
Quatrième de couverture :
Non, vraiment, la vie de Dixie Mae n’a pas toujours été rose… Mais grâce à LotsaTech, et au boulot qu’elle vient de décrocher au service clients de ce géant des hautes technologies, les choses vont changer. Telle était du moins sa conviction jusqu’à ce que lui parvienne l’email d’un mystérieux expéditeur, message qui contient quantité de détails intimes liés à son enfance et connus d’elle seule…
Dixie Mae, telle Alice, devra passer de l’autre côté du miroir et payer le prix de la vérité – exorbitant : celui de la nature ultime de la réalité au sein de la Silicon Valley…
Editeur : Le Bélial – Collection Heure-Lumière
Nombre de pages : 112
Prix : 8,90€
Date de publication : 11 Février 2016
Mon Avis :
Cookie Monster est la troisième novella parue dans la collection Heure-Lumière en 2016 et grâce à l’opération du Bélial en septembre (pour deux de la collection achetés, le hors-série offert), j’ai pu rattraper mon retard. J’ai bien aimé ce texte mais le côté Hard SF m’a un peu déroutée.
Dixie Mae a toujours vécu une existence perturbée entre rupture familiale et petits boulots dans lesquels elle n’arrivait pas à s’épanouir. Mais à vingt-cinq ans, la jeune femme parvient enfin à dénicher un job « sérieux » dans la grosse boite LotsaTech qui a entre autres dépassé Microsoft et IBM. Ce travail au service client non seulement va lui permettre de se stabiliser enfin et pourquoi pas de renouer avec son père par la suite.
Après une semaine de formation, Dixie Mae est enfin opérationnelle et répond de manière personnalisée aux clients. Seule impératif provenant de la hiérarchie : finir le travail commencé dans la journée. Mais, son collègue un peu lourd Victor reçoit un e-mail qui est en réalité adressé à la jeune femme. Or, son auteur semble connaître des informations confidentielles sur son passé : Dixie Mae passablement énervée décide de mener l’enquête pour découvrir cet oiseau de mauvais augure…
Une novella de Hard SF…
Avant de commencer Cookie Monster, je ne savais pas du tout qu’elle s’inscrivait dans le genre de la Hard SF. Cette dernière est un courant de la Science Fiction dans lequel l’auteur(ice) met en garde son lecteur contre de possibles dérives d’utilisations de la technologie et fait appel à des connaissances scientifiques très pointues notamment en physique, en biologie ou dans les mathématiques, etc… Pour plus d’explications, je vous renvoye à l’excellent article d’Apophis.
Vernor Vinge, professeur de mathématique et d’informatique à l’Université de San Diego, insère dans sa novella quelques références à ses domaines d’étude par le biais de conversations entre certains personnages Ellen ou Rob. Je vous avoue que j’étais parfois un peu perdue pour appréhender ces dialogues, voire je me suis sentie un peu mise à l’écart. Mais heureusement, ces passages sont peu nombreux et ils n’empêchent pas de comprendre le sens général du texte.
… au Pays du Transhumanisme
Le déroulement de l’intrigue m’a également beaucoup fait penser au roman fantastique et surréaliste Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll. Selon moi, Dixie Mae s’apparenterait à Alice (ce qui est également confirmé par le synopsis de la novella). Elle est ainsi chargée de suivre les indices reçus dans l’e-mail, le fameux Lapin Blanc et remonterait la piste en allant de bâtiment en bâtiment du campus universitaire (le pays des merveilles) pour découvrir la vérité.
Attention SPOILER : si vous n’avez pas lu Cookie Monster, je vous conseille de ne pas lire les lignes qui vont suivre et de vous reporter directement à la troisième partie.
Deux éléments supplémentaires de l’intrigue font également référence au roman de Lewis Caroll :
- Le déroulement du temps : dans Alice au pays des merveilles, le chapelier fou révèle à l’héroïne que le temps s’est arrêté et qu’il est coincé à l’heure du thé. Il en est de même dans la novella : chaque bâtiment possède son propre temps. Ainsi, dans le B0994 dédié au service client et dans lequel travaillent Victor et Dixie Mae, le temps s’écoule sur une semaine avant de revenir au début, dans le B0999, celui d’Ellen, il s’agit d’une journée ou dans la laboratoire des doctorants Rob et Danny, un an.
- Le réveil : dans le roman de Lewis Caroll, la jeune fille se réveille à la fin sur les genoux de sa soeur et le pays des merveilles n’était finalement qu’un rêve. Dans Cookie Monster, les personnages sont en réalité des personnalités humaines téléchargées dans un programme informatique dont ils cherchent à s’échapper. Ils sont en effet condamnés à travailler perpétuellement pour LotsaTech et sont rebootés à chaque cycle de temps.
Une critique de la Silicon Valley
Le campus universitaire sur lequel est implanté la société LotsaTech fait référence à la Silicon Valley. Située sur la côte ouest des Etats-Unis, en Californie, elle réunit les domaines de la Recherche, de l’Innovation et de l’Industrie. Rien d’étonnant que les entreprises à la pointe de la technologie comme Apple, EBay, Facebook, Google, Hewlett-Packard, Yahoo pour les plus connues, se soient installées dans la Silicon Valley. Travailler dans cet espace est synonyme de grand prestige et de hauts salaires pour les employés. Tout est fait pour les fidéliser et leur offrir une qualité de travail tout en augmentant leur productivité : des bâtiments neufs et confortables ou des services de loisir pour faire en sorte qu’ils restent le plus longtemps possible dans leur zone de travail.
Tout près de B0994, on trouvait des courts de tennis et une piscine. Plusieurs douzaines de bâtiments identiques se dressaient sur le flanc de la colline. Un terrain de golf occupait la colline suivante, et la propriété de l’entreprise s’étendait encore plus loin. Ces types avaient assez de fric pour araser Runyon Canyon et y construire de nouveaux locaux. (P. 12)
De par son activité universitaire à San Diego, il est plus que probable que Vernor Vinge ait été amené à fréquenter la Silicon Valley. Et le parallèle qu’il en fait dans Cookie Monster est loin d’être reluisant :
- Au fur et à mesure que Dixie Mae avance dans son enquête et découvre la vérité, les décors et bâtiments du campus universitaire évoluent : si les premiers étaient flambants neufs ou en construction au départ, les contours des derniers deviennent plus flous par la suite, environnés de brumes et en béton brut, à l’image de la porte dessinée par Aurélien Police sur la couverture. Vernor Vinge indique ainsi à son lecteur qu’il faut se méfier des apparences.
- Attention SPOILER : La société LotsaTech est dirigée par Gerry Reich qui a utilisé la technologie en sa possession pour faire du profit. Il a ainsi numérisé les personnalités de ses employés dans des programmes informatiques pour qu’ils travaillent pour lui ad vitam aeternam. Leur productivité étant plus élevée au début de leur emploi, il les reboot donc à chaque fin de cycle.
En conclusion, Cookie Monster est une novella de Hard SF qui met en garde son lecteur contre les possibles dérives de l’utilisation des technologies, notamment dans le domaine de l’Informatique. Si certains passages sont un peu difficiles à appréhender pour certains non-initiés (dont moi!), ils n’empêchent toutefois pas de saisir la portée générale du texte. Ce dernier se réclame certes du roman de Lewis Caroll, Alice au pays des merveilles mais il s’agit surtout d’une critique de la Silicon Valley. Cet espace situé en Californie, cache aussi des secrets bien moins reluisants, sous couvert d’un vernis neuf et brillant. Bref, un texte que je conseille.
Autres avis :
Cette novella participe au #ProjetOmbre

(merci pour les liens)
Voilà vraiment une critique très fouillée et pointue de ce texte : un grand bravo ! Je te trouve de plus en plus à l’aise dans les critiques de SF, donc là encore, félicitations 🙂
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Merci beaucoup, Apophis. Cela me va droit au cœur. Effectivement, je passe de plus en plus de temps sur ces chroniques. Après, je n’ai malheureusement pas le bagage suffisant au niveau scientifique donc je complète avec mes connaissances plus littéraires et historiques. Mais, du coup, cela apporte peut-être un peu d’originalité dans le milieu SF, je ne sais pas.
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En tout cas, ça te place dans une position privilégiée pour analyser toute Fantasy Historique et toute uchronie.
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Oui, c’est sûr.
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C’est un des titres UHL qui me faisait un peu peur du fait de son genre hard science mais tu me rassures et tu m’as même donné très envie de craquer à une prochaine opération. Les thèmes en tout cas sont très intéressants.
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Super ! Je suis contente !
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Merci pour le lien 🙂 On a rencontré le même genre d’obstacle dans notre lecture à ce que je constate ! Ce qui ne t’empêche pas de fournir une chronique vraiment qualitative, c’était passionnant de te lire.
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Merci beaucoup ! Ça me fait vraiment plaisir de recevoir tous ces commentaires très positifs.
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J’étais passée complètement à côté de ce bouquin, même si je sentais qu’il y avait un truc, je ne suis pas du tout arrivée à raccrocher les wagons. Du coup c’est intéressant d’avoir ton interprétation en renvoyant à Alice au pays des merveilles qui plus est. Top.
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Merci beaucoup!
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Tiens je ne m’étais jamais vraiment intéressée à cette novella mais ton avis me pousse à le faire !
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Super ! Je suis très contente !
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Chouette critique. J’adore Vernor Vinge et ce texte m’a bien plu aussi. Je n’avais pas du tout pensé à Alice. Bien vu !
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Merci mais pour le coup, il faut rendre à César ce qui appartient à César, la référence à Alice était notée dans le synopsis. Je n’ai fait que prolonger cette idée. 😉
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Arf, ma mémoire de poisson rouge est toujours aussi peu efficace, lol
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Pas de soucis, c’est un petit détail aussi. 😉
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