
Quatrième de couverture :
Espagne, Andalousie, XVIe siècle. La Reconquista est terminée. Charles Quint règne sur une Espagne réunifiée et catholique. Sinan est un enfant qui vit avec sa sour jumelle, Rufaida à Grenade. Musulmans convertis par nécessité à la religion catholique, sa famille les envoie à Montpellier pour échapper à une Inquisition toujours plus féroce. Là-bas ils tomberont dans une France embrasée par les guerres de religion…
Editeur : ActuSF
Nombre de pages : 350
Prix : 19,90€
Date de publication : 16 Avril 2021
Mon Avis :
Le mois d’avril a été très riche en parutions chez ActuSF. Et sur les quatre sorties, toutes me faisaient très envie. Aussi, je remercie Jérôme Vincent ainsi que les éditions ActuSF pour m’avoir envoyée en Service Presse Du Roi, je serai l’assassin de Jean-Laurent del Socorro. Ce dernier se situe dans le même univers qu’Un Royaume de vent et de colères paru en 2016. Mais, il s’agit d’un préquel car il débute en 1540, soit une cinquantaine d’années avant. J’ai beaucoup apprécié ma lecture et je ne suis pas passée loin d’un coup de coeur.
En 1569, au sommet du fort Saint Jean, à Marseille, Silas, l’un des personnages les plus marquants d’Un Royaume de vent et de colère, raconte son histoire. Elle débute en 1540 et à l’époque, il s’appelait encore Sinan. Il a grandi dans la ville de Grenade, et plus précisément dans le quartier mauresque de l’Albaïcin d’où il pouvait admirer les palais et jardins de l’Alhambra situés en face.
Mais son enfance n’a pas été très heureuse, marquée par la perte d’êtres chers et la violence paternelle. Le poids du passé est également rude à porter car Sinan est maure. Et suite à la Reconquista de 1492, il est désormais obligé d’embrasser la religion catholique et le mode de vie des Chrétiens s’il veut rester en Espagne. Or ces derniers sont encore très suspicieux : non contents d’avoir expulser tous les Juifs d’Espagne, les Catholiques s’en prennent désormais aux Maures via l’Inquisition.
Toutefois, cela n’a pas empêché Silas et ses deux sœurs Rufaïda et Sahar de recevoir une excellente éducation. En effet, son père a embauché la célèbre Tabiba Aïcha de Cordoue qui n’est autre que la petite-fille d’Averroes. Et lorsque Sinan et sa soeur jumelle Rufaïda atteignent tous les deux l’âge de dix-neuf ans, ils sont envoyés par leur père à l’Université de Montpellier pour suivre des études de médecine…
Un roman de Fantasy Historique admirablement bien documenté…
Tout comme les autres romans de Jean-Laurent Del Socorro, Du Roi, je serai l’assassin appartient au genre de la Fantasy Historique.
- Et je dois dire que je suis à chaque fois impressionnée par le travail de documentation de l’auteur pour reconstituer le contexte historique. La bibliographie exhaustive composée d’ouvrages et d’articles scientifiques spécialisés sur la période du XVIème siècle en Espagne et en France, en témoigne. Mais surtout, le récit fourmille de détails et le contexte est minutieusement reconstitué que ce soit la morphologie urbaine de Grenade (qui m’a rappelé beaucoup de souvenirs!), les conséquences de la Reconquista sur l’état d’esprit des Maures cinquante ans après les faits en Espagne, la vie universitaire à Montpellier ou les Guerres de Religion entre Catholique et Protestants dans le sud de la France. Toute cette documentation servie par une plume fluide et claire permet non seulement de donner corps au récit mais aussi de le rendre crédible.
- De plus, le style de Jean-Laurent del Socorro est marqué par une intervention d’éléments surnaturels très minimaliste. Dans Je suis Fille de rage, le seul élément fantastique était la présence de la Mort. Dans Du Roi, je serai l’assassin, le principe est le même : seule l’Arbent, une pierre noire issue de pratiques alchimistes et appelée aussi « Pierre du dragon » confère à son possesseur qui le maîtrise, certains pouvoirs. Le père de Sinan a ainsi envoyé ses deux enfants à Montpellier certes pour leur faire suivre des études mais aussi pour retrouver cette fameuse pierre.
… déséquilibré entre deux premières parties brillantes…
Du Roi, je serai l’assassin est divisé en trois parties bien distinctes :
- La première se déroule sur une vingtaine d’années (de 1540 à 1560 environ). Jean-Laurent Del Socorro abandonne le style du roman choral de ses précédents romans pour ne donner la parole qu’à un seul personnage : Silas qui revient sur son enfance en Andalousie. Cette partie est probablement la plus émouvante notamment parce qu’elle permet d’éclaircir le passé de l’un des personnages les plus mystérieux d’Un Royaume de vent et de colère. De plus, l’auteur parvient également à reconstituer avec justesse l’état d’esprit des Maures de Grenade traumatisés par la Reconquista de 1492 : certains ont dû quitter l’Espagne pour partir en Afrique du Nord ou en Europe ; quant à ceux qui sont restés, ils ont dû abandonner leur culture pour embrasser la religion catholique et les us et coutumes chrétiens. Si certains n’ont pour autant pas renoncé à la pratique de l’Islam comme le père de Silas, ils vivent toutefois dans la peur d’être dénoncé à l’Inquisition. Enfin, Jean-Laurent Del Socorro parvient également à décrire avec précision le ressenti de Silas et de ses sœurs vis à vis des violences familiales. Le père est un homme colérique qui rejette sa frustration sur ses enfants soit en les battant, soit en les mettant en compétition entre eux. La mère ne dit rien ; quant à la préceptrice Aïcha, elle tente d’intervenir mais le père lui fait du chantage pour la faire taire.
- La seconde partie, la plus développée, se déroule à Montpellier et dans le sud de la France sur une dizaine d’années (probablement de 1560 à 1569 environ). Elle décrit la formation universitaire de Silas et de sa soeur jumelle Rufaïda et leur quête de l’Arbent requise par leur père. Ce qui ressort de cette partie du moins au début, est la cohabitation pacifique entre différentes communautés et origines à Montpellier : dans le cadre de leurs études, les Maures Silas et Rufaïda sont recueillis par Maîtresse Catalan, une Juive qui a dû fuir l’Espagne et qui offre également le gite à un Protestant d’origine allemande, Peter. Tous doivent se montrer prudents et ne pas trop afficher clairement leur croyance mais leur présence est tolérée par les Catholiques. Ce qui va mettre le feu aux poudres, ce seront les Guerres de religion entre Catholiques et Protestants qui vont sévir à Montpellier.
Je terminerai enfin cette partie par le côté féministe du roman : Jean-Laurent del Socorro a la particularité de mettre des femmes dans des fonctions où on ne les attend pas forcément au XVIème siècle notamment dans les métiers d’arme qui historiquement leur étaient fermés. Enfin, en théorie car si vous vous référez à ma chronique de Femmes en armes de Marie-Eve Sténuit, il existait des exceptions. De plus, il dénonce aussi les discriminations et les différences de traitement entre les hommes et les femmes : par exemple, Rufaïda ne peut pas suivre des études de médecine car elle est une femme. Elle est alors bloquée au statut de Barbier-chirurgien, moins prestigieux que celui de médecin.
… et une troisième déconcertante.
Enfin, la troisième partie du roman qui est la plus courte (une soixantaine de pages), se déroule en 1600, à Marseille et détonne complètement avec le reste du roman. C’est dommage car je suis pour le coup complètement passée à côté du coup de coeur auquel je m’attendais tant j’ai été décontenancée. En effet, non seulement, le récit fait un bond de trente ans par rapport aux évènements de Montpellier mais il change également de narrateur. Ce n’est plus Silas qui est aux commandes mais Gabin, le fils des propriétaires de l’auberge La roue de Fortune. J’ai trouvé cette partie complètement déconnectée des deux autres et un peu trop expéditive à mon goût : les péripéties s’enchaînent trop vite et j’ai eu du mal à me faire à ce changement de narrateur.
En conclusion, j’ai adoré Du Roi, je serai l’assassin : encore une fois, la plume de Jean-Laurent Del Socorro est fluide, son personnage principal Silas attachant et le contexte historique parfaitement bien documenté. Cela confère au récit une crédibilité et une consistance à l’univers développé par l’auteur. Si j’ai pris beaucoup de plaisir à lire les deux premières parties, j’ai toutefois été décontenancée par la dernière notamment en raison du changement soudain de narrateur et des évènements peut-être un peu trop expéditifs à mon goût. Je ne sais pas quelles seront les prochaines publications de Jean-Laurent del Socorro, toujours est-il que je serai encore une fois au rendez-vous!
Autres avis :
Merci pour le lien !
C’est clair que la 3e partie est assez déconnectée du reste et sans la toute dernière scène dans l’épilogue je serai sûrement passée à côté du coup de cœur. Mais l’ensemble était trop brillant pour que je ne le qualifie pas comme tel.
Belle chronique comme toujours 🙂
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Merci beaucoup ! 😊
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J’ai tout de même hâte de le lire, ne serait-ce que pour retrouver cet univers qui l’avait laissé un goût de trop peu (au niveau de l’Arbont notamment).
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Bonne lecture à toi !
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Super que tu confirmes la précision historique.
J’ai eu le même souci que toi avec la troisième partie ¯\_(ツ)_/¯
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Oh, et merci pour la ref Femmes en armes, je vais me garder ça de côté. La question m’intéresse.
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C’est un excellent ouvrage, je te le conseille.
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Oui mais apparemment, en discutant avec Ombrebones, je me suis rendue compte que je n’avais pas lu deux nouvelles qui auraient pu m’aider dans la compréhension de cette troisième partie. Il faudrait que je les lise.
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Ha oui en effet ^^ C’est vrai que j’avais été plutôt heureuse de retrouver le personnage dont on apprend davantage dans la nouvelle à la fin de Royaume de … Malgré tout, j’ai eu l’impression d’une brisure au niveau du rythme qui m’a gênée.
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Merci pour le lien 🙂
J’ai aussi été un peu déroutée par le changement en dernière partie, je trouve que ça brise le rythme et bien que retrouver Gabin est toujours un plaisir, j’aurai espéré conclure avec Silas.
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Pareil. Après, je n’ai pas lu les deux nouvelles écrite par Jean-Laurent Del Socorro. Du coup, c’est peut être la raison pour laquelle, j’ai été deroutée. Tu les avais lu de ton côté ?
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