La Véritable Histoire des douze Césars de Virginie Girod

Quatrième de couverture : 

Sous le principat d’Hadrien, l’historiographe Suétone écrit les biographies des premiers Césars, de Jules César à Domitien, retraçant ainsi près de cent-cinquante ans d’histoire. Virginie Girod, forte de sa connaissance intime de la période, met avec talent ses pas dans ceux de Suétone et raconte la véritable saga des douze Césars faite de trahisons, de manipulations et d’amours déçues. Comment Auguste et Vespasien ont-ils pris Rome en passant pour des modèles de vertu ? Pourquoi Tibère, Caligula et Néron ont-ils sombré dans la tyrannie ? Claude était-il un idiot ou un administrateur génial ? De chapitre en chapitre, les mythes sur les Césars volent en éclats, laissant place à leur humanité dans toute sa complexité.

Editeur : Pocket

Nombre de pages : 469

Prix : 7,95€

Date de publication : 17 Septembre 2020

Mon Avis : 

Cela faisait déjà un moment que je voulais lire un ouvrage de l’Historienne Virginie Girod car ses interventions dans des documentaires spécialisés en Histoire Romaine ou sur l’Histoire de la sexualité féminine sont toujours très à propos. J’apprécie particulièrement sa pédagogie et la clarté de son discours.
J’ai donc commencé par son ouvrage sur La véritable Histoire des Douze Césars pour que ma lecture soit dans la droite lignée de la biographie d’Auguste de Frédéric Hurlet. Pour en revenir à l’ouvrage de Virginie Girod, il fait directement référence à l’une de nos sources littéraires les plus importantes sur le Ier siècle avant J.-C. et le Ier siècle après J.-C., Vies des douze Césars de Suétone. Je n’en avais lu que des extraits il y a bien longtemps ; aussi, j’ai décidé de le relire en confrontant chacune des biographies avec celles écrites par Virginie Girod. Et bien devinez quoi? J’ai adoré mon voyage!

Douze Césars…

Avant de commencer par les deux ouvrages dont il est question dans cette chronique, je voulais juste faire un petit point rapide sur l’identité des douze Césars. Ils désignent avant tout des dirigeants politiques romains de la fin de la République à la fin du Ier siècle après J.-C. :

  • Jules César (-49 à -44 avant J.-C.) : Et je serais très prudente sur le terme à utiliser car contrairement à ses successeurs Caius Julius Caesar n’était pas « empereur » au sens utilisé aujourd’hui. Il a été certes nommé imperator mais ce terme qui signifie « général victorieux » est un titre honorifique et ne confère en aucun cas de pouvoir politique. Jules César était au sommet de l’Etat en occupant les charges de consul puis de dictateur mais il a été assassiné en raison de ses supposées velléités monarchiques. Or depuis leur dernier souverain Tarquin le Superbe exilé en 509 avant J.-C., les Romains honnissaient les Rois.
  • Les Julio-Claudiens (-27 avant J.-C. à 68 après J.-C.) :  Auguste va tirer des leçons de la fin tragique de son grand-oncle Jules César. Après avoir triomphé de ses ennemis et en prenant bien soin de conserver l’illusion d’une République restaurée, il va mettre en place subrepticement un nouveau régime, le Principat, en 27 avant J.-C. Si aujourd’hui, il est considéré comme le premier empereur romain, il ne fallait surtout pas qu’il soit perçu comme un souverain à l’époque au risque de se faire assassiner à son tour. Après avoir maintenu la Paix dans l’Empire et assuré la Prospérité de l’Empire, il doit alors garantir la stabilité de son régime politique en désignant des successeurs issu de sa propre famille. En 14 après J.-C., lui succède le fils de sa femme Livie, Tibère (14-37), le petit-neveu de ce dernier Caligula (37-41), l’oncle de Caligula, Claude (41-54) et pour finir son propre petit-neveu Néron (54-68).
  • L’année des quatre empereurs (68-69) : Néron est assassiné en 68 et avec lui s’achève la dynastie des Julio-Claudiens. Si certains veulent restaurer la République, d’autres au contraire voient une belle opportunité personnelle. Des gouverneurs de province se font alors acclamés par les gardes prétoriens et prennent le pouvoir… mais pour quelques mois! Ainsi se succèdent en un an, Galba, Othon et Vitellius.
  • Les Flaviens (69-96) : Vespasien alors légat de Judée veut lui aussi prendre le pouvoir et y parviendra en mettant fin à l’instabilité politique. Après dix ans de règne, ses fils Titus (79-81) et Domitien (81-96) lui succèdent mais ce dernier finira lui aussi assassiné.

… vus par Suétone…

Avec Tacite et Dion Cassius, Suétone fait partie des sources littéraires les plus importantes pour appréhender l’Histoire politique de Rome du 1er siècle avant J.-C. au Ier siècle après J.-C. Ses Vies des douze Césars sont jugés relativement « fiables » comme source par les Historiens (au contraire de l’Histoire Auguste datant de la fin du IVème siècle). Car Suétone, en tant que secrétaire à la chancellerie impériale (bureau Ab epistulis) sous l’empereur Hadrien (117-138) a pu avoir accès aux archives dans lesquelles il a abondamment puisé pour écrire ses biographies. Et je dois dire que certains passages sont assez émouvants notamment lorsqu’il cite des lettres entières d’Auguste adressées à son épouse Livie.

Toutefois, il convient d’être prudent vis à vis du secrétaire impérial pour plusieurs raisons :

  • L’écriture de ses biographies possède une finalité politique : en dénigrant les règnes des empereurs précédents et en mettant en exergue leur défaut, Suétone souhaite ainsi au contraire glorifier l’empereur Hadrien en le présentant comme un modèle.
  • Suétone appartenait également à l’ordre équestre et devait probablement posséder une certaine conscience de classe. De ce fait, il n’était pas non plus très favorable à certains empereurs qui n’ont pas oeuvré dans l’intérêt des ordres équestre et sénatoriale comme Claude.
  • En confrontant d’autres sources (littéraire, archéologique, numismatique ou épigraphique), on se rend compte parfois que Suétone s’est soit trompé, soit a arrangé les évènements. Ainsi, on sait de source sûre que l’empereur Néron n’était pas à Rome au moment du grand incendie de 64 et n’a donc pas pu y mettre le feu pour se mettre en scène devant les flammes comme l’affirme le secrétaire impérial.
  • Enfin, Suétone s’appuye beaucoup sur des on-dits (comme la rumeur qui prête une relation incestueuse de Caligula avec sa soeur Drusilla) et sur la propagande impériale postérieure notamment en ce qui concerne les prophéties et les présages de la mort.

… et par Virginie Girod.

L’Historienne n’a pas choisi au hasard de publier son ouvrage en référence aux Vies des douze Césars. En effet, dans sa conclusion, elle explique qu’elle avait découvert et lu Suétone pendant son Master et qu’elle a pour lui une affection toute particulière.

  • Dans La véritable Histoire des douze Césars, elle reprend donc la même structure que l’ouvrage du secrétaire impérial à savoir le découpage en biographies et la même évolution à l’intérieur de chaque chapitre : les aïeux du César et son affiliation, les prophéties au moment de sa naissance, son enfance et sa carrière, son accession au pouvoir, ses qualités et défauts, les principaux évènements de sa carrière politique et de ses alliances matrimoniales, ses enfants, son aspect physique, les présages de sa mort prochaine et les circonstances de sa mort.
  • Toutefois, pour avoir lu les Vies des douze Césars en même temps, je dois dire que j’étais restée parfois un peu circonspectes en raison de la densité (voire de la lourdeur) du texte de Suétone et de ses références parfois un peu sibyllines. J’avoue que cette expérience de lecture a été un peu exigeante. En ce qui concerne l’ouvrage de Virginie Girod, il en est tout autrement : au contraire, son écriture est fluide, explicite et très pédagogique. Elle m’a permis de comprendre certains passages parfois un peu abruptes de l’ouvrage de Suétone. Mieux encore, malgré toute la sympathie qu’elle éprouve à l’égard de l’auteur romain, elle n’hésite pas à confronter les sources et à dire soit qu’il a tort (pour l’incendie de Rome notamment), soit que certains évènements lui semblent peu probables (Selon Suétone, Agrippine, la mère de Néron, aurait ainsi échappé à la tentative d’assassinat de son fils en rentrant à la nage chez elle).

En conclusion, j’ai adoré mon expérience de lecture que ce soit avec Suétone ou avec Virginie Girod : si l’ouvrage de l’auteur romain n’est pas toujours facilement abordable et est très dense, il reste toute de même émouvant par certains détails qu’il livre, des détails probablement piochés dans les archives impériales du IIème siècle après J.-C. Quant à l’ouvrage de Virginie Girod, je l’ai également beaucoup apprécié car il permet de bien expliciter le texte de Suétone tout en prenant suffisamment de recul par rapport aux sources. J’ai déjà dans ma PAL deux autres ouvrages de l’Historienne notamment Théodora et Les femmes et le sexe dans la Rome antique et je compte les lire très prochainement.

16 commentaires

  1. J’aime vraiment tes avis détaillés, clairs et instructifs. Je ne suis pas une férue d’histoire donc j’apprends beaucoup. Je me note en tout cas le nom de l’autrice pour suggérer des achats à la bibliothèque où je travaille

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    • Un grand merci à toi. Ça me fait vraiment plaisir de faire ce genre d’articles. Cela me permet de partager ma passion pour l’histoire romaine. Et je suis contente si les personnes qui me lisent apprennent des choses.

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    • Je te comprends pour Suétone, j’ai eu du mal aussi. Heureusement que je lisais en parallèle l’ouvrage de Virginie Girod. Cela me faisait une coupure bienvenue et en même temps, cela me permettait de mieux appréhender le texte d’origine.

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  2. […] J’ai adoré mon expérience de lecture que ce soit avec Suétone ou avec Virginie Girod : si l’ouvrage de l’auteur romain n’est pas toujours facilement abordable et est très dense, il reste toute de même émouvant par certains détails qu’il livre, des détails probablement piochés dans les archives impériales du IIème siècle après J.-C. Quant à l’ouvrage de Virginie Girod, je l’ai également beaucoup apprécié car il permet de bien expliciter le texte de Suétone tout en prenant suffisamment de recul par rapport aux sources. Vous pouvez retrouver ma chronique entière ici.  […]

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