Le ferme des animaux de George Orwell

Quatrième de couverture : 

Un jour de juin eut lieu en Angleterre la révolte des animaux. Les cochons dirigent le nouveau régime. Boule-de-Neige et Napoléon, cochons en chef, affichent un règlement : « Tout ce qui marche sur deux pieds est un ennemi. Tout ce qui marche sur quatre pattes, ou possède des ailes, est un ami. Nul animal ne portera de vêtements. Nul animal ne dormira dans un lit. Nul animal ne boira d’alcool. Nul animal ne tuera un autre animal.
Tous les animaux sont égaux ». Le temps passe. La pluie efface les commandements. L’âne, un cynique, arrive encore à déchiffrer : « Tous les animaux sont égaux, mais certains animaux sont plus égaux que d’autres ».

Editeur : Folio

Nombre de pages : 159

Prix : 4,60€

Date de publication (de la présente édition) : 2 Janvier 2021

Mon Avis : 

Le mois dernier, j’ai lu les deux premiers tomes du Château des animaux de Félix Delep et Xavier Dorison. Comme la série n’est pas terminée, j’ai donc décidé de lire l’œuvre originale dont elle s’inspire, La ferme des animaux de George Orwell. Or, je serai bien obligée finalement d’attendre les deux derniers tomes de l’adaptation en bande dessinée car cette dernière se déroule après le récit de La ferme des animaux. En attendant, je suis très contente d’avoir lu ce classique. 

A la ferme du Manoir dirigée par Mr et Mrs Jones, les animaux sont exploités et mangent à peine à leur faim tout en donnant beaucoup d’eux-mêmes physiquement. Le cochon Sage l’Ancien décide alors de tenir un conseil de nuit juste trois jours avant de mourir et délivre une  prophétie. Les animaux seront un jour amenés à se rebeller contre les Humains et à se gouverner par eux-mêmes tout en disposant des fruits de leur propre travail. Un chant Bêtes d’Angleterre devient même leur hymne officiel. Quelques années plus tard, Mr Jones est devenu un peu trop porté sur la bouteille et ses ouvriers agricoles ne font pas correctement leur travail. La Ferme n’est plus aussi bien administrée qu’avant : aussi, lors de la St Jean, les animaux décident-ils de se révolter contre les humains…

La fable de…

Le court récit de George Orwell est une fable qui en faisant intervenir des animaux qui parlent, dénonce en réalité le comportement des humains et s’achève sur une morale. Ce genre n’est pas l’apanage de l’auteur anglais mais remonte à très loin dans notre Histoire. A l’origine, il s’agit probablement d’une tradition orale et les premières versions écrites ont été retrouvées en Mésopotamie et en Egypte. En France, les deux ouvrages les plus connus sont Le roman de renard dont les fables ont été collectées par des clercs anonymes au XIIème siècle et les Fables de La Fontaine au XVIIème siècle qui s’inspirent largement des Fables du Grec Esope (VIIème siècle avant J.-C.) et des Romains Horace et Phèdre qui ont vécu aux Ier siècle avant J.-C. et 1er siècle après J.-C.

…La ferme des animaux est une satire de la Révolution Russe…

En effet, la fable animalière écrite par George Orwell fait référence à la Révolution de 1917 qui a mis fin au règne du tsar Nicolas II, en Russie. Ainsi, il est possible de reconnaître derrière les protagonistes une métaphore de la société russe telle qu’elle existait à l’époque :

  • Les Humains représentent les Bourgeois et la Noblesse qui exploitent sans vergogne le fruit du travail des animaux pour s’enrichir. Mr Jones est ainsi le tsar Nicolas II qui sera tué peu après la Révolution. 

L’Homme est la seule créature qui consomme sans produire. (p. 12)

  • Les animaux sont quant à eux les Prolétaires qui croulent sous la charge de travail sans véritablement jouir des fruits de leur labeur. Ils vont alors expulser ou tuer les Humains pour prendre le pouvoir et assurer un partage plus juste des richesses. 
  • Le corbeau tourné en ridicule, représente l’Eglise et plus généralement la Religion qui promet des jours meilleurs dans un monde inventé, la Montagne de Sucrecandi mais dont personne ne croit réellement à son existence. Le corbeau va ainsi disparaître au début du soulèvement pour revenir à la fin. 
  • Le cochon Sage l’Ancien n’est autre que Karl Marx qui dans ses ouvrages annonce la fin de la lutte des classes ainsi que Lénine, le leader la Révolution de 1917. Ce dernier va alors largement s’inspirer des idées marxistes pour imposer un nouveau mode de gouvernance, le Communisme. En théorie, il s’agit d’abolir les classes sociales pour que chaque citoyen soit libre et égal à son prochain. Malheureusement comme nous allons le voir dans la prochaine partie, les choses ne vont pas se dérouler exactement comme prévues.

Après le soulèvement, les animaux vivent durant les premières années une sorte d’euphorie :

  • Ils mettent en place six commandements valables pour tout le monde.
  • Ils créent de nouveaux symboles et distinctions : La ferme du Manoir devient La ferme des animaux (tout comme la Russie est devenue l’URSS), le chant Bêtes d’Angleterre devient l’hymne national (au même titre que Le chant des Martyrs durant la Révolution russe) ou un drapeau vert avec un sabot et une corne est institué en référence au drapeau rouge communiste avec le faucille et le marteau.
  • Ils exportent leur nouveau modèle dans d’autres fermes (comme la Russie l’a fait en Chine ou en Corée).

… et du Stalinisme. 

Le mouvement révolutionnaire connaît ses limites face aux ambitions d’un poignée et est confisqué :

  • Les cochons apprennent à lire et à écrire et deviennent les nouveaux dirigeants car ils possèdent le savoir. Ainsi, on peut voir dans les cochons : Boule de neige est Léon Trotski, l’un des chefs du Parti qui devra s’exiler car sa vie est menacée tandis que Napoléon le remplacera au pouvoir tout comme Staline à partir de 1926. 
  • Les chiens représentent quant à eux le pouvoir militaire et la coercition.
  • Les autres animaux (chatte, oie, vache, âne, cheval, poule, etc…) sont une allégorie du peuple russe à qui le pouvoir va demander de plus en plus au fur et à mesure des années. 

Et la société idéale mise en place par la Révolution se transforme en une dictature. La fable devient donc une dystopie

  • Les cochons et les chiens font partis des privilégiés et remplacent les Humains. Ils ne travaillent pas et occupent les meilleures places dans la Ferme.
  • Ils ne respectent pas les commandements édictés en premier lieu. Pis, ils les manipulent en rajoutant des mots pour modifier leur sens. Par exemple, le Commandement 7 disait « Tous les animaux sont égaux ». Mais après modification, cela donne « Tous les animaux sont égaux mais certains sont plus égaux que d’autres ». 
  • Ils réécrivent l’Histoire : dans les faits, c’est Boule de neige qui tue Mr Jones mais Napoléon change le cours des évènements et devient lui-même le héros de la Révolution. 
  • Ils ne tiennent pas leur promesse : ils avaient institué le droit à la retraite pour les animaux. Une promesse qui ne sera pas honorée. 
  • Ils mentent et manipulent la vérité : le cheval Malabar est tombé malade. Plutôt que de le faire soigner, Napoléon l’envoye directement chez l’équarisseur. 
  • Attention SPOILER : Enfin, la morale de La ferme des animaux est cynique et montre que finalement même si la Révolution a eu lieu. Cela n’a rien changé pour le peuple des animaux puisque les cochons dirigeants ont finalement pris la place des Humains et les exploitent. 

En conclusion, La ferme des animaux de George Orwell est un récit court d’une très grande richesse, très accessible mais surtout cynique. Reprenant la tradition de la fable animalière qui consiste à dénoncer les travers des Humains tout en donnant une morale à la fin, l’auteur anglais fait la satire de la Révolution russe de 1917 et du Stalinisme qui s’ensuit. Il montre ainsi comment un mouvement au départ idéaliste et positif (l’égalité pour tous, une meilleure distribution des richesses entre chaque membre, etc…) se transforme ensuite en dictature à cause de l’ambition et de la soif de pouvoir d’un faible nombre qui confisque le pouvoir. Si ce court roman fait directement référence au Communisme et au Stalinisme, il peut aussi être transposable pour d’autres révolutions ratées. Bref, un très bon outil à utiliser dans le cadre de l’enseignement. 

Autres avis : 

Le chien critique

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11 commentaires

  1. Il faudra que je lise un jour ce texte ! Ce n’est pas la première fois que je lis une chronique à son sujet cette année en plus et vu sa richesse cela devrait me plaire. Je le note dans un coin de ma tête 😊 bravo pour ton analyse !

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  2. […] La ferme des animaux de George Orwell est un récit court d’une très grande richesse, très accessible mais surtout cynique. Reprenant la tradition de la fable animalière qui consiste à dénoncer les travers des Humains tout en donnant une morale à la fin, l’auteur anglais fait la satire de la Révolution russe de 1917 et du Stalinisme qui s’ensuit. Il montre ainsi comment un mouvement au départ idéaliste et positif (l’égalité pour tous, une meilleure distribution des richesses entre chaque membre, etc…) se transforme ensuite en dictature à cause de l’ambition et de la soif de pouvoir d’un faible nombre qui confisque le pouvoir. Si ce court roman fait directement référence au Communisme et au Stalinisme, il peut aussi être transposable pour d’autres révolutions ratées. Bref, un très bon outil à utiliser dans le cadre de l’enseignement. Vous pouvez retrouver ma chronique complète ici.  […]

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