Fantasy et Histoire(s) : présentation des Actes du colloque des Imaginales

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Coucou tout le monde,

comme prévu, je vous fais un petit compte-rendu des conférences auxquelles j’ai assistées aux Imaginales. L’une d’entre elles est dédié à la présentation des Actes du colloque Fantasy et Histoire(s) qui avait eu lieu l’année dernière aux Imaginales et dont le recueil d’articles est publié cette année par les éditions ActuSF. D’ailleurs, j’ai bien fait de craquer dessus dès le premier jour car apparemment, la maison d’édition a été très rapidement en rupture de stock!

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Allez, c’est parti!

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Samedi 25 Mai 2019, de 12h à 13h – Magic Mirrors Salon perdu

Auteurs invités : Anne Besson, Fabien Cerutti, Jean-Laurent Del Soccoro, Estelle Faye, Johan Héliot et Jean-Philippe Jaworski. En raison du retard de leur train, Anne Besson et Jean-Philippe Jaworski n’étaient pas présents au début de la conférence.

Modérateur : Jérôme Vincent, directeur d’ActuSF.

Jérôme Vincent : L’année dernière, un colloque dédié à la Fantasy et Histoire(s) avait été organisé dans le cadre des Imaginales. Aujourd’hui publié, ce recueil d’articles s’ouvre sur cette table ronde. Quel rapport étroit entretenez-vous avec l’Histoire?

Johan Héliot : J’ai une formation d’historien avec une spécialisation en Histoire Romaine. Cela fait vingt ans que j’écris et l’Histoire a toujours fait partie de mon processus d’écriture que ce soit la période romaine pour Les Reconquérants ou le XIXème siècle pour La lune seule le sait.

Fabien Cerutti : Je suis actuellement enseignant en Histoire et j’ai réussi à faire coïncider ma passion avec mon métier. Dans le Bâtard de Kosigan, j’ai utilisé l’uchronie en explorant l’Histoire du Moyen Age et le XIXème siècle.

Jean-Laurent Del Socorro : Je ne suis pas historien mais je suis amateur de cette discipline. Je suis très attaché à la dimension historique dans la Fantasy, c’est ainsi que j’ai fait intervenir l’Histoire antique avec Boudicca ou la Guerre de Sécession, au XIXème siècle avec mon futur roman, Je suis fille de rage.

Jérôme Vincent : Comment choisissez-vous la période historique?

Johan Héliot : J’ai touché à différentes périodes mais lorsque j’étais professeur d’Histoire dans un lycée professionnel, j’ai enseigné le XIXème siècle et la Révolution Industrielle. Je suis donc parti de ce contexte pour La lune seule le sait. Sinon, j’ai des vieux souvenirs d’enfance avec les péplums des années 50 et c’est pour cette raison que je me suis spécialisé en Histoire Romaine : c’est une façon de concrétiser mes rêves d’enfant.

Fabien Cerutti : Si j’ai choisi la période médiévale en Occident et plus particulièrement en Bourgogne, ce n’est pas un hasard. Cela remonte au collège grâce à l’enseignement de deux extraordinaires professeurs : Mme Chevalier et Mr Perceval (cela ne s’invente pas!). Dans le Bâtard de Kosigan, je suis parti de sources historiques existantes (une bulle papale qui légifère sur la magie, au XIVème siècle) puis j’ai extrapolé pour rendre mon récit uchronique (il existait de la magie au Moyen Age mais elle a disparu). J’ai également choisi le XIXème siècle comme seconde partie de mon récit car je souhaitais utiliser un style d’écriture plus travaillé.

Jean-Laurent Del Socorro : Après l’écriture d’Un royaume de vent et de colère, j’ai souhaité aborder la période du XIXème siècle avec la Guerre de Sécession aux Etats-Unis. Mais, entre temps, je suis tombé sur le récit incroyable de cette Reine celte qui s’est révoltée contre les Romains, au Ier siècle après J.-C. J’ai alors voulu rendre hommage à cette personnalité de cinéma ou de série et j’ai écrit Boudicca.

Johan Héliot : L’Histoire est riche et d’une certaine manière, une partie du travail est déjà fait car il est facile d’éplucher les sources pour trouver des personnages romanesques et de les plonger par la suite dans nos propres univers.

Fabien Cerutti : Avec peu de mots, il est simple de construire quelque chose dans l’imaginaire du lecteur. Je citerais l’exemple du Royaume de Jérusalem.

Jean-Laurent Del Socorro : En ce qui concerne certains personnages, il est parfois amusant que les lecteurs les trouvent too much à cause de réactions illogique ou incohérent mais en réalité, ils ont vraiment existé!

Jérôme Vincent : L’Histoire intègre-t’elle une sorte de connivence avec les lecteurs?

Johan Héliot : Dans La lune seule le sait, la période de la Commune offre une résonance dans l’esprit du lecteur. Rien qu’avec cet évènement, ce dernier est déjà transporté dans un univers.

Fabien Cerutti : Construire un monde est simple car je laisse mon imagination déborder. En revanche, il faut garder à l’esprit que le travail de finition est pointu car l’histoire doit pouvoir fonctionner.

Johan Héliot : Pour moi, le point d’ancrage réel est la psychologie de personnages connus comme celui de Louis XIV ou Churchill. Leur réaction doit être en accord avec leur personnalité.

Jean-Laurent Del Socorro : Je suis un auteur feignant! Et l’idée au départ était de ne pas recréer d’univers, je préférais donc me baser sur un monde préexistant. Mais, j’ai vite changé d’avis car j’ai dû faire beaucoup de recherches en Histoire finalement!

Jérôme Vincent : Lorsque l’on se confronte à des personnages historiques connus, dans quelle position se met-on?

Johan Héliot : C’est très amusant car je les place dans des situations complètement rocambolesques. Mais, je fais attention à ce qu’ils restent en accord avec leur vraie personnalité!

Jean-Laurent Del Socorro : Je prends beaucoup de liberté avec mes personnages. En effet, ils ont des réactions très contemporaines car je cherche la connivence avec le lecteur.

Jérôme Vincent : J’ai lu ton prochain roman Je suis fille de rage et il se trouve que Lincoln fait de longs monologues. Comment tu gères la véracité historique et ta liberté en tant qu’auteur?

Jean-Laurent Del Socorro : Dans Un royaume de vent et de colère, j’ai triché car le Roi Henri IV n’apparaît qu’en filigrane. Alors que dans Je suis fille de rage, le président Lincoln est une figure centrale de le Guerre de Sécession. J’ai donc dû extrapoler en le créant au fur et à mesure des dialogues et de ses prises de décision.

Fabien Cerutti : Mes personnages principaux comme Kosigan ont été inventés, c’est la raison pour laquelle ils ont « disparu » de la trame de l’Histoire officielle. Pour ma part, je ne travaille pas avec des personnages historiques, ils ne sont pas au coeur de l’action.

Jérôme Vincent : Pourquoi mêlez-vous l’Imaginaire à l’Histoire plutôt que d’écrire des romans historiques?

Johan Héliot : On me pose souvent la question. En réalité, je me sentirais trop étriqué dans un cadre historique.

Fabien Cerutti : L’être humain a besoin de rêver. C’est pour cette raison que la Religion et le merveilleux avaient une place entière dans la société auparavant. Aujourd’hui, ils sont devenus très secondaires mais le merveilleux est toujours relayé par la littérature, le cinéma ou les séries télévisées.

Jean-Laurent Del Socorro : Grâce au Royaume de vent et de colère, je voulais être un auteur de genre ; puis, dans mon roman Boudicca,  j’ai voulu mettre en exergue le mysticisme et les croyances celtes.

Anne Besson et Jean-Philippe Jaworski arrivent.

Jérôme Vincent : Quel est ton rapport à l’Histoire?

Jean-Philippe Jaworski : J’ai pillé les publications historiques ainsi que les découvertes archéologique et linguistique des années 80 et grâce à cela, je raconte des histoires « peu sérieuses »! C’est une façon d’appliquer un vernis de respectabilité sur mes romans!

Jérôme Vincent : A quel moment tu sors du cadre historique?

Jean-Philippe Jaworski : Lorsque j’aborde l’oniromancie (Art divinatoire utilisant les rêves) : les données sont trop lacunaires donc j’ai travaillé sur l’Imaginaire.

Jérôme Vincent : Quelle est la dimension historique de la Fantasy récente?

Anne Besson : Elle est effectivement très récente car elle intéresse de nombreux auteurs et lecteurs. Toutefois, il s’agit d’une tendance actuellement en cours de développement mais qui connaît une forte expansion.

Jérôme Vincent : Dans les actes du colloque, tu montres que l’Histoire est présente en Fantasy.

Anne Besson : Effectivement, la Fantasy invente une Histoire alternative comme par exemple la Terre du Milieu de Tolkien. Il s’agit d’une Histoire longue faite de conflits et de paix.

Jérôme Vincent : La dénonciation du racisme et du totalitarisme est souvent présent dans les Littératures de l’Imaginaire comme dans Harry Potter de JK Rowling.

Anne Besson : Les romans de Fantasy permettent de revisiter notre propre Histoire tout en proposant au lecteur une réflexion sur son monde actuel.

Jérôme Vincent : La Fantasy est donc une manière de proposer un nouveau regard?

Johan Héliot : Dans mon roman se situant dans le contexte de la Commune, je montre que l’Histoire peut être manipulée.

Fabien Cerutti : Avant tout, je me fais plaisir avec l’écriture, cette intention de dénoncer se retrouve donc en filigrane dans mes romans. Toutefois, j’aborde la question raciale avec la population des Elfes dont le nombre périclite face à l’ambition des êtres humains. La Croisades des Humains contre les Elfes fait d’ailleurs référence au fascisme et au totalitarisme.

Jean-Laurent Del Socorro :  Mon roman Boudicca rentre dans cette logique de rendre hommage à une figure féminine méconnue.

Jean-Philippe Jaworski : Comme l’a dit Fabien, le plaisir d’écrire un récit m’importe avant tout. Mais, l’Histoire est riche et le fait de collecter de nombreuses sources documentaires me permet par la suite de vulgariser ces recherches comme dans Rois du monde. 

Jérôme Vincent : C’est le travail des universitaires de décoder la littérature?

Anne Besson : Effectivement, mais il est nécessaire de prendre du recul par rapport au plaisir d’écriture des écrivains et de proposer un nouveau regard. Par exemple, l’un des actes du colloque Progressisme ou barbarie ? Les Orques dans l’Histoire des univers de Fantasy de William Blanc aborde la figure de l’Orque représenté comme ennemi de la civilisation occidentale et dénonce le fait qu’ils soient assimilé au peuple Mongol ou à celui des Afro-Américains. Autre exemple, dans l’acte du colloque Du mythe à la Fantasy. Enjeux historiographiques de la réécriture contemporaine de l’Enéide dans Lavinia d’Ursula Le Guin de Maureen Attali, cette dernière montre que la figure féminine est largement invisibilisée en Histoire. Le but d’Ursula Le Guin était donc de raconter l’Enéide du point de vue de Lavinia.

Jérôme Vincent : Comment a été crée ce Colloque?

Anne Besson : Par un appel à contribution tout d’abord. Notre thème de recherche est encore très récent et notre communauté restreinte. Mais, notre but est de montrer la richesse des Genres de l’Imaginaire par sa diversification, son évolution ou ses différents médias.

11 commentaires

  1. Merci pour ce compte rendu ! Le thème m’intéresse beaucoup et j’hésite à me procurer les actes du colloque (en plus il n’y a que des auteurs que j’aime beaucoup sur le plateau, c’est sympa ^^)

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  2. Merci pour le gros travail de retranscription que tu viens d’accomplir. Sinon, je voudrais réagir sur ça :

    « Jean-Laurent Del Socorro : Je prends beaucoup de liberté avec mes personnages. En effet, ils ont des réactions très contemporaines car je cherche la connivence avec le lecteur. »

    Il arrivera peut-être à une connivence avec certains lecteurs, mais pas avec moi. Un des intérêts de la Fantasy Historique est, à mon sens, de nous montrer les différences de comportement, de codes, moraux, ou autres, entre notre époque, notre culture, et d’autres temps, lieux ou civilisations. Donc retranscrire les codes sociaux ou la psychologie du XXIe siècle n’a, de ce point de vue, aucun attrait, et aucune logique, qui plus est. C’est pour cela que je ne lis pas cet auteur, malgré les bonnes critiques dont il bénéficie chez nombre de blogueuses et blogueurs. Dans le même genre, je préfère encore lire Jaworski, Cerutti, ou bien évidemment Guy Gavriel Kay.

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    • Sur le fond, je suis tout à fait d’accord avec toi car ayant eu une formation d’historien, je m’attends à ce que les mœurs de l’époque soient retranscrites à travers les paroles et les actes de personnages dans contexte historique. Pour un roman historique, je suis absolument intraitable là-dessus. En revanche, pour la Fantasy historique, je laisse davantage de « liberté » à l’auteur car justement le récit s’inscrit dans une littérature de l’imaginaire et qu’il est en « droit » de le faire. Même si évidemment Jaworski et Cerutti ont mes faveurs.

      En ce qui concerne Jean-Laurent Del Soccoro, j’avais beaucoup aimé son premier roman Un royaume de vent et de colères et j’avoue que la psychologie contemporaine des personnages ne m’avait pas vraiment sauté aux yeux lors de ma lecture (il faudrait que je relise ma chronique de l’époque). En revanche, je n’ai pas du tout aimé Boudicca, peut-être à cause de la raison que tu évoques. Je pense donc tout de même lire Je suis fille de rage qui sortira en octobre. Pour défendre cet auteur, il a été franc et a bien dit qu’il n’était pas historien. S’il avait affirmé le contraire et avait tout de même octroyé une psychologie contemporaine à des personnages historiques, j’aurais été beaucoup plus critique.

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