour la première fois, en France).
- Enfin, la maison d’édition propose aussi une petite liste de lectures et de films pour le lecteur qui souhaiterait poursuivre dans la même veine que Destination fin du monde.
Destination fin du monde est révélatrice du contexte dans lequel elle a été écrite…
Le titre de la nouvelle possède deux significations :
- La première prise au sens propre fait référence au futur lointain qui verra s’éteindre la planète Terre. Lorsque les différents couples racontent leur expérience, on se rend compte que leurs récits sont tous différents (certains évoquent la fin de la vie avec la mort du crabe, dernier être vivant sur Terre, d’autres la montée des eaux qui va finir par submerger l’Everest, ou encore une ère glaciaire qui va recouvrir entièrement la planète ou enfin le Soleil qui deviendra une Géante Rouge et qui finira par englober la Terre) mais une constante demeure : l’absence des êtres humains.
- La seconde au sens figuré est la succession de crises dans les années 70 dont les principaux responsables sont les êtres humains. Robert Silverberg évoque ainsi les crises politique (les présidents sont assassinés au cours de leur mandat – référence à l’assassinat de John F. Kennedy en 1963), nucléaire (les essais nucléaires de Truman dans le désert du Mojave dans un contexte de Guerre Froide), environnementale (les tremblements de terre en Californie) et industriel (un virus s’est échappé d’un centre de recherche gouvernemental et a contaminé le Lac Michigan). Dans son introduction, Robert Silverberg fait également un parallèle entre son texte et la situation en 2020 notamment en ce qui concerne la pandémie. Mais, on pourrait également rajouter le réchauffement climatique, le terrorisme ou la montée de l’extrémisme politique.
… et se veut être également une critique acerbe de la société américaine des années 70.
Si l’on en revient à la nouvelle proprement dite, Robert Silverberg a su en quelques pages seulement faire une critique assez acerbe et corrosive de la société américaine des années 70, notamment sur deux aspects :
- La classe moyenne américaine en prend pour son grade et n’est pas dépeinte sous son meilleur jour! Sous le vernis très policé de ces couples « bien comme il faut » qui se réunissent chaque mois lors des fêtes organisées par Mike et Ruby, le lecteur se rend compte que si l’on gratte un peu, la réalité est moins reluisante! Les relations qui caractérisent les invités sont fondées sur l’orgueil (Nick et Jane se gaussent d’avoir pu voyager dans le futur et en mettre ainsi plein la vue aux autres invités), l’envie (suscitée par ceux qui écoutent le récit de Nick et de Jane), l’hypocrisie et la tromperie (Nick, après avoir essuyé un premier refus de la part de Paula, l’invite de nouveau à déjeuner la semaine d’après au motel pour tromper sa femme!). Pire que cela, tous ces couples continuent à vivre leur petite vie comme si de rien n’était alors même que les crises se succèdent dans l’Amérique dépeinte par l’auteur.
- La société de consommation est également dans le collimateur de Robert Silverberg. En effet, le voyage dans le temps vient d’être inventé mais le concept au lieu d’aider la population américaine à trouver refuge dans une autre époque pour fuir les différentes crises, est finalement vendu comme n’importe quel produit de consommation. Et cette source de profit fonctionne même très bien puisque plusieurs couples comme Nick et Jane ont payé pour y participer.
En conclusion, Destination fin du monde est un texte d’une vingtaine de pages seulement mais dans lequel Robert Silverberg a su faire passer plusieurs messages :
- La fin du monde n’est pas celle que l’on croit à savoir la destruction de notre Terre dans un futur lointain au cours de laquelle l’Humanité aura disparu depuis bien longtemps. Car finalement, ce sont les êtres humains qui vont risquent de provoquer leur propre fin au travers des différentes crises dépeintes par l’auteur dans son texte. Or, si le texte date des années 70, au vu du contexte de 2020, on peut aussi se demander s’il n’est pas encore terriblement d’actualité.
- Une critique acerbe de la société américaine (voire occidentale?) au travers de la classe moyenne qui ne pensent qu’à se divertir et à consommer plutôt que d’essayer de changer le monde dans lequel ils vivent. Là encore, on peut se demander si cette critique n’est pas encore d’actualité.
Bref, un texte qui fait réfléchir et que je recommande.
Cette nouvelle participe au #ProjetOmbre

Très belle chronique pour un texte qui a l’air bien plus dense qu’à première vue. Merci pour la découverte !
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Merci beaucoup ! Oui, c’est bon, j’ai bien rempli le formulaire. 😉
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Ah bah ça a l’air tout bonnement génial. Merci beaucoup pour cette critique qui me conforte dans mon envie de plonger dans ce titre et dans cette collection
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Avec grand plaisir !
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