Femmes en armes, les guerrières de l’Histoire de Marie-Eve Sténuit

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Quatrième de couverture : 

La guerre pour les hommes, l’amour pour les femmes ? Mars et Vénus ? Eh bien non ! Les femmes ont toujours et partout été impliquées dans les conflits armés. La plupart ont dû, par nécessité, se montrer discrètes. D’autres ont accédé à de hauts postes de commandement et furent célèbres en leur temps. Toutes menèrent des vies dignes des plus grands romans d’aventure, démontrant que le courage, l’autorité et la vaillance ne sont pas une question de genre.

Editeur : Editions du Trésor

Nombre de pages : 186

Prix : 18,00€

Date de publication : 28 Mars 2019

Mon Avis :

C’est en me promenant dans les rayons de la magnifique Librairie Mollat de Bordeaux que je suis tombée, cet été, sur cet ouvrage sur les femmes guerrières. Je ne connaissais ni la maison d’édition, ni l’auteure mais comme le sujet m’intéresse et que j’avais un autre livre dans la même veine, j’ai tenté ma chance. Et cela m’a plutôt réussi car j’ai eu un petit coup de coeur pour cet ouvrage!

Dans Femmes en armes, Marie-Eve Sténuit fait le portrait de neuf femmes combattantes méconnues du grand public en parcourant une large période historique (du XIème au XIXème siècle), une grande zone géographique (de l’Amérique du Sud pour Maria de Estrada et Catalina de Erauso à l’Europe occidentale pour Mathilde de Toscane ou Florine de Bourgogne en passant par le Russie avec Nadejda Dourova pour finir en Chine avec Fu Hao) et tous les niveaux sociaux (du pouvoir comme Philippine-Christine de Lalaing aux couches les plus modestes comme Hannah Snell).

Un ouvrage bien documenté

La méthode utilisée par Marie-Eve Sténuit pour aborder ces neuf femmes est impeccable :

  • Elle utilise des sources variées : archéologique (l’inventaire de la tombe de Fu Hao), littéraire (les récits des historiens contemporains comme Landolfo Seniore pour Mathilde de Toscane ou les journaux intimes publiés comme celui de Catalina de Erauso), numismatique (inscription sur les pièces d’argent de Tournai frappées par Philippine-Christine de Lalaing) et artistique (statuaire, gravure ou peinture comme le portrait de Nadejda Dourova par Vladimir Ivanovitch Hau, portraitiste de la cour du Tsar Nicolas Ier). Elle prend beaucoup de recul par rapport à elles, les cite avec parcimonie sans les paraphraser et apporte une réflexion bienvenue sur ces femmes remarquables.
  • Il s’agit d’un ouvrage de vulgarisation et pour cela, l’auteure possède une écriture fluide et claire, ajoute des notes de bas de page (ce qui est bien plus confortable à la lecture que de les mettre à la fin de l’ouvrage), a rajouté quelques pages centrales pour donner une représentation de ces femmes et sa bibliographie à la fin de l’ouvrage est fournie et parfaitement bien classée.

Des sources en majorité issues des hommes

Si Marie-Eve Sténuit montre l’existence de sources produites directement par des femmes (par exemple, les récits autobiographiques de Catalina de Erauso ou de Nadejda Dourova), la majorité des sources historiques provenaient des hommes qui possédaient leur propre préjugé à l’égard du « sexe faible » :

  • soit les chroniqueurs occidentaux les ont fait disparaître purement et simplement des évènements. Par exemple, dans le cadre de la Troisième Croisade, ce sont essentiellement les sources arabes qui signalent la présence de femmes armées parmi les Croisés :

Ibn al-Athîr témoigne également  avoir vu des femmes combattre aux côtés des hommes pendant le fameux siège d’Acre d’octobre 1189. Il ajoute encore que trois cavalières franques furent découvertes parmi les prisonniers. Ce n’est que lorsqu’on leur ôta leur armure qu’on s’avisa de leur sexe. (p. 57)

  • soit, ils reconnaissaient leur présence mais souligne le caractère exceptionnel d’une femme en particulier par exemple pour Mathilde de Toscane ou la princesse Philippine-Christine de Lalaing dans l’extrait suivant :

Le cardinal Bentivoglio écrivit que la princesse « avait montré un courage au-dessus de son sexe » (les féministes apprécieront, à nouveau, le « au-dessus de »), hommage auquel on préférera sans doute celui de Grotius qui considère qu’elle fit voir, dans La Défense de Tournai, « des marques d’un courage féminin pareil à celui des grands hommes ». (p. 95)

  • soit ils restaient incrédules comme Maximilien Misson au XVIIème siècle face à  l’existence d’armures féminines retrouvées à Gènes : 

En réalité, il a du mal à croire à cette histoire. Du mal à croire qu’un pape ait pu songer un jour à se reposer sur des femmes pour défendre la chrétienté. (…) Mais que des dames de qualité, élevées dans le confort (« la plus grande mollesse » écrit-il exactement) décident d’abandonner foyers, plaisirs, mari et enfants pour aller s’exposer aux fureurs de la mer d’abord, puis aux horreurs de la guerre ensuite, c’est autre chose. (P. 48-49)

Bien qu’il ne faille pas généralisé la présence de ces femmes d’armes (elles existaient certes mais étaient en minorité), la vision de ces hommes a perduré pendant des siècles et est à l’origine d’un certain nombre de stéréotypes encore aujourd’hui.

Marie-Eve fait sortir de l’Histoire des portraits de femmes méconnues

Honnêtement, hormis le personnage de Mathilde de Toscane que j’avais entrevue dans le cadre de mes études en Histoire de l’Italie médiévale, je ne connaissais aucune des autres femmes présentées et cela a été une véritable découverte pour moi. Mieux encore, j’ai appris que des femmes avaient pris les armes lors de certains évènements :

  • La Troisième Croisade au XIIIème siècle : je savais que des femmes avaient accompagné leur mari en Terre Sainte pendant les Croisades à l’instar d’Aliénor d’Aquitaine avec le roi de France Louis VII. En revanche, j’ignorais complètement que certaines d’entre elles avaient directement participé aux combats comme la soeur du moine de Thomas de Froidmont, Marguerite.
  • La Conquête du Nouveau Monde au XVIème siècle : je savais aussi que des femmes étaient parties en Amérique du Sud pour peupler les nouvelles colonies mais j’ignorais que certaines avaient directement participé à la conquête de l’Amérique du Sud comme Maria de Estrada, présente dans l’armée d’Hernan Cortès. 

Enfin, Marie-Eve Sténuit fait la lumière sur les motivations de ces femmes à prendre les armes :

  • Celles à la tête du pouvoir (comme Mathilde de Toscane dans l’Italie du XIème siècle ou l’épouse du Roi Wu Ding de la dynastie des Shang, Fu Hao était générale de l’armée de Chine au XIIIème siècle) qui défendaient leur territoire et leur peuple des invasions étrangères.
  • Celles qui le faisaient pour leur Foi comme Marguerite durant la Troisième Croisade.
  • Enfin, celles qui le faisaient pour le goût de l’aventure comme Maria de Estrada citée ci-dessus ou Catalina de Erauso travestie en homme et qui a vécu une vie très picaresque dans l’Amérique du Sud du XVIIème siècle.

En conclusion, l’ouvrage de Marie-Eve Sténuit sur les Femmes en armes est un ouvrage documenté et solide d’un point de vue de la méthode utilisée. Il est également remarquable dans le sens où il fait fi des stéréotypes véhiculés par les hommes pour non seulement redonner à ces femmes armées une place dans l’Histoire mais aussi apporter au lecteur de nouvelles clefs de lecture. Bref, un ouvrage coup de coeur que je recommande.

13 commentaires

  1. Des mêmes éditeur et auteure, et sur un thème très proche, je possède « Femmes pirates » que je n’ai pas encore pris le temps de lire… Ton enthousiasme me donne envie de m’y mettre !
    Et si le sujet des femmes guerrières t’intéresse tout particulièrement, je te recommande volontiers l’une de mes dernières lectures : « Les Amazones » par Adrienne Mayor, très instructif et agréable à lire.

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    • J’avais hésité justement entre Femmes en armes et Femmes pirates. Du coup, je ne regrette pas mon choix. Mais, j’ai tout de même bien envie de lire l’autre ouvrage. Pour celui d’Adrienne Mayor, il est déjà dans ma PAL!

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  2. Certains profs d’Histoire devraient pencher pour ce type d’ouvrages pour remettre certaines femmes à leur vraie place, sur un champ de bataille et aussi capables que les hommes à mener les guerres de front. Peut-être qu’à notre époque dite civilisée, il y aurait une vision de la femme un peu plus évoluée que ce que j’entends parfois à gauche ou droite. Et après, on veut faire des leçons aux pays d’Orient… mais c’est un autre débat.
    Ah Christine de Lalaing, dont la statue trône fièrement sur la grand-place de Tournai, là où j’ai effectué mes études à une vingtaine de minutes de chez moi. Et pourtant si peu de gens connaissent son histoire. Mais l’Office de tourisme essaie de régler le tir en proposant un document très sympa sur elle (inclue dans l’Histoire générale de la ville, mais tout de même).

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    • Je connaissais pas du tout le personnage de Christine de Lalaing mais c’est vraiment bien si l’office du tourisme essaye de la mettre en valeur. Pour ce qui est de l’Histoire, les études sur les femmes existent depuis les années 70 mais n’ont jamais vraiment eu leur place dans l’enseignement jusqu’à très récemment. Toutefois, j’avais une prof d’Histoire Romaine (excellente, en passant!) qui nous sensibilisait sur ce sujet. En revanche, la thématique des femmes en armes est nouvelle pour moi.

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  3. Tombée par hasard sur votre blog, je pense y faire régulièrement un petit tour pour piocher des idées de lecture. De l’imaginaire et de l’Histoire tout juste ce qu’il me fallait (même si malheureusement par manque de temps je lis moins de livres historique que ce que je voudrais…)
    En tout cas « femmes en armes et guerrières de l’histoire » risque très probablement de se retrouver dans ma PAL. D’ailleurs d’autre titre cité dans les commentaires me donne également envie. Du même style j’avais lu « Les grandes guerrières de l’histoire » de Louise Depuydt aux éditions jourdan et j’avais adoré découvrir l’histoire de toute ces femme pour la plupart qui m’était inconnue.
    Merci pour cette découverte

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