Nelly Bly, dans l’antre de la folie de Virginie Ollagnier et Carole Maurel

Quatrième de couverture : 

Nellie Bly serait complètement folle. Sans cesse, elle répète vouloir retrouver ses « troncs ». Personne n’arrive à saisir le sens concret de ses propos, car en réalité, tout cela n’est que mystification : Nellie cherche à se faire interner dans l’asile psychiatrique de Blacwell, à New York dans le but d’y enquêter sur les conditions de vie de ses résidentes. Y parvenant avec une facilité déconcertante, elle découvre un univers glacial, sadique et misogyne, où ne pas parfaitement remplir le rôle assigné aux femmes leur suffit à être désignée comme aliénée.

Editeur : Glénat

Nombre de pages : 162

Prix : 22,00€

Date de publication : 17 Février 2021

Mon Avis : 

C’était mon club de lecture qui m’avait fait connaître Nellie Bly il y a cinq ans avec son Tour du monde en 72 jours. J’avais tellement bien accroché à la plume de la journaliste et à sa personnalité attachante que j’avais décidé de lire le récit de sa première enquête, Dix jours dans un asile pour lequel j’avais eu un coup de coeur. Cette année est sorti l’adaptation en bande dessinée de cet ouvrage journalistique et je ne pouvais pas passer à côté. En effet, comme je l’avais supposé, j’ai adoré ma lecture!

En 1887, à New York, une jeune femme du nom de Nellie Brown se présente à une pension pour femmes afin de trouver une chambre pour la nuit et un repas chaud. Mais cette dernière semble être quelque peu dérangée ce qui ne rassure ni la propriétaire de l’établissement, ni les autres pensionnaires. Le lendemain, deux policiers viennent chercher la jeune femme pour l’emmener devant le juge. Elle est alors envoyée à l’hôpital Bellevue pour un examen psychiatrique puis internée sur l’île des pauvres, Blackwell. En réalité, Nellie Brown est une journaliste qui débute sous un autre nom d’emprunt, Nellie Bly et elle a été chargée d’enquêter sur cet hospice géré par la Mairie de New York et financé par des mécènes…

Deux trames narratives

La bande dessinée Nelly Bly, dans l’antre de la folie possède deux arcs narratifs : 

  • Le premier débute en 1887 et est une adaptation d’une des plus célèbres enquêtes journalistiques de Nellie Bly, Dix jours dans un asile (Ten days in a Madhouse) publiée cette même année. En effet, le célèbre propriétaire du New York World, Joseph Pulitzer la charge d’enquêter sur l’Hôpital de Blackwell de l’intérieur contre la promesse de l’embaucher. Pour cela, elle se fait passer pour folle et se fait internée afin de dénoncer les conditions de détention des femmes. Ce n’est pas la première fois que Nellie Bly utilise cette méthode d’infiltration novatrice pour l’époque et qui marque les prémices du journalisme infiltré. En effet, en 1880, elle s’était déjà faite embauchée dans une fabrique de conserves pour témoigner des conditions de travail des ouvrières.
  • Par ailleurs, pour que le lecteur se fasse une idée plus complète de la personnalité de la journaliste américaine et aussi appréhender le contexte historique et culturel de l’époque, Virginie Ollagnier a décidé de rajouter une seconde trame plus biographique au récit principal. Elle débute en 1871 et raconte l’enfance et l’adolescence de Nellie Brown. A sept ans, elle devient orpheline de son père et cette perte va non seulement plonger sa famille dans l’indigence mais aussi forger la personnalité de la future journaliste. 

Une bande dessinée féministe…

A travers ses articles, Nellie Bly a toujours eu à coeur de dénoncer les injustices de la société américaine de cette fin du XIXème siècle et de donner la parole à des personnes qui n’avaient pas de tribune. 

  • Une des explications de cet état d’esprit est donnée par les autrices et cela remonterait à l’enfance de Nellie Bly. Son père n’avait pas fait de testament en faveur de sa seconde épouse, Mary Jane, la mère de Nellie. Aussi, lorsque celui-ci décède, sa veuve non seulement ne touche quasiment rien mais comme elle est une femme, elle ne peut elle-même administrer ses biens. Elle doit alors passer par un tuteur. Enfin, parce qu’il était mal vu dans la société de rester sans mari, Mary Jane se remaria avec un vétéran de la Guerre de Sécession : ce dernier se montrera violent et dilapidera le reste de sa fortune.
    A seize ans, Nellie Bly ne souhaite pas être entretenue par l’argent de ses frères. Elle veut devenir indépendante et travailler dans le milieu du journalisme. Mais là encore, elle se heurte au sexisme ordinaire. Certains journaux refusent de l’embaucher parce qu’elle est une femme. 
  • Enfin, lors de son enquête à l’hôpital de Blackwell, elle découvre les conditions de détention déplorable des femmes placées. A l’origine, cet établissement devait soigner des femmes d’origine modeste avec des pathologies psychiatriques sévères. Dans les faits, le but premier a été détourné et certaines femmes se retrouvent incarcérées alors qu’elles sont saines d’esprit. La plupart représente « un poids » pour leur famille notamment Mme Schanz d’origine allemande dont le fils ne veut pas s’occuper, Annie dont les enfants sont trop pauvres pour prendre soin d’elle et enfin, Tillie quittée par son fiancé, a été placée là par sa famille car son mariage aurait dû régler leurs dettes… Par ailleurs, elles ne sont pas écoutées par les médecins : si une femme est incarcérée à Blackwell, il y aura donc peu de chance pour qu’elle en réchappe un jour. Enfin, Nellie Bly dénonce les conditions difficiles de détention : la faim, le froid, le dénuement, l’ennui, la violence physique du personnel soignant, etc…

… bien servie par des dessins de Carole Maurel.

Dans l’interview présente à la fin de la bande dessinée, Carole Maurel affirme que c’était la première fois qu’elle dessinait cette période et elle a dû faire beaucoup de recherches pour reconstituer l’ambiance de New York, à la fin du XIXème siècle. Pour ma part, j’ai trouvé cette restitution plutôt réussie et l’on reconnaît facilement Nellie Bly dont il nous reste aujourd’hui des photographies. Par ailleurs, la dessinatrice a inséré également quelques éléments fantastiques dans ses dessins (comme des tentacules de pieuvre ou de poulpe noir ce qui donne une petite ambiance lovecraftienne avant l’heure ou des spectres de femmes ou d’enfants morts à Blackwell). Ils sont tous les deux l’allégorie de la folie. 

En conclusion, j’ai beaucoup aimé cette adaptation de Dix jours dans un asile de Nellie Bly en bande dessinée. Le récit partagé en deux arcs narratifs permet non seulement de comprendre l’engagement de la célèbre du journaliste américaine mais aussi d’expliciter le contexte socio-culturel de l’époque. Féministe (peut-être plus que ne l’était Nellie Bly au final), la bande dessinée dénonce également les travers de la société américaine de cette fin du XIXème siècle (bien que les choses aient évolué depuis, notre société d’aujourd’hui conserve encore quelques traits de cet héritage patriarcal). Enfin, la bande dessinée est servie par des dessins bien travaillés et documentés qui permettent au lecteur de se plonger dans la New York de cette époque. Bref, un bon moyen de découvrir par la suite le texte original qui est passionnant et facile à lire. 

12 réflexions sur “Nelly Bly, dans l’antre de la folie de Virginie Ollagnier et Carole Maurel

  1. Je l’ai aperçu en librairie et je me doutais que tu allais le lire 😀 J’ai découvert le personnage grâce à Pénélope Bagieu qui en fait un portrait dans un des tomes de « Culottées » et ça m’avait déjà beaucoup intriguée à l’époque. Je vais essayer de me la procurer, merci.

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  2. J’ai vu passé cette BD et je me demandais justement si elle valait le coup. J’apprécie déjà beaucoup Nelly Bly et son courage, je me plongerai probablement dans la BD dès que l’occasion me le permet maintenant que je suis rassurée sur sa qualité 🙂

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