Dune de Frank Herbert

Quatrième de couverture :

Il n’y a pas, dans tout l’Empire, de planète plus inhospitalière que Dune. Partout des sables à perte de vue. Une seule richesse : l’épice de longue vie, née du désert, et que tout l’univers convoite. Quand Leto Atréides reçoit Dune en fief, il flaire le piège. Il aura besoin des guerriers Fremen qui, réfugiés au fond du désert, se sont adaptés à une vie très dure en préservant leur liberté, leurs coutumes et leur foi.
Ils rêvent du prophète qui proclamera la guerre sainte et changera le cours de l’histoire. Cependant, les Révérendes Mères du Bene Gesserit poursuivent leur programme millénaire de sélection génétique : elles veulent créer un homme qui réunira tous les dons latents de l’espèce. Le Messie des Fremen est-il déjà né dans l’Empire ?

Editeur : Pocket

Nombre de pages : 895

Prix : 11,50€

Date de publication : 22 Novembre 2012

Mon Avis : 

Cela faisait très longtemps que je voulais lire ce classique de la Littérature SF. Et pour me motiver, j’avais prévu de m’y atteler quelques jours avant la sortie de la nouvelle adaptation cinématographique de Denis Villeneuve en décembre dernier pour bien l’avoir en tête. Malheureusement avec la situation sanitaire actuelle et la fermeture des cinémas, la sortie de Dune a été repoussée en octobre 2021. Bien que j’ai été déçue par cette annonce, j’ai tout de même poursuivi mon objectif littéraire et je ne regrette pas mon choix : j’ai adoré mon voyage sur la Planète Arrakis !

En l’an 10191, l’empereur Padishah Shaddam IV décide de confier la gestion d’Arrakis à son cousin Leto de la Maison des Atréïdes. Hautement stratégique, la planète surnommée aussi Dune a pour particularité d’être aride sans qu’aucune goutte d’eau ne tombe du ciel. Mais, elle est surtout le seul endroit de l’Empire où est exploitée la fameuse épice qui non seulement permet de rallonger la vie des Humains mais aussi de voyager à travers l’espace. Et la puissante Guilde qui gère les transports tient absolument à ce que cette exploitation se fasse sans accroc.
Lorsque le Duc Léto arrive sur Arrakis avec sa concubine Jessica, membre de la congrégation des Bene Gesserit et son fils Paul, il doit prendre la suite de ses ennemis jurés, la Maison des Harkonnen. Il se tient alors sur ses gardes et redoute une traîtrise de la part des anciens gestionnaires. Sa Maison est tout de même sous bonne garde car il en confie la protection à ses meilleurs hommes : le Mentat Thufir Hawat et ses maîtres d’armes, Duncan Idaho et Gurney Halleck. Malgré ses précautions, Paul est victime d’une tentative de meurtre sitôt arrivé dans leur résidence. Mais, le jeune garçon de quinze ans particulièrement bien entraîné par ses maître d’armes, en réchappe…

Dune, un roman complexe de Planet opera…

Divisée en trois parties (Dune, Muad’dib et le Prophète), ce roman de 800 pages m’a beaucoup impressionnée par la richesse de son univers et la complexité des différentes entités qui s’entrecroisent notamment :

  • politique divisée entre l’Imperium dirigée d’une main de fer par Padishah Shaddam IV et les Maisons aristocratiques du Landsraad dont sont issues les Atréïdes et les Harkonnen.
  • économique avec La Guilde qui gère le transport des marchandises et des personnes et le CHOM qui régit les échanges commerciaux interplanétaires.
  • militaire comme les Sardaukars qui représentent l’unité d’élite de l’Empereur ou les Mentats aux capacités intellectuelles très développées et qui servent de stratèges aux grandes Maisons (à l’image de Thufir Hawat pour les Atréïdes ou Piter de Vries pour les Harkonnen).
  • religieuse : les Bene Gesserit sont une congrégation féminine dont les membres développent des pouvoirs (notamment celui de la Voix) afin d’influer sur les émotions ou la volonté de leurs interlocuteurs.
  • et culturelle : au sein de l’Imperium, coexistent les planètes Caladan dont sont originaires les Atréïdes, Giedi Prime pour les Harkonnen et Arrakis sur laquelle vit aussi le mystérieux peuple des Fremen.

Malgré la complexité de l’univers et le nombre impressionnant de personnages, je n’ai pas eu besoin de me servir du dramatis personae et du lexique présents à la fin de mon édition. En effet, le style suffisamment fluide de l’auteur m’a accompagnée sans toutefois me noyer sous un flot d’informations. Un petit Troll me souffle à l’oreille d’ailleurs que la nouvelle traduction (à laquelle l’Epaule d’Orion a aussi participé) de Robert Laffont est encore meilleure et la sublime couverture dessinée par Aurélien Police me ferait bien craquer!

Pour en revenir au titre de cette partie, la majorité de l’intrigue se déroule sur Arrakis. Le lecteur découvre en même temps que les membres de la maison des Atréïdes les spécificités de cette planète aride : elle est surnommée « Dune » car elle est essentiellement composée de sable et de déserts entrecoupés parfois de massifs rocheux. Elle est particulièrement dangereuse pour les membres de l’Imperium pour plusieurs raisons :

  • Le manque d’eau car il ne pleut jamais sur la planète (mais j’aurais l’occasion d’y revenir plus bas).
  • L’exploitation de l’épice ne se fait pas non plus sans heurts. En effet, des gigantesques vers de sable surnommés Shai-Hulud menacent constamment la sécurité des exploitants. Et la cohabitation avec le peuple du désert, les Fremen est parfois délicate.
  • Enfin, l’épice est une drogue qui crée une forte accoutumance chez ses utilisateurs et rend leurs yeux complètement bleus.

… influencé par son époque…

Publié en 1965, Dune est représentatif de l’époque dans laquelle le roman a été écrit. On pourra ainsi décelé en toile de fond l’influence du contexte international de la Guerre Froide (1947-1991). Le roman fait ainsi plusieurs fois référence à des frappes nucléaires mais surtout la confrontation entre Harkonnen et Atréïdes fait référence au conflit qui a opposé les Soviétiques aux Américains :

  • D’un côté, la maison des Harkonnen est dirigée par le baron Vladimir (un nom à consonance russe!). Ce dernier est décrit comme un homme obèse qui a besoin de la technologie pour pouvoir se déplacer et est homosexuel (d’après ce que j’ai pu lire par ailleurs, il semblerait que Frank Herbert ait été homophobe). Vladimir et ses neveux Rabban et Feyd’Rautha apparaissent comme des êtres brutaux, agressifs, ambitieux et machiavéliques ayant recours à la supercherie et à la tricherie pour parvenir à leurs fins. Sur Arrakis, la maison se comporte en tyran et considère l’épice comme sienne. Elle n’hésite pas à opprimer le peuple par la force, voire à mener une campagne d’extermination à l’encontre des Fremen, allant même jusqu’à tuer des enfants.
  • De l’autre, la maison des Atréïdes est dirigée par le duc Léto (dont la concubine Jessica et le fils Paul portent des prénoms d’origine hébraïque mais aussi occidentaux!). L’homme est au contraire dépeint comme un être bon, généreux et courageux qui se soucie plus de la vie des hommes que de l’épice (on peut ainsi faire référence à l’épisode où il fait une excursion dans le désert et sacrifie une récolte d’épice pour sauver les exploitants de l’attaque d’un ver). On pourrait le qualifier de pater patriae (père de la patrie). Chez les Atréïdes, l’amour et la bienveillance régissent les relations entre les trois membres de la famille. Attention SPOILER : lorsque Leto sera tué par une attaque Harkonnen, Paul et Jessica s’enfuiront tous les deux dans le désert et l’amour qui les lie leur permettra de survivre.

Tout comme les Américains se considèrent comme le peuple élu, il n’y aura donc rien d’étonnant que Paul remplisse également cette fonction dans le roman :

  • Il est ainsi le Kwisatz Haderach : les Bene Gesserit ne transmettent leur art qu’aux filles. Jessica a donc enfreint la loi de sa congrégation en mettant au monde un fils pour complaire à son amour, le duc Leto. Selon une prophétie Bene Gesserit, un homme maîtrisera la Voix et aura des dons de prescience, c’est à dire le pouvoir de connaître le passé comme le futur. Paul acquerra ces dons grâce à l’épice.
  • Il est le Messie, le prophète ou le Muad’dib du peuple Fremen chargé de les guider. Grâce aux formations dispensés par les hommes de son père, Paul est un guerrier accompli qui va à son tour enseigner ses techniques de combat aux Fremen pour contrer les Harkonnen.

… mais dont certains thèmes sont encore d’actualité aujourd’hui.

Comme je l’ai dit plus haut, la planète Dune possède un climat sec aux fortes températures, elle est balayée par de violentes tempêtes de sable et son taux d’hydrométrie est quasi nul. Ses ressources en eau sont donc très limitées et sa gestion très stricte devient une nécessité pour le peuple Fremen :

  • Ainsi, ils réussissent à survivre dans le désert grâce au port d’une combinaison spéciale dénommée « distille ». Cette dernière récupère l’eau exsudée par le corps (sueur, urine, etc…) et la recycle entièrement pour que l’individu puisse la boire au moment où il en a besoin et ne pas se déshydrater.
  • L’eau est aussi une source de richesse que l’on acquiert à la mort d’un individu (soit en la volant, soit par héritage) ou que l’on stocke dans des bijoux et que l’on arbore.

A travers ce thème environnemental, l’auteur met donc son lecteur en garde contre le gaspillage de nos ressources naturelles.

Enfin, Dune possède des personnages féminins très forts qui jouent un véritable rôle dans l’intrigue :

  • Jessica, la concubine de Léto et la mère de Paul, n’est pas seulement une femme belle issue de la Noblesse. Elle possède une éducation (celle des Bene Gesserit qui lui vaudra plusieurs fois le surnom de « sorcière ») mais sait également se défendre physiquement grâce au krys, une sorte de poignard qu’elle cache sur elle. Son amour pour son fils lui permettra de le sauver plusieurs fois et elle jouera un rôle déterminant chez le peuple Fremen puisqu’elle deviendra leur Sayyadina ou Révérende Mère, une sorte de prêtresse.
  • Chani est une jeune femme Fremen chargée de la protection de Paul. Tous les deux finiront amants conformément aux visions du jeune homme et un fils, Leto naîtra de leur union. Attention SPOILER : Chani sauvera également la vie de Paul lorsque ce dernier aura bu l’eau de vie de l’Epice.

En conclusion, je suis vraiment contente d’avoir lu ce classique de la Science Fiction car j’avais le sentiment qu’un pan entier de la culture en Littératures de l’Imaginaire (au même titre que Star Wars ou le Seigneur des Anneaux d’ailleurs) m’échappait complètement! Et je dois dire que ce roman m’a littéralement transporté sur la planète Arrakis : bien que l’univers soit complexe mais très riche, je ne me suis aucunement perdue entre les nombreux personnages ou les différentes entités qui peuplent l’Imperium. Au contraire, j’ai été prise par le style fluide de l’auteur, son intrigue palpitante, ses personnages puissants et ses thématiques encore d’actualité d’aujourd’hui. Les trois prochaines étapes après la lecture de ce roman seront en toute logique : la suite avec Le messie de Dune (et conseillé par L’épaule d’Orion), la lecture de Dune de Roland Lehoucq dans la collection Parallaxe chez le Bélial et le film de Denis Villeneuve prévu (je l’espère!) pour la fin de l’année.

Autres avis :

Au pays des caves troll

L’épaule d’Orion

Le Dragon Galactique

Les chroniques du chroniqueur

Xapur

31 commentaires

  1. Comme toi, « Dune » manquait cruellement à ma culture SFFF, alors je l’ai entamé au début du mois mais je rame… J’ai péniblement dépassé la moitié et je ne suis pas certain d’arriver au bout. Il faut dire que je ne m’attendais pas à lire de la Fantasy « à l’ancienne », manichéenne, avec des ducs, des barons et des empereurs, et surtout un Élu de la Prophétie (argghhhh !). Jusqu’à présent il n’y a pas grand-chose qui m’ait accroché dans le roman (je n’adhère ni aux choix narratifs d’Herbert, ni à ses personnages)… hormis l’aspect écologique, et ce rapport à l’eau assez fascinant.
    Mais tant mieux pour toi si tu t’es régalée !

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    • Bonjour Olivier, je comprends tout à fait qu’on puisse ne pas apprécier Dune, comme tout autre livre par ailleurs, mais il me semble que les arguments que tu utilises relèvent de l’incompréhension du texte. Plutôt que d’essayer d’expliquer ici en quelques lignes pourquoi, je me permets, si Aelinel me l’autorise bien sûr, de te recommander la lecture de cet article dans lequel j’essaye d’expliquer en quoi Dune est un roman de science-fiction et en quoi il est pertinent. https://lepauledorion.com/2020/02/18/dune-science-fiction-ou-fantasy/
      Cordialement.

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      • Merci FeydRautha (je peux enfin comprendre la référence derrière ce pseudo !) pour ce lien très éclairant, j’ai lu ton article avec intérêt.
        J’ignorais que le débat « Dune : SF ou Fantasy ? » faisait rage parmi les connaisseurs, je n’avais donc pas conscience de mettre les pieds dans le plat en le qualifiant de roman de Fantasy. Il est certain que je n’ai pas la prétention d’avoir saisi toute l’essence de « Dune » en n’ayant lu que 500 pages du premier tome du cycle… et mon erreur, étant pour l’essentiel un lecteur de « one shot », a sans doute été de croire que ce tome introductif pouvait être pleinement apprécié indépendamment de ses suites.

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  2. Très jolie chronique. Ravie que tu aies apprécié le voyage sur Arrakis. J’ai aussi profité de l’annonce du film pour le (re)lire de mon côté et je ne regrette pas non plus. C’est une oeuvre majeure qui ne vieillit pas.

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