La fille aux mains magiques de Nnedi Okorafor et Zariel #ProjetOmbre

Quatrième de couverture : 

Chidera est une enfant malheureuse, mal aimée par ses parents. Elle rencontre un jour des esprits dans la forêt, qui vont tracer un tatouage sur sa main, et lui transmettre leur art Uli. Désormais, la magie des dessins de Chidera va, elle, métamorphoser la tristesse en joie.

Editeur : ActuSF – Collection ActuSF Graphic

Nombre de pages : 136

Prix : 19,00€

Date de publication : 21 Mai 2021

Mon Avis : 

De Nnedi Okorafor, j’avais déjà lu Qui a peur de la Mort? mais malheureusement je l’avais abandonné car je n’avais pas été très sensible au côté trop Young Adult du récit ni au personnage principal qui m’avait agacée. J’ai donc renoué avec l’autrice via ce format court qui m’a été proposé en Service Presse par Jérôme Vincent et les éditions ActuSF que je remercie au passage. Et j’ai bien fait de retenter car j’ai eu un petit coup de coeur pour cet ouvrage illustré!

Chidera mène une vie malheureuse dans son village nigérian. La jeune fille n’est pas vraiment aimée par ses parents : son père aurait préféré un garçon ; quant à sa mère, elle est trop occupée à vendre ses maigres légumes et ses sculptures au marché pour s’occuper d’elle.  A l’école, bien que Chidera ait des résultats honorables, elle est régulièrement la souffre-douleur de son instituteur. Mais un jour, alors qu’elle doit aller au puits du village chercher de l’eau pour son père, elle va faire une rencontre impromptue qui va changer sa vie…

Nnedi Okorafor part d’un cadre social défavorisé…

Le récit se déroule au Nigéria, en Afrique et dans notre époque actuelle puisque des voitures circulent dans le village de Chidera. L’autrice s’empare alors d’une réalité sociale de son pays d’origine pour dépeindre les conditions de vie difficiles d’une famille défavorisée. Celle de Chidera, malgré son labeur a du mal à joindre les deux bouts et la frustration causée par cette situation financière précaire a des conséquences sur chaque membre : 

  • Le père de Chidéra travaille mais ramène un maigre salaire à la maison. Il est un homme colérique et aigri qui rejette ses frustrations sur sa femme (il est toujours en train de la critiquer notamment sur sa cuisine qu’il trouve insipide) et sur sa fille (car il aurait préféré un garçon).

Chidera faisait de son mieux pour ne pas le vexer. Même à son âge, elle savait que son père ne l’aimait guère. Dès qu’il était en colère contre elle et qu’il la pensait dehors, à un endroit où elle ne pouvait pas l’entendre, il disait des choses à sa mère comme : 
– Mais à quoi est-elle bonne? A rien. Elle n’aurait pas pu être un garçon, au moins? 
Elle était fille unique. Et elle aurait beau essayer, elle ne serait jamais un garçon. (P. 15)

  • Sa mère tente de compléter les revenus familiaux en s’épuisant à faire pousser des légumes dans un potager peu fertile et en sculptant des petites statues en bois pour les vendre au marché. Elle n’a donc pas le temps de s’occuper de sa fille ni des corvées domestiques. 
  • Chidera ne s’épanouit pas dans ce contexte familiale : elle manque de confiance en elle et n’a pas vraiment de but dans sa vie si ce n’est de se soustraire à la violence paternelle (physique et morale) en étant discrète et obéissante. Pour cela, elle travaille bien à l’école et effectue correctement les corvées que sa mère ne peut pas faire. 

… pour écrire un conte fantastique sensible et bienveillant…

Étant donné que la maison de Chidera ne possède pas l’eau courante, la jeune fille doit aller la chercher au puits à l’extérieur du village, au bord de la forêt. C’est alors que survient l’unique élément fantastique du récit : pendant qu’elle remplit sa bassine d’eau, Chidera entend des voix dans la forêt. Elle décide donc de se rapprocher et aperçoit deux femmes : l’une vieille, la seconde de l’âge de sa mère. Quant à la troisième, elle émane d’un arbre! Ce sont des esprits qui pratiquent l’art perdu de l’Uli et qui consiste à dessiner des motifs sur toutes les matières vivantes comme inertes. Les esprits l’accueillent avec chaleur et lui proposent un dessin sur sa main : Chidera choisit une feuille.

Elle [un des Esprit] trempa la pointe du nma uli dedans, puis se mit à dessiner sur le dos de la main de Chidera. Cette dernière s’attendait à un contact froid, mais c’était chaud. la chaleur serpenta vers le haut de son bras comme si elle avait plongé dans un bain brûlant, les bras en premier. Bientôt, tout son corps fut léger et chaud. l’air était comme un océan parfumé de millions et de millions de fleurs. (p. 35)

Le dessin devient alors un tatouage puisqu’il ne part pas à l’eau et il a pour particularité d’être parfumé. Pour Chidera, c’est le déclic! Elle a un nouveau but dans sa vie : dessiner et tout ce qui l’entoure devient une source d’inspiration pour elle!
Ce que j’ai apprécié dans cette novella, c’est que les esprits ne changent pas la vie de Chidera d’un coup de baguette magique comme on peut le lire trop souvent dans nos contes traditionnels. Au contraire, Chidera acquiert de la confiance en elle, se crée un but dans la vie et en fait profiter ses amies, devient indépendante en tant que femme, etc… Et j’ai particulièrement bien aimé cette évolution du récit qui met en avant des valeurs positives comme l’acceptation de soi, l’accomplissement personnel ou la bienveillance vis à vis de soi et des autres. 

… magnifiquement bien illustré par Zariel.

Comment finir cette chronique sans aborder les dessins de Zariel? Ce dessinateur parisien s’est en effet illustré récemment par les magnifiques couvertures de romans d’ActuSF comme Liavek de Megan Lindholm et Steven Brust ou Du Roi, je serai l’assassin de Jean-Laurent Del Socorro. Il a également récemment sorti un leporello Zombies, morts et vivants. Et je dois dire que les illustrations en noir et blanc de La fille aux mains magiques non seulement collent vraiment bien au texte mais apportent aussi une plus-value. En effet, ils insufflent une part de dépaysement et participent ainsi à l’ambiance africaine de la novella. Bref, un vrai régal pour les yeux!

En conclusion, j’ai eu un petit coup de coeur pour cette novella écrite par Nnedi Okorafor et illustrée par Zariel. Décrivant le quotidien de classes sociales défavorisées au Nigéria, l’autrice insuffle des valeurs positives à son récit fantastique : Chidera n’accomplit pas sa vie parce que les esprits de la forêt lui font un don mais parce qu’elles deviennent une source d’inspiration et un modèle pour la jeune fille. Le reste, c’est elle qui le construit grâce à son talent qu’elle peaufine de jour en jour, son travail acharné et sa bienveillance qui fait des émules autour d’elle. Bref, un conte que l’on a envie de lire en ce moment. 

Autres avis : 

Albédo en VO

Albédo en VF

Celindanae

Le Bibliocosme (Boudicca)

Cette novella participe au #ProjetOmbre

19 commentaires

  1. Merci pour ce retour que j’attendais avec impatience. Cela donne vraiment envie, l’idée est belle et les illustrations de Zariel semblent apporter un vraiment bonus au texte. Hop dans la liste d’envies!

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  2. […] J’ai eu un petit coup de coeur pour cette novella écrite par Nnedi Okorafor et illustrée par Zariel. Décrivant le quotidien de classes sociales défavorisées au Nigéria, l’autrice insuffle des valeurs positives à son récit fantastique : Chidera n’accomplit pas sa vie parce que les esprits de la forêt lui font un don mais parce qu’elles deviennent une source d’inspiration et un modèle pour la jeune fille. Le reste, c’est elle qui le construit grâce à son talent qu’elle peaufine de jour en jour, son travail acharné et sa bienveillance qui fait des émules autour d’elle. Bref, un conte que l’on a envie de lire en ce moment. Vous pouvez retrouver ma chronique entière ici.  […]

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