Le bateau de Palmyre de Maurice Sartre

Quatrième de couverture :

Où sont allés les plus aventureux des Phéniciens, des Egyptiens, des Grecs, des Romains ? Certains ont-ils déjà fait le tour de l’Afrique ? Que connaissent-ils à la fin de l’Antiquité du reste de la Terre habitée ? Où sont arrivés Indiens et Chinois ? Ces questions sont essentielles pour connaître l’étendue et l’intensité des relations entre les grandes civilisations. Dès l’Antiquité, Europe, Afrique et Asie étaient en contact.
Il n’a pas fallu attendre Marco Polo ou les Grandes Découvertes pour voir des hommes et des femmes se déplacer et échanger marchandises et savoirs à très longue distance. De l’Islande au Vietnam, des côtes d’Afrique aux steppes de Mongolie, poussés par le vent de mousson comme le bateau du Palmyrénien Honaînû en route pour l’Inde ou au rythme lent des caravanes contournant le bassin du Tarim, marins, marchands ou ambassadeurs parcourent et décrivent des pays lointains.
Ce que les Grecs connaissent et reçoivent de l’Inde, ce que les Chinois savent de Rome, ce que l’Inde emprunte à l’art la pensée grecs, sans négliger les et à expéditions dirigées l’Europe du Nord ou l’Afrique vers subsaharienne, se découvre, l’on un monde où méconnu trouve aussi bien des Indiens égarés sur les côtes danoises que des Grecs emportés par les vents à Zanzibar ou à Ceylan, tandis qu’un ambassadeur chinois hésite à se lancer sur le golfe Persique.
A partir de textes, vestiges archéologiques et inscriptions, Maurice Sartre raconte les premières rencontres de trois continents, révélant à nos yeux la naissance d’un monde unique.

Éditeur : Tallandier

Nombre de pages : 336

Prix : 21,90€

Date de publication : 25 Février 2021

Mon Avis :

Cela fait un moment que je suis plusieurs romanistes sur la Twittosphère pour me tenir au courant de l’actualité en Histoire Romaine que ce soit au niveau des découvertes archéologiques ou de nouvelles parutions bibliographiques comme Le bateau de Palmyre. Et cet ouvrage m’intéressait à plus d’un titre car je savais que les Romains avaient eu des interactions avec l’extrême Orient : l’empereur Auguste (-27 avant J.-C. – 14 après J.-C.) avait notamment accueilli des délégations indiennes sous son règne et Pline l’Ancien au Ier siècle après J.-C. râlait contre les Romains qui s’habillaient avec de la soie, un tissu de luxe importé de Chine. En revanche, je ne savais pas à quel point les interactions étaient aussi riches et aussi développées en lisant ce livre pour lequel j’ai eu un véritable coup de coeur!

L’ouvrage de Maurice Sartre propose de découvrir les interactions entre le Monde Méditerranéen (les Grecs, les Phéniciens, les Égyptiens, les Romains et les Byzantins) à partir du VIème siècle avant J.-C. au VIème après J.-C. avec le reste du Monde connu de l’époque qui se bornait à l’Europe, l’Afrique (que l’on appelait la Libye) et une partie de l’Asie. Il organise son ouvrage autour de cinq grandes aires géographiques : l’Europe du Nord, l’Afrique, l’Arabie, l’Océan Indien et la Chine. 
Son titre Le bateau de Palmyre peut sonner de manière étrange quand on sait que la célèbre cité de caravaniers en Syrie actuelle (je vous renvoye à ma chronique de Palmyre de Paul Veyne) se situe… en plein désert! En réalité, les Palmyréniens étaient des marchands qui utilisaient autant la voie terrestre à travers le désert que la voie sur mer soit à partir des ports de la Mer Rouge, soit à partir de ceux du Golfe Arabo-persique pour se rendre en Asie. 

Des sources diversifiées…

À première vue, les sources sur lesquelles Maurice Sartre s’appuye semblent être assez diversifiées puisque l’Historien utilise les sources littéraires notamment les Histoires d’Hérodote (Vème siècle avant J.-C.), la Géographie de Strabon (Ier siècle avant J.-C. au Ier après J.-C.), L’Histoire naturelle de Pline l’Ancien (Ier siècle) ou le Périple de la mer Érythrée d’un auteur anonyme (Ier ou IIème siècle). Il les confronte ensuite aux sources numismatique (études des monnaies comme des pièces d’argent ou d’or retrouvées en Inde, en Chine ou au Vietnam), épigraphique (par exemple, une inscription retrouvée sur une stèle funéraire sabéo-nabatéenne de Sirwah au Yémen actuelle) et archéologique (vaisselle romaine en argent retrouvée dans une tombe à Hoby au Danemark actuelle ou trace d’occupation romaine en Inde puisqu’un temple dédié à Auguste a été édifié dans l’actuel Tamil Nadu, au sud). 

… pas toujours faciles à appréhender pour l’Historien…

Or, ces sources sont finalement peu nombreuses pour toute la période concernée (du VIème siècle avant J.-C. au VIème siècle après J.-C., soit mille ans), elles sont partielles voire anecdotiques (au IVème siècle avant J.-C., le voyage de Pythéas, Grec de Marseille en Ultima Thulè, c’est à dire en Islande actuelle n’est pas considéré comme crédible par Strabon), elles peuvent être exagérées et orientées (au IIème siècle, Aristide dans son Éloge de Rome veut se faire bien voir des Romains), elles sont déséquilibrées entre le Monde Méditerranéen et le reste du Monde (en ce qui concerne les sources littéraires, on ne connaît que quelques textes tardifs chinois comme l’Histoire de Fan Ye aux IV-Vème siècles qui parle du Da Qin qui désigne probablement l’Empire Romain d’Orient avec la ville de Constantinople), doivent mobiliser des connaissances en plusieurs langues (grec, latin, sabéen, nabatéen, etc…) même si pour la plupart, on peut les retrouver traduites dans des articles et enfin, il convient de prendre du recul par rapport à ces sources (la présence de monnaies romaines au Vietnam ou en Chine ne veut pas dire que les Romains sont allés jusque là). Lorsque des difficultés d’interprétation se posent, Maurice Sartre reste prudent et expose les différentes théories sans pour autant prendre partie pour l’une ou pour l’autre. Surtout j’ai apprécié qu’il remette en cause un certain nombre de clichés encore vivaces aujourd’hui comme les fameuses routes de la Soie qui ont été inventées… au XIXème siècle!

… mais un ouvrage passionnant

Possédant déjà un bagage solide en Histoire Antique, je n’ai eu aucune difficulté à appréhender Le Bateau de Palmyre d’autant plus qu’il est complété par un certain nombre d’outils précieux (comme des notes malheureusement en fin d’ouvrage, des cartes des cinq aires géographiques décrites plus haut et un dossier photographique en couleur au milieu de l’ouvrage). Toutefois, j’ai pu lire par ailleurs que des personnes avaient été gênées par le découpage géographique notamment en raison des aller-retours entre les périodes concernées. 

Enfin, j’ai adoré ma lecture car elle m’a apportée de nombreuses connaissances

  • Je ne savais pas par exemple que les Phéniciens avaient fait le tour de l’Afrique en trois ans dès le VIIème siècle avant J.-C. Si Hérodote reste dubitatif face à cet évènement, les historiens d’aujourd’hui jugent au contraire cet exploit crédible en raison de détails concernant la place du soleil dans le ciel. 
  • Le commerce entre le Monde méditerranéen et l’Asie était loin d’être anecdotique. D’après Strabon, ce n’était pas moins de 120 bateaux qui partaient de la Mer Rouge pour se rendre en Inde, à raison d’un voyage par an sous le règne d’Auguste! Si les Romains exportaient du vin, des céréales, de l’huile, de la céramique, de la vaisselle précieuse en or et en argent, du corail, etc… ; ils importaient de l’encens d’Arabie, des pierres précieuses (perles, béryl, turquoise, saphir, lapis-lazuli, etc…) et des épices d’Inde (poivre, cannelle, etc…), du coton et de la soie (qui provenait de la Chine mais qui transitait par l’Inde), etc… J’ai même été surprise que l’on retrouve une statuette indienne en ivoire à Pompéi!

En conclusion, j’ai eu un énorme coup de coeur pour Le bateau de Palmyre! L’ouvrage est parfaitement bien documenté et son auteur reste prudent face aux sources. Le livre est également agrémenté d’outils (notes, cartes, dossier photographique) pour aider le lecteur à appréhender le propos et il s’avère passionnant en raison de nombreuses connaissances que j’ai pu acquérir. Bref, ouvrage que je conseille amplement!

7 commentaires

  1. Je n’ai pas encore eu l’occasion de lire Maurice Sartre mais j’ai acheté tout récemment ses « Histoires grecques », que je compte entamer sous peu… Si cette lecture me plaît, je pourrai me pencher sérieusement sur son dernier ouvrage, puisque tu valides !

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  2. Penses-tu qu’il soit ardu à lire pour quelqu’un moins armé que toi en histoire romaine?
    Pour la crédibilité qu’Hérodote accordait au voyage des Phéniciens autour de l’Afrique, je suis déjà surpris qu’Hérodote ait su qu’il existait un « contour de l’Afrique »

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    • Je pense que tu peux le lire sans problème. Pour le tour de l’Afrique, j’ai été assez surprise également. J’en étais restée aux terra incognita de l’Afrique mais je ne savais pas qu’une voie par mer était connue pour en faire le tour.

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  3. […] J’ai eu un énorme coup de coeur pour Le bateau de Palmyre! L’ouvrage est parfaitement bien documenté et son auteur reste prudent face aux sources. Le livre est également agrémenté d’outils (notes, cartes, dossier photographique) pour aider le lecteur à appréhender le propos et il s’avère passionnant en raison de nombreuses connaissances que j’ai pu acquérir. Bref, ouvrage que je conseille amplement!Vous pouvez retrouver ma chronique entière ici.  […]

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